La commission a procédé, conjointement avec la délégation pour l'Union européenne, à l'audition de Son Exc. Mme Christine Roger, ambassadeur, représentant permanent de la France auprès du Comité politique et de sécurité (COPS) de l'Union européenne.
a rappelé la réunion, tenue il y a dix-huit mois avec Mme Sylvie Bermann, qui avait précédé Mme Christine Roger à son poste de représentant permanent de la France au COPS. Le cadre était alors plus large, puisque participaient également à cette réunion le Général Perruche, au titre de l'état-major militaire de l'Union, M. Jacques Bayet, au titre de l'Agence européenne de défense, et M. Alain Richard, en qualité d'ancien ministre de la Défense.
Pour M. Hubert Haenel, l'évolution de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD), depuis cette réunion, suscite des sentiments contradictoires. A s'en tenir à la défense européenne, l'Europe n'est pas en panne et les réalisations récentes sont loin d'être négligeables. Il a invité Mme Christine Roger à en faire un bilan, qu'il s'agisse des opérations extérieures menées par l'Union, des développements de l'Agence européenne de défense ou du rôle que peuvent jouer les forces de gendarmerie dans des opérations extérieures comportant des aspects de maintien de l'ordre. Il serait également intéressant de savoir si, pour les questions comme l'Iran ou le Liban, où l'Union est présente par l'intermédiaire de certains de ses membres, l'articulation avec le processus de décision à vingt-cinq est satisfaisante ou si des problèmes se posent. En tout état de cause, quelles que soient les difficultés, M. Hubert Haenel a estimé que l'Europe de la défense était sur la pente ascendante.
Pourtant, la lecture de la presse, a poursuivi M. Hubert Haenel, donne l'impression que le doute est en train de s'installer. L'Europe de la défense « s'essoufflerait, faute de capacités et financement », « Londres s'éloignerait de Paris » dans le domaine de la défense. Enfin, un vote étonnant du Parlement européen a réduit de moitié les crédits de la politique étrangère et de sécurité commune, afin, semble-t-il, de se voir attribuer des pouvoirs que les traités ne prévoient pas. Ainsi, a conclu M. Hubert Haenel, une impression se dégage que, depuis quelque temps, les difficultés s'accumulent.
a estimé que la PESD était effectivement une des politiques européennes les plus dynamiques, bien qu'elle n'ait que quelques années d'existence. L'Union s'est dotée d'un concept commun, la stratégie européenne de sécurité, document sobre, sans lyrisme, qui recense les défis à 10, 20, 30 ans et définit ce que peut être la contribution européenne à la paix et la stabilité. L'Union s'est dotée de structures : un état-major, un comité militaire, un centre de situation pour l'échange de renseignements, une agence d'armement, et un centre d'opérations autonome. Ces structures sont implantées du côté du Conseil des ministres, même si la Commission apporte des compléments utiles. L'amélioration des capacités est naturellement un aspect essentiel. Des objectifs ont été arrêtés pour 2010 dans le cadre d'une planification à long terme. Les progrès passent aussi par un effort de rationalisation : il y a aujourd'hui 23 programmes de véhicules blindés en Europe. La mise en place des « groupements tactiques » se poursuit : il s'agit de forces de 1500 hommes pouvant être déployées sur le terrain sous 15 jours.
a précisé que le financement de la PESD reposait sur des contributions nationales : selon la formule consacrée « les coûts restent là où ils tombent », c'est-à-dire que ceux qui envoient des troupes en supportent le coût. Le mécanisme Athéna, qui permet un financement collectif des coûts communs, n'a qu'un rôle modeste. Les opérations civiles peuvent en revanche être financées par le budget communautaire, sur les crédits de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC). Ces crédits atteignent 102 millions d'euros en 2006. Pour 2007, un montant de 159 millions d'euros était espéré, mais le Parlement européen a mis en réserve plus de la moitié de ces crédits ; on peut espérer que ce problème soit bientôt réglé. Ces moyens demeurent d'ailleurs très limités par rapport au budget très important et de la capacité d'action dont dispose la Commission au titre de l'aide au développement, des accords avec les pays tiers et de l'assistance technique. Pour ce qui relève des compétences du COPS, il faut donc faire beaucoup avec peu.
