Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il s'agit d'un amendement dont le dispositif a, en fait, déjà été expérimenté. Je le dis pour M. le ministre, dans l'hypothèse où il l'ignorerait, ce qui m'étonnerait.
Trois arguments militent en faveur de ce que nous proposons.
Premièrement, on fait souvent le constat que les parcours scolaires sont assez illisibles. Les jeunes ne savent pas de quel côté se diriger à mesure qu'ils avancent dans ce parcours, et c'est plus particulièrement vrai selon le milieu social.
J'emprunterai volontiers à ma propre expérience. Premier bachelier de la famille, lorsque j'ai eu le bac en poche, j'ai posé la question de savoir ce que j'allais faire dorénavant. A quoi on m'a répondu : « C'est toi qui sais, c'est toi le bachelier » !
J'ai constaté que la même méconnaissance affectait de très nombreux jeunes et que ce manque de visibilité sur l'avenir produisait comme un choc en retour, se traduisant soit par du désespoir, soit par une espèce de rage incontrôlée. D'ailleurs, si vous voulez bien considérer les statistiques, vous vous apercevrez, c'est mon deuxième argument, que l'on peut facilement croiser les deux critères qui permettent de rendre compte de 90 % des violences scolaires : d'une part, le critère du retard d'âge, d'autre part, le critère du sexe.
On voit donc comment, en donnant de la visibilité, on donne en même temps de l'air à tout le système.
Mais il est un troisième argument en faveur de la proposition que je formule avec le groupe socialiste.
Le terme de l'obligation scolaire est fixé à seize ans, et nous considérons que c'est une obligation républicaine que de scolariser gratuitement nos enfants jusqu'à cet âge. Cependant, nous savons que nous avons des enfants de plus de quinze ans en classe de quatrième - ils sont même 20 000 par an - et nous savons aussi qu'il est opportun de donner la possibilité à ces élèves de savoir quoi faire de leur avenir, un an avant qu'ils atteignent le terme de la scolarité obligatoire et donc avant d'avoir pu bénéficier le cas échéant des paliers d'orientation en troisième et en seconde.
C'est pourquoi je propose avec le groupe socialiste que soit organisé un entretien d'orientation avec chaque jeune, quelle que soit la section, quelle que soit la voie d'enseignement dans laquelle il se trouve à l'âge de quinze ans.
Au cours de l'année scolaire 2000-2001, cinq académies de notre pays ont testé ce dispositif ; puis, au cours de l'année scolaire suivante, 2001-2002, la moitié des académies l'ont à leur tour testé. Partout où cette mesure était appliquée, aussi bien les enseignants que les responsables des établissements scolaires ont constaté un mieux-être des jeunes et un mieux vivre dans les établissements.
Enfin, pour les jeunes, ce fut souvent l'occasion d'une véritable rencontre avec eux-mêmes, d'une véritable révélation, un moment d'éclaircissement de leurs ambitions dans la vie, avec des mots qui, moi, m'ont beaucoup ému. Je me souviens d'une inspection que j'ai faite sur le terrain, dans l'académie de Marseille, et de ces jeunes - je pense en particulier à ceux d'un collège du quartier Nord - reconnaissant qu'ils avaient osé dire pour la première fois que leur ambition était dans l'avenir d'être juges et que, pour la première fois, ils avaient l'impression que, loin de se moquer d'eux, on leur disait au contraire comment faire pour bien faire.
Monsieur le ministre, le dispositif peut être appliqué dans la mesure où il est prouvé qu'il est efficace. Après, évidemment, c'est peut-être une affaire de moyens, mais je fais observer que la commission - et je considère que c'est un point positif dont je peux me réclamer - a renvoyé la décision à la sagesse du Sénat lorsque nous avons débattu de cet amendement. C'est une indication pour vous, monsieur le ministre, qu'il existe un certain consensus entre nous sur le sujet.