Intervention de Pierre Bordier

Réunion du 26 juillet 2012 à 22h00
Loi de finances rectificative pour 2012 — Article 23

Photo de Pierre BordierPierre Bordier :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en tant que membre de la commission de la culture et de l’éducation, je tiens à dénoncer l’irréalisme et l’imprécision des mesures proposées au travers de cet article.

Vous supprimez la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux dans l’éducation nationale, malgré l’aggravation du déficit de l’État. Pour rendre réalisable votre promesse de 13 000 créations de postes par an dans la police, la justice, la gendarmerie et l’éducation nationale, vous en arrivez à appliquer une RGPP bien plus stricte, à savoir le non-renouvellement de deux fonctionnaires sur trois dans les autres ministères, que, selon, vous jugez « non prioritaires », pour reprendre vos propres termes.

Que n’aurions-nous entendu si le précédent gouvernement avait agi de la sorte ! Et tout cela dans une imprécision totale sur la manière dont cette règle sera appliquée dans ces administrations. Qu’en sera-t-il pour le ministère du travail et de l’emploi ? Pour la défense, les affaires étrangères, la culture ?

Par ailleurs, comment les chiffres des créations de postes dans l’éducation nationale ont-ils été calculés, que ce soit pour la rentrée prochaine ou pour l’ensemble du quinquennat ? Là également, nous sommes dans le flou. Le chiffre de 60 000 postes d’enseignants martelé pendant la campagne électorale est censé correspondre au rétablissement du remplacement des départs à la retraite pour l’ancien et le futur quinquennat.

Je soulève cette question car des chiffres différents ont été évoqués lors des travaux d’une mission d’information de notre commission, dont le rapporteur était Mme Gonthier-Maurin, et qui a eu pour objet le métier d’enseignant.

Mme Gonthier-Maurin a estimé que, si l’on restaurait les 60 000 postes non renouvelés par le précédent gouvernement et que l’on remplaçait les départs à la retraite sur cinq ans, on arriverait à 150 000 postes. Ce chiffre a suffisamment gêné les sénateurs de la nouvelle majorité pour qu’il disparaisse de la version proposée en commission !

Par ailleurs, par pure volonté d’affichage, vous prévoyez des créations de postes dès la rentrée prochaine, alors que ce n’est pas réalisable, en tout cas dans de bonnes conditions.

Les objectifs visés par l’article 23 peuvent sembler louables : qui ne souhaiterait davantage d’auxiliaires de vie scolaire pour les élèves handicapés, ou davantage de RASED pour les élèves en difficulté ?

Le problème est que ces créations de postes se font en dépit du bon sens. Dans quels établissements allez-vous affecter ces personnels ? Iront-ils réellement là où sont les besoins ? Ils seront plutôt affectés, me semble-t-il, là où vous pourrez recruter. Ici encore, nous sommes dans le flou !

Avez-vous oublié que, cette année encore, certains jurys de concours de l’enseignement ont été dans l’impossibilité de pourvoir la totalité des postes disponibles ? Il y a des besoins, mais il n’y a pas assez de candidats.

Alors, comment allez-vous trouver les personnels que vous souhaitez recruter ? Dans un tel contexte, je doute que leur profil corresponde aux besoins. Dans les zones prioritaires, par exemple, les établissements ont besoin d’enseignants expérimentés. Lors d’une récente mission sur la carte scolaire à laquelle j’ai participé, nous sommes tous convenus que des néo-titulaires ne devaient pas occuper ces postes difficiles. Je pense que, malheureusement, vous ne pouvez pas aujourd’hui prendre l’engagement de ne pas avoir recours à de nouveaux diplômés !

Enfin, et ce point me semble particulièrement important, la création de postes que vous envisagez va immanquablement provoquer un gel des salaires. Je rappelle que, sous le gouvernement précédent, la moitié des gains provenant de la politique de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite a été dédiée à des augmentations de salaires. Nous sommes en effet convaincus que l’amélioration de notre système éducatif passe par la revalorisation du métier d’enseignant et, par voie de conséquence, par une augmentation des traitements plutôt que par des créations de postes.

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