La commission des Affaires étrangères, de la défense et des Forces armées a souhaité se saisir pour avis des articles 23 et 24 et, en partie, 26 du projet de loi, qui concernent la justice militaire. Notre commission s'est réunie hier et je vais vous présenter brièvement la position que nous avons adoptée.
L'article 23 prévoit de supprimer le Tribunal aux armées de Paris. L'article 24 apporte certains assouplissements aux peines applicables aux militaires, notamment en supprimant le caractère automatique de la perte de grade. Ces deux articles s'inscrivent ainsi dans le prolongement des précédentes réformes de la justice militaire, notamment de la loi de 1982, qui avait supprimé les tribunaux militaires en temps de paix sur le territoire de la République et transféré la compétence aux formations spécialisées des juridictions de droit commun.
Déjà Napoléon considérait qu'« on est citoyen français avant d'être soldat » et Clemenceau que « la justice militaire est à la justice ce que la musique militaire est à la musique ».
La suppression du Tribunal aux armées de Paris et le transfert de ses attributions à la formation spécialisée du TGI de Paris achèverait donc l'intégration de la justice militaire en temps de paix dans la justice de droit commun. Je précise que cette réforme ne vise que le temps de paix et qu'en temps de guerre le code de justice militaire prévoit le rétablissement des tribunaux militaires.
Je ne vous cacherai pas que j'étais au départ assez réservé sur cette réforme par crainte d'une moindre prise en compte de la spécificité militaire devant les juridictions ordinaires. Toutefois, ma position a évolué au fur et à mesure de mes auditions et je suis désormais rassuré sur ce point. Pour trois raisons.
Tout d'abord, le Tribunal aux armées de Paris n'a de militaire que le nom, puisqu'il est composé exclusivement de magistrats civils et qu'il applique le code de procédure pénale. Ensuite, ce tribunal reste une juridiction hybride, rattachée au ministère de la défense, les magistrats du Parquet étant nommés par le ministre de la défense sans avis préalable du Conseil supérieur de la magistrature. Ces règles dérogatoires alimentent les suspicions de dépendance et de partialité de cette juridiction militaire. Par ailleurs, elles ne tiennent pas compte de l'évolution du statut de la magistrature et de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Enfin, le volume d'activité de cette juridiction est faible : le Tribunal aux armées de Paris reçoit environ 1 600 à 1 700 procédures et prononce entre 180 et 190 jugements par an.
Comme j'ai pu le constater lors de mes auditions, cette réforme est accueillie très favorablement par les militaires. En effet, à leurs yeux, ce qui compte c'est moins le maintien d'une juridiction spécialisée, dont la dimension militaire est surtout symbolique, que la prise en compte de la spécificité militaire. Celle-ci tient en particulier à l'avis préalable du ministre de la défense avant l'engagement de poursuites à l'encontre d'un militaire et à l'impossibilité pour la victime de faire citer directement un militaire devant une juridiction de jugement. Or, ces règles particulières seraient maintenues avec la réforme.
Tout en approuvant cette réforme, notre commission a souhaité compléter le projet de loi par des amendements, afin notamment de renforcer la prise en compte de la spécificité militaire. Nous avons ainsi jugé utile de prévoir l'avis du ministre de la défense lorsqu'un militaire est susceptible d'être poursuivi à la suite d'une plainte contre X, d'une plainte avec constitution de partie civile ou à l'occasion d'un réquisitoire supplétif. Nous avons également formulé quelques observations, notamment sur la formation des magistrats en matière militaire et le transfert des moyens humains et financiers au ministère de la justice.