a d'abord dressé un bilan des actions menées par les gouvernements successifs en termes de prévention des inondations, citant la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement, dite « loi Barnier », ainsi que la loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, dite « loi Bachelot ». Elle a également évoqué les débats sur les submersions marines dans le « Grenelle de la mer » ainsi que l'actuelle transposition de la directive européenne sur les inondations dans le projet de loi portant engagement national pour l'environnement.
Elle a ensuite rappelé le lancement, en 1995, des plans de préventions des risques naturels (PPRN), tendant à limiter l'urbanisation en zones à risques et à l'encadrer dans des zones de moindre risque. 7 750 communes avaient un tel PPR approuvé fin 2009, dont 6 600 pour le risque inondations. Par ailleurs, a-t-elle poursuivi, la prévision et l'alerte ont été renforcées avec l'instauration, depuis une dizaine d'années, de la vigilance météo, de la vigilance pluie-inondations et de la surveillance et la prévision des crues sur 20 000 km de cours d'eau, des travaux étant en cours depuis 2009 sur la submersion marine.
Les ressources financières, en particulier celles du fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit « fonds Barnier », ont été renforcées, tandis qu'une cinquantaine de plans d'actions de prévention des risques d'inondations (PAPI) et cinq plans « grands fleuves » ont concouru, entre autres, au renforcement des digues. Dans certaines zones à très fort risque de crue rapide, la délocalisation d'habitations, voire d'activités excessivement exposées ont été financées.
Restent cependant, a reconnu Mme Chantal Jouanno, certains points de faiblesse à traiter :
- les PPR sont contestés, étant accusés soit de trop contraindre le développement des territoires, soit de ne pas être totalement pertinents au regard du degré d'aléa retenu. L'adoption de nombre d'entre eux reste par ailleurs enlisée dans des procédures trop longues et complexes ;
- il convient de progresser pour intégrer en amont prévention des risques et organisation du territoire, par exemple au niveau des schémas de cohérence territoriale (SCOT) et des plans locaux d'urbanisme (PLU) ;
- le lien entre la surveillance des phénomènes, l'alerte et la gestion de la crise doit être renforcé, tout comme la performance des dispositifs, la capacité à couvrir un maximum de territoires à risques et l'aptitude à prendre en compte l'ensemble des phénomènes, qu'il s'agisse de submersion marine comme de ruissellement urbain ou rural ;
- 48 PAPI ont été conventionnés entre les collectivités locales et l'Etat depuis 2003, pour un total de 900 millions d'euros, dont un tiers pris en charge par l'Etat et deux tiers par les collectivités locales. Il convient à présent pour certains de dépasser la phase d'études et de lancer les travaux ;
- le renforcement et la gestion des digues doivent être revus. Nombre d'entre elles sont sans responsable actif, voire identifié, ce qui inévitablement retentit sur leur état. Les responsables privés ou publics ne sont pas forcément à la hauteur des enjeux techniques et financiers induits. Dans le même temps, les collectivités qui se lancent dans l'entretien des digues, par exemple sous forme de syndicats mixtes, s'interrogent sur leurs responsabilités à la fois financières et pénales, alors même qu'elles prennent une compétence non obligatoire.
Les 250 km de digues appartenant à l'Etat méritent d'être confortés en priorité ;
- si d'importantes avancées ont été enregistrées sur les crues fluviales, le bilan est moins bon sur les risques de submersion marine. Ainsi, sur 864 communes littorales, seuls 46 PPR ont été approuvés et 71 prescrits.
a appelé à développer des actions de terrain intégrant les sept piliers de la prévention : connaître les risques ; exercer la surveillance, la vigilance et alerte ; informer de façon préventive les citoyens ; aménager et urbaniser en intégrant le risque ; réduire la vulnérabilité ; préparer à la gestion de crise et intégrer le retour d'expérience. A cet égard, la transposition de la directive « inondations » implique tout à la fois d'identifier les territoires à risques importants, d'élaborer au niveau des grands bassins des plans de gestion des risques d'inondations et d'intégrer tous les types d'inondations, de la submersion marine au ruissellement urbain, en passant par les crues torrentielles ou de cours d'eau.
Evoquant ensuite les règles d'urbanisme et le droit des sols dans les zones dangereuses, Mme Chantal Jouanno a rappelé les objectifs fixés par le président de la République : arrêter de construire dans les zones à fort risque et réaliser les PPR inondations les plus importants d'ici trois ans. C'est dans cette optique que seront proposées, à l'occasion de l'examen du projet de loi portant engagement national pour l'environnement, des modifications de la législation visant :
- à prévoir la définition par décret des grandes règles d'élaboration des PPR, notamment la détermination du niveau d'aléa, et des règles de constructibilité en fonction de l'ampleur du risque, de la nature urbanisée ou non de la zone et de l'existence de protections de qualité ;
- d'améliorer diverses procédures, comme le renforcement de la validité des PPR approuvés par anticipation et la simplification des processus de modification ;
- de réaffirmer la possibilité de limiter ou d'interdire les constructions dans les zones à risques, ainsi que l'impossibilité de tirer prétexte de l'existence d'ouvrages de protection pour construire dans des zones non urbanisées.
a par ailleurs souhaité améliorer la mise en oeuvre des mesures existantes, et ce par un renforcement des capacités de cartographie des territoires et des risques, mais aussi par une meilleure concertation avec les élus en vue de les inciter à introduire le plus en amont possible la prévention des risques dans les documents d'urbanisme. Elle a aussi souligné la nécessité d'une stratégie nationale de gestion du trait de côte, du fait notamment de la hausse prévisible du niveau de la mer, qui pourrait atteindre jusqu'à un mètre d'ici 2100, selon certains scénarios.