Aujourd'hui, a rappelé Mme Christine Roger, 12 ou 13 missions sont en cours. La plus importante est l'opération Althéa, en Bosnie, où l'Union a pris la relève de l'OTAN dans le cadre du partenariat défini par l'accord dit de « Berlin plus ». La Bosnie reste une zone sensible, mais les effectifs européens - aujourd'hui de l'ordre de 7 000 hommes - ont vocation à diminuer progressivement. En République démocratique du Congo, l'Union intervient en soutien de la MONUC (Mission des Nations unies en République démocratique du Congo) pour assurer le bon déroulement des élections, et cette mission s'achèvera à la fin du mois. Sur le plan civil, l'Union est intervenue en Indonésie après le tsunami. Dans les territoires palestiniens, elle assure le contrôle de la frontière entre Gaza et l'Egypte, dans le cadre de la mise en oeuvre des accords israélo-palestiniens de l'an passé. Le succès de cette mission a conduit les acteurs locaux à demander l'assistance européenne pour le contrôle d'autres points de passage. D'autres formes d'intervention peuvent être mentionnées, comme le conseil auprès des forces armées ou les missions de police qui, selon Mme Christine Roger, devraient pouvoir, dans certains cas, s'appuyer sur la force de gendarmerie européenne à laquelle la Pologne souhaite d'ailleurs se joindre.
Le nombre et la variété des interventions de l'Union donnent une crédibilité à la PESC. Celle-ci, au départ intergouvernementale, est aujourd'hui une politique plus intégrée ; accompagnée de capacités d'action, elle prend une vraie consistance. Une petite opération relevant de la PESD, comme à Aceh, a ainsi fait évoluer du tout au tout la manière dont est perçue l'Europe dans le Sud-Est asiatique.
On relève également, a poursuivi Mme Christine Roger, des actions atypiques. Pour l'Iran, trois États membres agissent de concert avec Javier Solana et travaillent avec les États-Unis, la Russie et la Chine. L'Iran est un interlocuteur avec lequel il est difficile de travailler, mais il a été possible d'éviter une fracture au sein de la communauté internationale. Au Liban, des États membres, notamment l'Italie et la France, apportent leur concours à la FINUL renforcée (Force intérimaire des Nations unies au Liban). Ce n'est pas alors exactement l'Europe qui agit, mais ce sont des Européens et, aux yeux du monde, c'est en fait l'Europe.
Abordant ensuite les perspectives, Mme Christine Roger a fait valoir que la Constitution européenne apportait de nouveaux instruments : le ministre des Affaires étrangères de l'Union, destiné à assurer la cohérence - aujourd'hui insuffisante - des actions extérieures respectives du Conseil et de la Commission ; une clause de défense mutuelle et une clause de solidarité dans le cas notamment d'actions de nature terroristes. La Constitution prévoyait également une Agence européenne de l'armement, qui a finalement été créée sur la base des textes en vigueur. La Constitution introduisait également la possibilité de coopérations renforcées en matière de défense : néanmoins, en pratique et dans le cadre actuel, il est possible de mettre le label « Europe » sur une action à quelques-uns. La notion de coopération renforcée est cependant toujours un moyen de pression utile : en cas de blocage, on peut menacer d'agir en groupe plus restreint.
Pour Mme Christine Roger, malgré l'absence des instruments prévus par la Constitution, il est possible de travailler. Trois grands défis sont à relever. Il faut d'abord accroître les capacités. Mme Christine Roger a souligné à cet égard que, si la France a un poids politique important aujourd'hui dans ce secteur, c'est grâce à ses capacités. Le progrès dans les capacités ne doit pas concerner seulement les missions militaires, mais aussi les missions civiles ; le budget, en second lieu, doit augmenter comme prévu. Une question de pouvoir est posée : le Parlement européen veut conquérir des compétences par l'intermédiaire du budget , veut être consulté avant chaque opération, et demande par exemple que son autorisation soit requise pour la nomination des représentants spéciaux de l'Union. Pour Mme Christine Roger, l'accord interinstitutionnel 2007-2013 est supposé éviter des controverses de ce type, qui créent une difficulté. Il faut, enfin, renforcer la cohérence. Le Haut représentant est responsable devant le Conseil et c'est ce dernier qui conduit les missions de la PESC et de la PESD, avec peu de moyens et une forte visibilité. La Commission européenne dispose du budget communautaire, avec des moyens considérables et des résultats parfois difficiles à apprécier. Une cohérence plus forte s'impose entre les différentes interventions. L'affirmation de l'Europe dans le monde dépendra de sa capacité à combiner les différents volets de l'action extérieure.
