Intervention de Philippe Marini

Réunion du 26 juillet 2012 à 9h30
Loi de finances rectificative pour 2012 — Article 6

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, président de la commission des finances :

Comme Richard Yung, notamment, l’a souligné, la réflexion européenne, dont on nous dit qu’elle devrait pouvoir avancer assez rapidement, porte sur une assiette beaucoup plus large. Celle-ci englobe, en particulier, les transactions sur les produits dérivés, qui concernent des volumes bien plus considérables, transactions sur la régulation desquelles nous pouvons sans doute accomplir quelques progrès. Peut-être l’un des mérites d’une future taxe européenne sera-t-il d’aller dans le sens de plus de transparence et de régulation sur les marchés de produits dérivés.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous informer de l’état d’avancement, à l’échelon européen, de cette future directive ? Vous semble-t-il possible de réunir les conditions nécessaires, en d’autres termes de convaincre les autres États membres de l’Union ? Ce débat n’est-il pas en quelque sorte un théâtre d’ombres, et la TTF une fiction que l’on agite ? Les intérêts propres de la place de Londres, puisque ceux-ci sont en cause, nous le savons, ne sont-ils pas tels que l’adoption d’un texte européen serait vouée à l’échec ? Pouvez-vous nous dire comment se présentent les positions des uns et des autres et s’il est vraiment réaliste d’espérer aboutir dans les prochains mois, comme nous le souhaitons bien entendu tous ici ?

Dans ces conditions, est-il vraiment si urgent de doubler le taux sur cette assiette étroite, c'est-à-dire de prendre le risque de pénaliser le marché des actions sur la place de Paris ? Celle-ci pourrait par ailleurs être mise à mal par d’autres mesures, susceptibles de dégrader sa compétitivité ; je pense en particulier aux dispositions prévues à l’article 5, dont l’examen a été réservé, qui, comme nous le verrons tout à l'heure, créent une contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés, c'est-à-dire une taxation supplémentaire forfaitaire des dividendes de 3 %.

Ces mesures ne peuvent que créer un handicap pour des émissions de fonds propres sur le marché, pour la réussite d’augmentations de capital, au moment où – on ne cesse de nous le dire – le financement bancaire, le crédit est soumis à des limitations du fait de l’évolution des normes comptables internationales et de la mise en place du système de Bâle III, que nous n’avons sans doute pas analysé de façon assez lucide.

Dans ce contexte, je le répète, est-il vraiment si urgent de doubler le taux sur une assiette réduite aux seules actions, sur le segment de marché qui est sans doute le plus directement connecté à l’économie réelle, aux investissements des entreprises, et qui est par ailleurs le mieux régulé, le plus transparent, celui dont les rouages sont les plus précis ?

Monsieur le ministre, de deux choses l’une : soit l’on croit en l’aboutissement réaliste dans les mois qui viennent du texte européen – il faudrait que vous nous disiez où l’on en est des négociations, des approches préparatoires –, soit l’on n’y croit pas. Dans la première hypothèse, je ne pense pas qu’il soit de bonne politique de doubler aujourd'hui le taux de la taxe sur les transactions financières et je me demande même si le produit que vous affichez n’est pas légèrement optimiste.

Hier soir, Jérôme Cahuzac, dont je comprenais bien les arguments, évoquait certaines mesures prises par la précédente majorité, dont il a rappelé que l’évaluation était un peu optimiste, notamment s'agissant de la réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune menée à l’été 2011. M. Cahuzac affirmait que nous avions fait apparaître des recettes dont nous savions l’estimation optimiste. Sans doute n’en étions-nous pas aussi rigoureusement sûrs à l’époque que nous le sommes aujourd'hui, après les faits… Toutefois, ne risquez-vous pas, monsieur le ministre, de commettre la même erreur, ou plus exactement de pécher, comme cela a pu nous arriver, par excès d’optimisme quant au rendement affiché d’une mesure ?

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