Elle a rapporté avoir demandé aux préfets et aux services déconcentrés, par une circulaire signée début avril, d'entamer les travaux sur le littoral en veillant à être intransigeants sur les constructions en zone à fort risque, y compris en l'absence de PPR ; d'identifier les territoires prioritaires nécessitant des PPR et de se préparer à les prescrire ; et d'évaluer les PPR prêts ou en voie de l'être et, s'ils sont de bonne qualité, de les appliquer par anticipation et de les mener rapidement au stade de l'enquête publique et à l'approbation. Elle a également dit avoir demandé aux 60 préfets n'ayant pas encore prescrit les plans de prévention des risques technologiques (PPRT) qui les concernent de le faire dans les meilleurs délais, avec pour objectif l'intégralité des PPRT prescrits d'ici fin 2010. Seront diffusées par ailleurs des cartes des zones basses, tandis que la connaissance fine de la topographie du littoral sera renforcée.
S'agissant ensuite du plan de reconstruction et de renforcement des défenses contre la mer, Mme Chantal Jouanno en a rappelé les grands objectifs :
- renforcer les digues dans la durée, par rapport à leur destination actuelle. Ainsi, une digue n'ayant pas pour objet de protéger des zones occupées par des activités humaines ne pourra changer de destination ;
- prendre en compte, sauf exception dûment justifiée, le niveau de protection actuel visé par la digue qui, s'il est rehaussé au regard des enjeux à protéger, ne devra pas servir à augmenter l'exposition aux risques des populations ;
- ne pas créer de nouvelles digues destinées à ouvrir à l'urbanisation des zones exposées à un risque important ou perturbant l'expansion des crues ;
- interdire les constructions nouvelles derrière les digues dans les zones d'aléa fort, sauf certains bâtiments spécifiques et sauf les exceptions prévues par la future réglementation des PPR ;
- abandonner les digues protégeant des enjeux faibles ou bien se trouvant en déshérence ;
- inscrire le renforcement des digues dans une vision globale de la prévention du risque inondations, du type des PAPI ;
- renforcer les moyens de contrôle du respect de la réglementation relative à la sécurité des ouvrages ;
- prendre en considération les digues tant fluviales que maritimes ;
- créer les conditions de l'émergence et de la pérennité d'une maîtrise d'ouvrage compétente techniquement, solide financièrement et ayant les moyens de s'engager dans la durée.
Sur ce dernier point, a indiqué Mme Chantal Jouanno, des questions complexes restent à traiter, comme le caractère facultatif ou obligatoire de la compétence, son niveau communal ou départemental, la possibilité de lever une ressource pérenne et, enfin, l'appui de l'Etat au titre de la solidarité nationale et au regard de l'ampleur de l'enjeu. Aussi ce sujet sera t-il articulé avec la réforme des collectivités territoriales, en concertation avec la représentation nationale.
Sur le volet incitatif en revanche, des amendements seront examinés en urgence, s'agissant :
- d'élever le taux d'intervention du fonds Barnier, aujourd'hui au plus de 25 %, à 40 % si besoin, dans les communes couvertes par un PPR approuvé. Le FEDER pourra le compléter jusqu'à 50 %, cette demande devant être défendue au plus haut niveau communautaire ;
- de donner une compétence facultative aux communes et conseils généraux.
Puis elle a indiqué que sur 7 500 à 8 000 km de digues, 3 500 à 4 000 sont à conforter, pour un coût de l'ordre de 3,5 à 4 milliards d'euros. L'Etat doit, a-t-elle estimé, renforcer assez vite 250 km de digues fluviales, et mieux cerner les digues maritimes qui sont sous sa responsabilité. Le schéma théorique pourrait être, avec les ressources actuelles auxquelles serait adjoint un complément de l'ordre de 500 à 600 millions d'euros :
- 250 millions d'euros pour les digues d'Etat ;
- 550 millions d'euros d'aides aux collectivités.
Il conviendra de mobiliser des aides du Feder, en vue de lancer le renforcement de 1 600 km de digues prioritaires sur six ans, puis 150 à 175 km par an selon un programme s'étendant sur 18 à 20 ans.
a enfin souhaité augmenter les moyens humains dans les services de contrôle de la sécurité des ouvrages hydrauliques, digues et barrages. Ceux-ci sont passés de 20 équivalents temps plein (ETP) à 60 en deux ans, chiffre qu'il faudrait porter à 110 ou 120. Un renforcement des moyens sera par ailleurs également requis pour accélérer les PPR et améliorer la prévision des crues.
Au final, Mme Chantal Jouanno a rappelé qu'il conviendrait de veiller à ne pas suivre une politique du « tout digue », mais au contraire à combiner différents moyens de prévention et protection, ainsi qu'à ne pas chercher à urbaniser derrière les digues restaurées.