Concluant son propos, Mme Christine Roger a estimé que le moteur de la PESD résidait dans les États membres. Le Royaume-Uni et la France sont les plus actifs ; le rôle de l'Allemagne est également important. Certes, les divergences, lors de la guerre en Irak, ont laissé des traces. Mais les articles de presse sont trop négatifs, accordant trop d'importance à des attitudes qui relèvent du symbole politique ou de l'affichage. Au vu des progrès enregistrés en quelques années, Mme Christine Roger s'est dite optimiste.
a considéré que, même si cela paraissait paradoxal, il était rassurant de constater que la PESD progressait malgré l'absence de traité constitutionnel. Pour ce qui était du budget, il a estimé que tout ce qui était commun devrait être géré au niveau européen. Il a ensuite interrogé Mme Christine Roger sur le bilan qu'il était possible de tirer de l'Agence européenne de défense. Les États jouent-ils le jeu ? Enfin, la présence de deux ambassadeurs, l'un au COPS, l'autre auprès de l'OTAN, constitue-t-elle une force ou une faiblesse et qu'en est-il pour nos partenaires ?
a formulé les réponses suivantes :
- pour ce qui est du budget, l'approche décrite par le président Vinçon est sans doute ce à quoi, idéalement, il faudrait tendre. Mais dans le cas de l'OTAN également, toutes les dépenses communes ne sont pas prises en charge par l'organisation : la prise en charge est au contraire l'exception. Le débat sur l'élargissement des dépenses prises en charge existe d'ailleurs aussi au sein de l'OTAN et il convient de maintenir des positions cohérentes. Il importe de progresser, notamment en ce qui concerne la mutualisation des coûts du transport aérien stratégique. L'OTAN a acheté des avions C17 pour créer une capacité commune de transport aérien stratégique. Cette initiative est le pendant d'une autre, qui vise aussi à doter l'OTAN de capacités de transport aérien stratégique. Cette autre initiative est la solution intérimaire pour le transport aérien stratégique (SALIS), au titre de laquelle un consortium multinational de seize pays affrète des avions de transport militaire ;
- l'Agence européenne de défense est une structure encore jeune. Vingt ou vingt-cinq ans sont souvent nécessaires pour développer un programme et on ne peut espérer des résultats rapides. De plus, vingt-quatre États membres participent à l'agence, et ceux qui sont seulement acheteurs n'ont pas nécessairement les mêmes intérêts que ceux qui sont aussi producteurs. La France insiste sur le rôle de l'Agence dans le développement de programmes, le Royaume-Uni beaucoup moins. Il convient de tenter de surmonter ces différences d'approche. La « géométrie variable » joue là également un rôle, puisque certains États membres - dont la France - ont lancé ensemble un programme de recherche « ad hoc » sur la protection des forces, dont le coût est bien supérieur au budget opérationnel de l'Agence ;
- un code de conduite a été mis au point pour les appels d'offre, et il y a aujourd'hui une plus grande transparence. C'est un aspect pour lequel il existe d'ailleurs une compétence communautaire, même si l'article 296 du traité permet une approche restrictive de cette compétence ;
- aucun des collègues ambassadeurs au COPS n'est également ambassadeur auprès de l'OTAN ; cela ne serait d'ailleurs guère envisageable pour des raisons de disponibilité. En revanche, la situation est différente pour le comité militaire ; la France est en effet seule, avec la Belgique et le Luxembourg, à envoyer deux représentants différents pour l'OTAN et pour l'Union européenne. Les risques de duplication entre l'Union européenne et l'OTAN sont un thème récurrent. L'OTAN cherche aujourd'hui à redéfinir son rôle par une triple ouverture : élargissement de sa zone d'action, adhésion de nouveaux membres, élargissement de ses missions. Dans l'émulation ou la concurrence entre l'OTAN et l'Union européenne, cette dernière a, semble-t-il, deux cartes en mains: tout d'abord, celle d'une capacité d'intervention pouvant jouer sur l'ensemble du spectre allant du militaire au civil ; ensuite, celle d'une organisation généraliste, agissant aussi sur le plan politique, alors que l'OTAN est essentiellement une alliance militaire.
a regretté que l'Europe reste « le nez dans le guidon » alors qu'une vision à long terme s'impose. Quel rôle politique devrait être assigné à l'Europe ? Estimant que la France avait toujours défendu une volonté d'autonomie de défense de l'Europe en lien avec son affirmation politique, il convenait de faire de l'Europe un acteur respecté sur la scène internationale. Il a ensuite interrogé Mme Christine Roger sur la réactivité des structures de l'Union et sur les enseignements tirés de la mission au Congo, pour laquelle l'Allemagne avait souligné certaines carences. Relevant qu'il ne pouvait y avoir d'Europe de la défense sans la Grande-Bretagne, il a relevé que les Britanniques n'entendaient pas partager leur budget. Il a considéré que les Britanniques avaient retiré de leur action en Irak un sentiment de frustration et qu'il devrait en résulter une plus grande disponibilité à l'action commune.
