En réponse, M. Denis Ranque a tout d'abord salué la pertinence de la problématique de la mission d'information, ajoutant que tous les pays dans lesquels Thales opérait, hormis peut-être le Royaume-Uni, s'intéressaient à la question de la localisation des centres de décisions économiques. Il a, en outre, indiqué que Thales y était particulièrement sensible du fait du caractère stratégique de ses activités, rappelant que la Défense représentait 50 % de son chiffre d'affaires, l'aéronautique et les satellites d'une part, les systèmes de sécurité d'autre part étant, à parts égales, à l'origine de l'autre moitié.
Il a ensuite développé son propos, observant qu'un pays comme les Etats-Unis avait adopté une vraie procédure de contrôle des investissements étrangers du point de vue de l'intérêt national, y compris dans des domaines ne relevant pas de la Défense. Il a ainsi rappelé qu'en 2006, l'Etat fédéral s'était opposé à l'acquisition de six ports américains par un groupe émirati et qu'il avait auparavant adopté ce type d'attitude dans le secteur de la sidérurgie.
Puis M. Denis Ranque a constaté que, dans des domaines comme la Défense ou l'espace, presque tous les Etats souhaitaient garder un véritable contrôle sur les activités des entreprises opératrices, surtout lorsque lesdits opérateurs étaient étrangers. Prenant l'exemple de la France, il a déclaré que l'Etat imposait des dispositifs réglementaires, applicables à toutes les entreprises, tendant à assurer le respect des obligations du secret défense ou du contrôle des exportations militaires. Il a ajouté que, dans le cas de Thales, l'Etat avait également instauré un contrôle de l'actionnariat et des cessions d'actifs. En réponse à une interrogation de M. Aymeri de Montesquiou, il a précisé que l'Etat exerçait ce contrôle grâce à une action spécifique, et non en raison de sa part dans le capital de la société, qui ne s'élève plus qu'à 27 %. Puis, après avoir souligné que l'Etat agissait de concert avec le groupe Alcatel-Lucent, détenteur de 21 % du capital de Thales, il a relevé la rareté d'une telle construction, notant que, dans les autres pays, les Etats n'étaient généralement pas actionnaires des entreprises opératrices de défense, ce qui pouvait parfois poser des problèmes de communication à Thales vis-à-vis de ses clients gouvernementaux étrangers. A cet égard, il a observé qu'un statut de premier client de Thales était de nature à préserver l'influence de l'Etat français sur ce groupe, indépendamment de tout lien capitalistique.
a ensuite détaillé la façon dont les autres pays clients de Thales protégeaient leurs intérêts, en distinguant deux cas :
- si Thales opère dans le cadre d'une joint-venture, en partenariat avec une entreprise locale, l'Etat client s'appuie presque toujours sur son entreprise nationale ;
- si Thales est opérateur exclusif d'un marché, comme par exemple au Royaume-Uni, en Australie ou aux Etats-Unis, il doit, d'une part, respecter les règles de Défense du pays, et d'autre part signer une convention avec le gouvernement définissant des droits et obligations qui aboutissent, en pratique, à un résultat proche de celui de l'action spécifique détenue par l'Etat français. M. Denis Ranque a constaté qu'un tel système pourrait servir de modèle en cas de remise en cause de la compatibilité des actions spécifiques avec le marché commun par la Commission européenne, observant qu'il avait déjà cours pour les activités spatiales de son groupe.