Intervention de Robert del Picchia

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 14 février 2007 : 1ère réunion
Traité france-belgique-allemagne-espagne-luxembourg-pays-bas et autriche de coopération transfrontalière — Examen du rapport

Photo de Robert del PicchiaRobert del Picchia, rapporteur :

Lors d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Robert Del Picchia sur le projet de loi n° 150 (2006-2007) autorisant la ratification du traité entre le Royaume de Belgique, la République Fédérale d'Allemagne, le Royaume d'Espagne, la République française, le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas et la République d'Autriche, relatif à l'approfondissement de la coopération transfrontalière, notamment en vue de lutter contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière et la migration illégale.

a précisé que ce traité intergouvernemental visait à approfondir la coopération policière dans des domaines où soit des progrès techniques importants ont été accomplis, soit des formes nouvelles de criminalité ont pris de l'ampleur. Ce texte constitue une des priorités de l'actuelle présidence allemande de l'Union européenne, qui s'attache à renforcer l'espace de liberté et de sécurité, créé par l'accord de Schengen.

s'est félicité de ce qu'aux sept Etats signataires initiaux s'étaient joints, depuis la conclusion de ce traité en juin 2005 , six autres membres de l'Union européenne : Finlande, Italie, Portugal, Roumanie, Slovénie et Suède.

Puis il a décrit les deux volets principaux de l'accord, qui organise une coopération policière renforcée par l'échange de données, personnelles ou non, et par la définition des modalités d'intervention de forces de police d'un Etat dans un autre. Il a souligné qu'il s'agissait de deux domaines sensibles, tant en matière de protection de la personne que de souveraineté nationale, et a fait valoir que les rédacteurs du traité s'étaient employés à concilier au mieux renforcement de la sécurité et préservation de la liberté.

Abordant les stipulations du texte, il a souligné que la criminalité organisée ne pouvait être efficacement combattue que dans un cadre transnational. L'accord organise donc les modalités d'échange entre les Etats signataires des données scientifiques les plus modernes, comme les empreintes ADN, ainsi que des éléments plus classiques, comme les empreintes digitales ou les immatriculations de véhicules. Relevant que la Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL) considérait les empreintes ADN, tout comme les empreintes digitales, comme des données personnelles, il a décrit les procédures retenues pour leur communication entre services de police des Etats signataires. Cette interconnexion entre bases de données est, en effet, strictement encadrée : chaque pays désignera un point de contact unique, seul habilité à procéder à l'interrogation des bases des pays partenaires. De plus, cette consultation s'opèrera en deux temps, par l'interrogation de deux fichiers distincts. C'est seulement dans le cadre d'une procédure judiciaire qu'un Etat pourra demander à ses partenaires si une empreinte génétique ou digitale relevée sur une scène de crime figure dans leurs fichiers. Si la réponse est positive, alors seulement les éléments identifiant seront communiqués à l'Etat requérant. En revanche, la consultation automatisée des fichiers d'immatriculation de véhicules s'opérera par voie directe.

a ensuite décrit les procédures régissant les échanges de données effectuées dans un cadre préventif, et non plus répressif. Ces échanges visent à réduire les risques inhérents aux manifestations de grande ampleur à dimension transfrontalière, comme les sommets européens ou les manifestations sportives, par exemple. Dans cette perspective, les données personnelles relatives à des individus déjà condamnés sont échangées spontanément ou sur demande de l'Etat organisateur.

Ces échanges de données peuvent également être utilisés pour prévenir des infractions terroristes, en cas de présomption pesant sur certaines personnes. Dans ce cas, l'autorité, transmettant les données dans le cadre de sa législation nationale, peut fixer des conditions à leur utilisation par l'autorité destinataire.

Puis le rapporteur a décrit les modalités de renforcement de la coopération policière transfrontalière prévues par le traité. Il a rappelé que la France avait déjà signé plusieurs accords de coopération bilatérale en matière policière avec plusieurs de ses pays frontaliers : l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, l'Italie et la Suisse. Il a souligné que le traité généralisait cette coopération, dont notre pays a une expérience très positive, à l'ensemble des Etats signataires. Le traité reprend le strict dispositif d'encadrement prévu dans ces accords bilatéraux, des procédures d'intervention des forces de police, issues de pays frontaliers, dans un autre Etat. Les policiers étrangers ne peuvent ainsi exercer de compétences de puissance publique dans l'Etat d'accueil que « sous le commandement et, en règle générale, en présence de fonctionnaires de l'Etat d'accueil ». Seuls les cas de situation d'urgence permettent à des policiers étrangers d'intervenir au-delà de leur territoire national sans autorisation préalable, et uniquement dans le but « de prendre les mesures provisoires nécessaires pour écarter tout danger pour la vie ou l'intégrité physique de personnes ». M. Robert Del Picchia a cité l'exemple de la chute d'un avion dans une zone frontalière entre deux pays partenaires ; ce seront les forces de police qui seront les mieux à même d'intervenir le plus rapidement qui se porteront au secours des victimes, tout en prévenant leurs collègues de l'Etat où s'est produit l'accident.

Les policiers d'un Etat riverain sont également habilités à poursuivre des malfaiteurs, en cas de nécessité, au-delà de leur territoire national. L'éventuel usage de leurs armes est alors soumis aux dispositions de l'Etat d'accueil ; ainsi en France, il est soumis au strict cas de légitime défense, tel que défini par le code pénal et la jurisprudence.

Enfin, le traité instaure des mesures de lutte commune contre la migration illégale, par l'envoi de conseillers en faux documents auprès de pays, membres ou non de l'Union européenne, considérés comme pays d'origine ou de transit pour l'immigration illégale. Le traité prévoit également que les Etats signataires « se soutiennent mutuellement lors de mesures d'éloignement d'immigrants illégaux », comme l'organisation de vols communs. M. Robert Del Picchia a souligné que cette mesure était déjà mise en oeuvre par l'agence spécialisée de l'Union européenne « Frontex ».

En conclusion, il a fait valoir que ce traité constituait un texte-cadre qui ne s'appliquera qu'en fonction de chacune des législations nationales des pays signataires. Il a constaté que le respect des critères très stricts exigés, non seulement par l'Union européenne, mais particulièrement par la France, de respect de la protection de la personne et de la souveraineté nationale, ont été intégrés dans ce traité. Il a cité, à cet égard, les avis positifs émis, le 28 février 2006, par le contrôleur européen de la protection des données, et le 28 septembre 2006, par la commission nationale Informatique et Libertés. Il a donc recommandé l' adoption de ce texte.

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