Il s'est interrogé sur une certaine forme d'impérialisme du Parlement européen, qui, fort de son élection directe, entend exercer un contrôle politique dans des domaines où les traités ne lui donnent pas cette compétence. En tant que président de l'Assemblée de l'UEO, il s'est dit conscient de la nécessité d'évoluer vers une autre formule, mais a estimé que ce serait une grave erreur de ne plus disposer d'une structure régulière de débat avec les parlements nationaux. Il ne s'agirait pas d'un instrument de contrôle politique au sens d'une « deuxième chambre », mais d'un suivi régulier par les parlements nationaux avec une participation du Parlement européen. Il a considéré que les gouvernements manquaient de courage face aux revendications du Parlement européen, l'association des parlements nationaux lui semblant indispensable au développement à long terme de la PESD.
Il a enfin interrogé Mme Christine Roger sur le couple franco-allemand, dont il lui semblait qu'il avait désormais moins d'importance pour l'Allemagne et qu'il n'était plus considéré comme le moteur de l'Europe pour l'avenir.
a interrogé Mme Christine Roger sur l'idée d'un partage des tâches entre l'Union et l'OTAN, celle-ci étant chargée des opérations durables, et celle-là des missions courtes. Il s'est ensuite enquis de l'attitude du COPS vis-à-vis de l'élargissement de l'OTAN. Il a enfin demandé à Mme Christine Roger son sentiment sur l'idée d'une armée européenne, ainsi que sur les outils disponibles pour assurer une bonne coordination des aspects civils et militaires.
a interrogé Mme Christine Roger sur l'attitude de la Russie à l'égard de l'Europe de la défense, ce pays semblant paradoxalement formuler plus de griefs à l'égard de l'Europe de la défense qu'à l'encontre de l'OTAN. Alors que le partenariat pour la paix lui garantit un véritable rôle au sein de l'OTAN, la Russie considère-t-elle être tenue à l'écart de la politique étrangère et de sécurité commune ?
Il s'est ensuite demandé si l'Union européenne devrait renforcer sa coopération avec la Russie en matière de sécurité extérieure et de gestion commune de crises, en particulier dans le Caucase ou dans la région des Balkans.
a estimé qu'en dépit des progrès accomplis en matière d'« Europe de la défense », la crise sur la guerre en Irak avait montré les limites de l'entreprise, l'Europe étant loin d'avoir surmonté ses faiblesses et ses divisions. Le blocage sur l'utilisation militaire de Galileo est également révélateur. Si la grande majorité des États membres souhaite que la défense de l'Europe reste fondée sur l'OTAN, quelle peut être, dès lors, l'autonomie de l'Europe ?
a fait valoir que les questions de défense étaient au coeur de l'ambition européenne, puisque celle-ci était d'abord née d'une volonté de paix, mais qu'elles étaient en même temps les questions les plus difficiles pour la construction européenne. Il a observé que les « coopérations renforcées » avaient une grande importance pratique : chacun participe aux travaux du COPS, mais l'action sur le terrain est conduite par des groupes plus restreints. N'est-ce pas là le meilleur moyen d'avancer aujourd'hui ? La force européenne de gendarmerie, fondée par cinq pays, lui a semblé constituer un autre exemple.
Il s'est ensuite interrogé sur le degré d'intégration atteint sur le terrain, au niveau du régiment ou de la division, et sur les modalités du travail commun.
Il s'est enfin enquis de la vision des Américains sur le développement de l'Europe de la défense.
a relevé la diversité, voire la complexité, des organes mis en place dans le cadre de la PESD. Estimant qu'une « politique des petits pas » était parfaitement compréhensible quand les objectifs sont très clairs, il s'est demandé si c'était le cas pour la PESD, ou si on ne parcellisait pas les tâches faute de vue d'ensemble, rendant le problème plus complexe faute de savoir le résoudre. Soucieux que l'Europe pèse davantage dans le monde, et considérant que, après l'échec du traité constitutionnel, une initiative politique forte serait nécessaire, il s'est interrogé sur la pertinence de créer une ébauche d'armée européenne, si possible avec tous les États membres et, sinon, par le biais d'une coopération renforcée. Il s'agirait en quelque sorte de relancer la CED un demi-siècle après son échec.
