Un quart d’entre eux correspond toutefois à un transfert vers des entreprises de services. Dans le même temps, la part de l’industrie dans la valeur ajoutée est passée, en France, de 24 % en 1980 à moins de 14 % en 2008.
Peut-on se passer d’une économie industrielle, et faut-il s’engager résolument sur la voie d’une économie de services ?
À cette question, nous avons été unanimes à répondre « non » : la France a besoin d’une industrie forte, qui est source de maintien d’activités dans les territoires, qui encourage la recherche et l’innovation, qui apporte des investissements sur le territoire national et contribue à l’amélioration de la balance commerciale.
Il n’y a pas de fatalité à la désindustrialisation. Nos voisins allemands, qui consacrent toujours 30 % de leur économie à l’industrie, nous montrent la voie. Les résultats sont probants : la balance du commerce extérieur de l’Allemagne est excédentaire de plus de 150 milliards d’euros en 2010, alors que celle de la France affiche un déficit de 50 milliards d’euros, soit 200 milliards d’euros d’écart ! Pourquoi se passerait-on d’une telle concurrence ?
Pour autant, notre situation est diverse selon les territoires et selon les secteurs. Ainsi est-il nécessaire de passer à la vitesse supérieure sur les industries vertes, qui remplissent un double objectif, à la fois environnemental et économique. L’éolien, le photovoltaïque, la chimie verte, les biomatériaux, les nouvelles énergies, les agrocarburants, la filière bois, notre mission a insisté sur le potentiel que représentent toutes ces filières innovantes et porteuses d’emplois.
Je crois notamment à l’important avenir des industries agroalimentaires, pour lesquelles la France dispose d’atouts particuliers. C’est la seule branche de l’industrie française qui n’a pas perdu d’emplois depuis 1980, mais il convient de prendre garde aux menaces qui pèsent sur leur avenir : leur solde commercial a diminué fortement ces dernières années, passant de 7 milliards d’euros à 4, 2 milliards d’euros entre 2006 et 2009, et cela même si elles représentent toujours 550 000 salariés et 14 % de la valeur ajoutée industrielle française.
Notons aussi que c’est l’un des rares secteurs industriels à bien irriguer nos territoires ruraux et à assurer le débouché des productions agricoles.
Nous avons également étudié tout particulièrement les secteurs de l’automobile, de l’aéronautique et de la métallurgie, véritables catalyseurs du développement dans les territoires où ils sont implantés. De grands donneurs d’ordre y fédèrent des entreprises sous-traitantes qui maintiennent l’emploi et le développement local.
L’Allemagne a été un point de référence constant au cours des travaux de la mission. C’est pourquoi le rapport lui consacre une place non négligeable.
Les raisons du maintien d’une industrie forte en Allemagne ont été souvent décrites : choix stratégiques et excellente réputation des produits, structures productives favorisant la coopération entre les donneurs d’ordre et les sous-traitants locaux, lien entre les entreprises et les banques, qualité de la formation, qui encourage les jeunes à travailler dans l’industrie…
Les entreprises allemandes ont une capacité d’autofinancement près de deux fois supérieure à celle des entreprises françaises : c’est un élément moteur important pour l’industrie allemande et l’une des raisons de la solidité et du fort développement des entreprises allemandes.
Il faut aussi mentionner, même si ce n’est pas la seule raison, les coûts de production. Sur ce point, il y a eu des incompréhensions au sein de la mission, où s’est reflété le débat qui a animé la presse et les économistes ces derniers jours.
Nous ne disons pas que les produits allemands se vendent mieux parce que les salariés seraient moins bien payés. Au contraire, l’attractivité des salaires est une condition nécessaire pour attirer la jeunesse vers l’industrie.
Cependant, selon la Cour des comptes, le coût salarial horaire dans l’industrie était de 26 à 33 euros en France en 2008, et de 30 à 33 euros en Allemagne. En regardant de près, on constate que les cotisations sociales employeur, tous secteurs confondus, représentent environ 43 % du salaire en France, contre 29 % en Allemagne.