Intervention de Annie David

Réunion du 17 mars 2005 à 15h00
Avenir de l'école — Article 6 bis

Photo de Annie DavidAnnie David :

Cet article, qui, comme vient de le rappeler Jean-Marc Todeschini, a été introduit par l'Assemblée nationale, vise à rassurer les enseignants, les élèves et les parents qui craignent que l'enseignement obligatoire ne se résume au socle commun.

Malgré tout, nous en demandons la suppression, et ce pour plusieurs raisons.

Il nous est demandé de voter un dispositif établissant une distinction entre deux types d'enseignements alors que nous ne savons pas précisément, malgré le débat qui a eu lieu aujourd'hui, quelles disciplines relèveront respectivement du socle commun et des enseignements complémentaires, les éléments du socle commun devant être définis par décret.

Les enseignements complémentaires, qui ont été intégrés dans l'article 6, sont, quant à eux, définis en creux, M. Périssol ayant expliqué dans l'objet de son amendement à l'Assemblée nationale qu'ils constituent « soit un approfondissement des enseignements fondamentaux compris dans le socle commun, soit une diversification sur d'autres champs ». En fait, tous les enseignements qui ne seront pas compris dans le socle commun seront complémentaires.

Prenons l'exemple des principaux éléments de mathématiques : où s'arrête le principal, où commence l'accessoire ? De même, quand considère-t-on que la langue française est maîtrisée ? Comment savoir si les sciences de la vie et de la terre ou la chimie font partie de la culture humaniste et scientifique ?

Il nous est donc demandé de légiférer sur des objets inconnus, certains devant constituer les éléments d'une culture commune minimale, d'autres étant laissés au choix de l'élève en fonction de critères non définis, les enseignements complémentaires devant permettre à chacun de trouver sa voie de réussite.

La voie de réussite de chacun étant, par définition, personnelle, les enseignements complémentaires devraient donc varier d'un élève à l'autre, étant entendu qu'il est très difficile, pour ne pas dire impossible, de construire un système éducatif sur mesure pour chaque élève. Ce n'est d'ailleurs pas souhaitable.

La distinction entre enseignements fondamentaux et enseignements complémentaires reste des plus floues. C'est la première des raisons pour lesquelles nous n'approuvons pas ce dispositif. Vous nous demandez en effet d'acquiescer à la mise en place d'un système éducatif construit sur deux éléments dont on ne connaît ni la teneur, ni la consistance, ni la taille, ni la solidité.

La deuxième raison de notre opposition est que le dispositif des enseignements complémentaires va dans le sens de l'accroissement du nombre d'enseignements dispensés à la carte dans le cadre de l'éducation nationale.

Au-delà du minimum vital prévu par le socle commun, les enseignements complémentaires devraient permettre à chacun de trouver sa voie de réussite. Or il est très difficile, comme je viens de le souligner, de faire varier le périmètre des enseignements d'un élève à l'autre. C'est pourtant bien de l'individualisation des parcours d'apprentissage qu'il est ici question. Il faudra donc bien que des critères de variation soient trouvés.

Nous craignons fort que ces critères ne conduisent à ajuster les enseignements aux perspectives d'emploi des élèves. Ceux-ci n'étant pas toujours en mesure de définir eux-mêmes leur voie de réussite, l'institution s'en chargera à leur place et substituera probablement les besoins de la société aux envies des élèves, lesquelles sont trop difficiles à cerner ou à prendre au sérieux.

En outre, pour prendre toute la mesure de ce nouveau découpage des disciplines, il faut tenir compte des effets de la décentralisation ainsi que de l'autonomie accrue des établissements scolaires. Ces derniers seront responsables des enseignements proposés aux élèves au-delà de ceux qui sont inclus dans le socle commun et ils les choisiront, d'une part, en fonction de leurs moyens et, d'autre part, en fonction du milieu socio-économique dans lequel ces établissements s'insèrent localement.

C'est ainsi que l'on risque d'aboutir à une différenciation croissante en fonction des régions, des bassins d'emploi et des établissements scolaires, laquelle sera préjudiciable à l'unité du service public de l'enseignement scolaire.

Les articles 6 et 6 bis posent une équation à deux inconnues. Où se situera la frontière entre socle commun et enseignements complémentaires ? Quels enseignements complémentaires seront effectivement proposés et à quels élèves ?

Parce qu'il nous semble inacceptable de mettre les élèves dans une telle situation d'incertitude, nous refusons cette bipartition entre enseignements fondamentaux et complémentaires.

Nous vous proposons donc de supprimer l'article 6 bis.

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