Intervention de Jacques Mézard

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 30 mars 2011 : 2ème réunion
Répartition des contentieux et allègement des procédures juridictionnelles — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

Ce texte est une catastrophe. Il ne répond aucunement aux graves préoccupations de la justice. Le présenter en ce moment est même une provocation compte tenu du fonctionnement actuel des tribunaux. Ses dispositions sont cacophoniques et incohérentes. Par exemple, vous avez créé les juridictions de proximité pour rapprocher la justice du justiciable. Et qu'avez-vous fait immédiatement après ? La carte judiciaire, c'est-à-dire la suppression de la proximité, en particulier en milieu non urbain !

Et aujourd'hui on veut supprimer cette juridiction de proximité pour apporter aux magistrats des supplétifs mal payés, aux compétences inégales. J'ai assisté à des audiences hilarantes où tout le Palais venait rire du juge de proximité. Mais ils ne sont pas, heureusement, tous pareils...

Ce texte renforcera -dans une faible mesure, vu le manque de moyens- le côté supplétif de ces juges. En matière civile, la proximité, c'était le juge d'instance ; on aurait pu confier aux juges de proximité la phase de conciliation obligatoire en tribunal d'instance pour les petits litiges ; cela aurait eu un sens. Mais là... On veut renforcer la collégialité dans les tribunaux correctionnels et, en même temps, on va y introduire des jurés populaires ! C'est une absurdité. M. Guinchard n'a pas dû aller souvent dans un tribunal d'instance, un tribunal de police ou même un tribunal correctionnel...

Les magistrats sont opposés aux juridictions de proximité et à cette réforme. Lisez la note de l'Association des juges de proximité qui eux-mêmes critiquent sévèrement ce texte. Encore une réforme voulue contre ceux qui sont censés l'appliquer !

L'ordonnance pénale. Cela consiste à permettre à un juge -cela pourrait être une machine- de dire, sans débat et sans entendre la personne, qu'on est dans telle ou telle catégorie d'infraction pénale, que cela fait tant d'euros et qu'on a le droit de faire opposition- même si, en réalité, la mécanique est tellement compliquée qu'on ne le fait jamais. On veut étendre considérablement le champ de cette ordonnance pénale. C'est une dérive qui n'a pour but que de pallier l'engorgement des tribunaux.

Le reste est littérature. Un amendement du Gouvernement en donnera l'exemple tout à l'heure en soumettant à l'ordonnance pénale une contravention qu'il vient de correctionnaliser : la vente à la sauvette.

Les dispenses de comparution en cas de divorce par consentement mutuel sont extrêmement inquiétantes parce que celle-ci a pour but de vérifier le consentement des deux conjoints. Quant à la médiation, elle sera inapplicable. Qui paiera ? Là aussi, il s'agit plus d'alléger les délais que de répondre aux besoins de la justice.

La CRPC est loin d'être acceptée par toute la chaîne pénale. Avec cette procédure, on a voulu singer les méthodes anglo-saxonnes. Quand on explique au citoyen lambda que s'il n'accepte pas, il sera convoqué en correctionnelle, il se résigne...

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