Monsieur le ministre, je voulais appeler l’attention de M. le ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes sur les suites de l’enquête relative à la disparition de M. Ibni Oumar Mahamat Saleh, militant tchadien des droits de l’homme, ancien recteur, ancien ministre, docteur en mathématiques de l’université d’Orléans, intervenue au moment où une offensive était menée par des rebelles contre la capitale du Tchad dans les premiers jours du mois de février 2008.
Monsieur le ministre, vous connaissez les termes du rapport de la commission d’enquête « sur les événements survenus en République du Tchad du 28 janvier au 8 février 2008 et leurs conséquences ». Cette commission avait, d’une part, conclu à « l’impossibilité que [l’enlèvement d’Ibni Oumar Mahamat Saleh] soit le fait d’une initiative personnelle d’un quelconque militaire subalterne n’ayant reçu aucun ordre de sa hiérarchie ou des instances supérieures de l’État tchadien, ce qui, par voie de conséquence, met en évidence l’implication des plus hautes autorités militaires tchadiennes et dès lors se pose la question du rôle du chef de l’État dans la chaîne de commandement ».
La commission d’enquête avait, d’autre part, recommandé au gouvernement tchadien de constituer un comité restreint de suivi de ses conclusions au sein duquel la représentation de la communauté internationale serait assurée.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous rappelle en outre que, en l’absence de respect par les autorités tchadiennes de cette dernière recommandation, l’Assemblée nationale française a voté le 25 mars 2010, à l’unanimité, une résolution demandant au gouvernement français de faire pression sur les autorités tchadiennes pour que ces recommandations soient respectées.
Or, à ce jour, malgré les engagements réitérés du Président de la République française que notre collègue député de la Nièvre, M. Gaëtan Gorce, et moi-même avons saisi à la demande de la famille d’Ibni Oumar Mahamat Saleh et des associations humanitaires et de défense des droits de l’homme, et en dépit des engagements des précédents ministres français des affaires étrangères de mettre tout en œuvre pour que la lumière soit faite dans cette affaire, nous ne disposons pas d’information sur l’évolution de cette enquête, alors qu’il apparaît que des représentants du Conseil de l’Europe et de l’Organisation internationale de la francophonie y ont – ou auraient – été associés.
En premier lieu, je vous demande donc de bien vouloir faire part au Sénat des informations dont vous disposez quant à l’évolution de cette enquête.
En second lieu, quelles initiatives avez-vous prises ou comptez-vous prendre pour que la vérité soit enfin connue et les responsabilités établies dans la disparition de M. Ibni Oumar Mahamat Saleh, qui était – il n’est pas inutile de le rappeler dans le contexte actuel du Tchad – le leader de l’opposition.
En troisième lieu, compte tenu des relations privilégiées entretenues par la France avec le Tchad, notamment au travers du dispositif « Épervier » et la présence avérée durant les événements de février 2008 de fonctionnaires français auprès des plus hautes autorités tchadiennes, je vous demande de bien vouloir ordonner la déclassification des documents diplomatiques publiés et échangés par l’ambassade de France au Tchad, le ministère des affaires étrangères et le ministère de la défense pendant le mois de février 2008, afin de permettre au Parlement de disposer de toutes les informations utiles sur le déroulement des événements tragiques au cours desquels s’est joué le sort de M. Ibni Oumar Mahamat Saleh.