Intervention de Christine Roger

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 15 novembre 2006 : 1ère réunion
Audition de son exc. Mme Christine Roger ambassadeur représentant permanent de la france auprès du comité politique et de sécurité cops de l'union européenne

Christine Roger :

a estimé que la PESD était effectivement une des politiques européennes les plus dynamiques, bien qu'elle n'ait que quelques années d'existence. L'Union s'est dotée d'un concept commun, la stratégie européenne de sécurité, document sobre, sans lyrisme, qui recense les défis à 10, 20, 30 ans et définit ce que peut être la contribution européenne à la paix et la stabilité. L'Union s'est dotée de structures : un état-major, un comité militaire, un centre de situation pour l'échange de renseignements, une agence d'armement, et un centre d'opérations autonome. Ces structures sont implantées du côté du Conseil des ministres, même si la Commission apporte des compléments utiles. L'amélioration des capacités est naturellement un aspect essentiel. Des objectifs ont été arrêtés pour 2010 dans le cadre d'une planification à long terme. Les progrès passent aussi par un effort de rationalisation : il y a aujourd'hui 23 programmes de véhicules blindés en Europe. La mise en place des « groupements tactiques » se poursuit : il s'agit de forces de 1500 hommes pouvant être déployées sur le terrain sous 15 jours.

a précisé que le financement de la PESD reposait sur des contributions nationales : selon la formule consacrée « les coûts restent là où ils tombent », c'est-à-dire que ceux qui envoient des troupes en supportent le coût. Le mécanisme Athéna, qui permet un financement collectif des coûts communs, n'a qu'un rôle modeste. Les opérations civiles peuvent en revanche être financées par le budget communautaire, sur les crédits de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC). Ces crédits atteignent 102 millions d'euros en 2006. Pour 2007, un montant de 159 millions d'euros était espéré, mais le Parlement européen a mis en réserve plus de la moitié de ces crédits ; on peut espérer que ce problème soit bientôt réglé. Ces moyens demeurent d'ailleurs très limités par rapport au budget très important et de la capacité d'action dont dispose la Commission au titre de l'aide au développement, des accords avec les pays tiers et de l'assistance technique. Pour ce qui relève des compétences du COPS, il faut donc faire beaucoup avec peu.

Aujourd'hui, a rappelé Mme Christine Roger, 12 ou 13 missions sont en cours. La plus importante est l'opération Althéa, en Bosnie, où l'Union a pris la relève de l'OTAN dans le cadre du partenariat défini par l'accord dit de « Berlin plus ». La Bosnie reste une zone sensible, mais les effectifs européens - aujourd'hui de l'ordre de 7 000 hommes - ont vocation à diminuer progressivement. En République démocratique du Congo, l'Union intervient en soutien de la MONUC (Mission des Nations unies en République démocratique du Congo) pour assurer le bon déroulement des élections, et cette mission s'achèvera à la fin du mois. Sur le plan civil, l'Union est intervenue en Indonésie après le tsunami. Dans les territoires palestiniens, elle assure le contrôle de la frontière entre Gaza et l'Egypte, dans le cadre de la mise en oeuvre des accords israélo-palestiniens de l'an passé. Le succès de cette mission a conduit les acteurs locaux à demander l'assistance européenne pour le contrôle d'autres points de passage. D'autres formes d'intervention peuvent être mentionnées, comme le conseil auprès des forces armées ou les missions de police qui, selon Mme Christine Roger, devraient pouvoir, dans certains cas, s'appuyer sur la force de gendarmerie européenne à laquelle la Pologne souhaite d'ailleurs se joindre.

Le nombre et la variété des interventions de l'Union donnent une crédibilité à la PESC. Celle-ci, au départ intergouvernementale, est aujourd'hui une politique plus intégrée ; accompagnée de capacités d'action, elle prend une vraie consistance. Une petite opération relevant de la PESD, comme à Aceh, a ainsi fait évoluer du tout au tout la manière dont est perçue l'Europe dans le Sud-Est asiatique.

On relève également, a poursuivi Mme Christine Roger, des actions atypiques. Pour l'Iran, trois États membres agissent de concert avec Javier Solana et travaillent avec les États-Unis, la Russie et la Chine. L'Iran est un interlocuteur avec lequel il est difficile de travailler, mais il a été possible d'éviter une fracture au sein de la communauté internationale. Au Liban, des États membres, notamment l'Italie et la France, apportent leur concours à la FINUL renforcée (Force intérimaire des Nations unies au Liban). Ce n'est pas alors exactement l'Europe qui agit, mais ce sont des Européens et, aux yeux du monde, c'est en fait l'Europe.

Abordant ensuite les perspectives, Mme Christine Roger a fait valoir que la Constitution européenne apportait de nouveaux instruments : le ministre des Affaires étrangères de l'Union, destiné à assurer la cohérence - aujourd'hui insuffisante - des actions extérieures respectives du Conseil et de la Commission ; une clause de défense mutuelle et une clause de solidarité dans le cas notamment d'actions de nature terroristes. La Constitution prévoyait également une Agence européenne de l'armement, qui a finalement été créée sur la base des textes en vigueur. La Constitution introduisait également la possibilité de coopérations renforcées en matière de défense : néanmoins, en pratique et dans le cadre actuel, il est possible de mettre le label « Europe » sur une action à quelques-uns. La notion de coopération renforcée est cependant toujours un moyen de pression utile : en cas de blocage, on peut menacer d'agir en groupe plus restreint.

Pour Mme Christine Roger, malgré l'absence des instruments prévus par la Constitution, il est possible de travailler. Trois grands défis sont à relever. Il faut d'abord accroître les capacités. Mme Christine Roger a souligné à cet égard que, si la France a un poids politique important aujourd'hui dans ce secteur, c'est grâce à ses capacités. Le progrès dans les capacités ne doit pas concerner seulement les missions militaires, mais aussi les missions civiles ; le budget, en second lieu, doit augmenter comme prévu. Une question de pouvoir est posée : le Parlement européen veut conquérir des compétences par l'intermédiaire du budget , veut être consulté avant chaque opération, et demande par exemple que son autorisation soit requise pour la nomination des représentants spéciaux de l'Union. Pour Mme Christine Roger, l'accord interinstitutionnel 2007-2013 est supposé éviter des controverses de ce type, qui créent une difficulté. Il faut, enfin, renforcer la cohérence. Le Haut représentant est responsable devant le Conseil et c'est ce dernier qui conduit les missions de la PESC et de la PESD, avec peu de moyens et une forte visibilité. La Commission européenne dispose du budget communautaire, avec des moyens considérables et des résultats parfois difficiles à apprécier. Une cohérence plus forte s'impose entre les différentes interventions. L'affirmation de l'Europe dans le monde dépendra de sa capacité à combiner les différents volets de l'action extérieure.

Concluant son propos, Mme Christine Roger a estimé que le moteur de la PESD résidait dans les États membres. Le Royaume-Uni et la France sont les plus actifs ; le rôle de l'Allemagne est également important. Certes, les divergences, lors de la guerre en Irak, ont laissé des traces. Mais les articles de presse sont trop négatifs, accordant trop d'importance à des attitudes qui relèvent du symbole politique ou de l'affichage. Au vu des progrès enregistrés en quelques années, Mme Christine Roger s'est dite optimiste.

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