a apporté les éléments de réponse suivants :
- le maximum d'enseignements doit être retiré des missions. Au Congo, les Allemands ont éprouvé certaines frustrations, les Français aussi. Peut-être n'a-t-on pas su utiliser au mieux le temps de préparation disponible ;
- une étroite collaboration avec le Royaume-Uni est indispensable, et un « Saint-Malo bis » serait bienvenu ;
- pour ce qui est du contrôle parlementaire, la référence à l'UEO pose manifestement un problème d'image, car elle renvoie au passé. Un contrôle parlementaire est nécessaire et le fait est que les moyens demeurent nationaux. Une solution comme celle proposée par M. Masseret est envisageable, mais il faudra beaucoup de lobbying pour la faire accepter. Une sorte de COSAC pour les questions de défense pourrait être une bonne formule ;
- la division des tâches entre l'Union et l'OTAN est un problème récurrent. À une époque, les Américains plaidaient pour que l'OTAN traite les questions militaires et l'Union, les questions civiles. Une division fondée sur la durée des opérations, non sur leur nature, est une réponse possible, mais suscite-t-elle un accord ? Il faut éviter de poser le problème en termes généraux, et avoir au contraire une réponse empirique. Les expériences sont plus utiles qu'un grand débat ;
- l'élargissement de l'OTAN n'a pas été évoqué au sein du COPS ;
- une armée européenne semble une idée futuriste. L'OTAN n'a pas retenu non plus cette approche, qui ne semble pas dans l'air du temps ;
- dans les opérations de l'Union, l'intégration se fait surtout au niveau du commandement et, sur le terrain, elle ne se fait pas en dessous du bataillon (sept à huit cents hommes). Pour les groupements tactiques, certains projets réunissent quatre pays. Il faudra s'assurer de leur valeur opérationnelle, qui repose notamment sur des garanties d'entraînement. De fait, il y a une tension entre l'idéal de forces multinationales et la nécessité d'avoir un dispositif crédible sur le terrain ;
- une coordination plus efficace entre aspects civils et aspects militaires supposerait avant tout de régler le problème des rapports entre Conseil et Commission ;
- en ce qui concerne les relations avec la Russie, celle-ci est en effet mécontente de ne pas être associée à la PESD, mais les Européens ne souhaitent pas arriver à une formule de type « 25+1 » où il y aurait un partage du pouvoir de décision. L'association à des coopérations concrètes serait une meilleure formule, mais, lorsqu'une coopération est proposée autour des problèmes concernant son voisinage proche, la Russie se montre moins intéressée ;
- il est vrai que la crise irakienne a provoqué une fracture qui a laissé des traces. Il est possible de dépasser les antagonismes en se tournant vers le concret. À cet égard, l'adoption du traité constitutionnel n'aurait pas changé la donne. Les structures ne peuvent être, à elles seules, la solution à un problème d'ordre politique. L'idée d'une Europe autonome, d'une « Europe puissance », passe mal dans beaucoup de pays membres. Il faut la faire, sans en parler trop ;
- sur les coopérations, et sauf pour l'Agence européenne de défense, tous les États membres sont présents dans les structures de décision. En revanche, la mise en oeuvre des décisions fait appel à la « géométrie variable » : certains seulement s'engagent, mais tout le monde reste bienvenu ;
- les États-Unis ne sont pas hostiles au développement de la PESD. Ils sont prêts à participer à des missions européennes, par exemple, il faut l'espérer, au Kosovo. Mais les objectifs assignés à l'OTAN ne reposent pas sur les mêmes concepts que la PESD. L'influence américaine est considérable sur les sujets importants comme l'Irak ou l'Afghanistan. Cela ne veut pas dire que les nouveaux États membres se tiennent à l'écart des développements de la PESD. La Pologne, pour ne citer qu'elle, a envoyé un fort contingent au Congo et participe activement à l'Agence européenne de défense ;
- on peut envisager dans l'absolu que la PESD puisse donner lieu à une initiative de grande ampleur permettant de relancer la dynamique européenne, mais ce n'est guère crédible. On imagine difficilement une armée européenne, de même qu'une police européenne ou une justice européenne. Cela ne veut pas dire que des progrès ne sont pas possibles, mais il ne semble pas qu'un modèle fédéral s'imposera dans de tels domaines. Ce sont des politiques nationales fortes qui permettront une politique européenne forte. Le Royaume-Uni et la France pèsent grâce à leurs politiques nationales : ce que l'on peut mettre au « pot commun » détermine pour beaucoup l'influence qu'on peut exercer.