Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme des onze mois au cours desquels se sont déroulés ses travaux, la mission est en mesure de présenter aujourd’hui un diagnostic précis et argumenté sur la désindustrialisation.
En effet, en dix ans, le secteur a perdu plus de 500 000 emplois, pertes que l’on a essayé d’enrayer par une intervention renforcée de l’État et des collectivités territoriales. Entre 2008 et 2009, en Lorraine, le secteur industriel a représenté 20 % des baisses d’emploi.
Nous constatons que c’est bien l’Asie, et notamment la Chine, qui est aujourd’hui l’usine du monde, elle qui dispose par ailleurs d’un marché en pleine expansion.
Pour autant, l’Europe n’est pas mise au ban de l’industrie mondiale, comme le montre l’exemple de l’Allemagne. Ce pays a réussi à maintenir un tissu industriel fort, reposant sur l’excellence de ses formations, la valeur ajoutée de ses produits à forte dimension technologique, dans la chimie comme dans l’électronique, par exemple. La Chine jouit d’une réelle culture industrielle et peut compter sur un réseau dense de PME de taille critique pour exporter.
L’industrie française a bien sûr, elle aussi, ses fleurons dans les secteurs de l’agroalimentaire et de l’aéronautique par exemple, mais son réseau industriel manque peut-être de diversité et d’efficacité, du fait du nombre insuffisant d’entreprises de taille intermédiaire, capables, elles, d’exporter sur les marchés dynamiques.
Ce sont avant tout nos petites entreprises sous-traitantes de grands groupes industriels, étrangers parfois, qui sont les plus exposées à la désindustrialisation et en faveur desquelles il faut axer nos efforts.
En outre, dans notre pays, l’État, monsieur le ministre, n’est pas un bon industriel. On ne lui demande pas de l’être, d’ailleurs ; on attend seulement de lui qu’il crée les conditions permettant aux industries de grandir.
Pour cela, il faut des politiques publiques stables et non des campagnes de communication au cours desquelles on promet à tort que l’État empêchera la fermeture, pourtant inéluctable, d’un site, comme ce fut le cas d’Arcelor-Mittal en Lorraine.
Le Gouvernement aurait les moyens d’activer des leviers pour favoriser l’environnement industriel. À la place, il met en place des dispositifs d’aides directes non durables, fortement administrés et lourds, entraînant des effets d’aubaine qui les rendent moins efficients.
Ayant moi-même créé une toute petite entreprise dans l’hôtellerie-restauration, j’ai eu l’occasion, avant même l’ouverture de mon établissement, de mesurer le poids des difficultés administratives et financières. J’ai un peu regretté d’avoir choisi de rester dans mon village : si je m’étais installé quinze kilomètres plus loin, en Belgique ou au Luxembourg, j’aurais probablement été accueilli différemment et j’aurais peut-être eu la possibilité d’aller plus vite plus loin.
Par ailleurs, je constate que l’on a raboté cette année le taux du crédit d’impôt recherche de 75 % à 50 % ; il est prévu de le réduire à 25 % l’année prochaine. Comment peut-on soutenir l’innovation alors que, en quatre ans, les dispositifs fiscaux en faveur des industries innovantes ont été supprimés ou que les conditions d’éligibilité sont sans cesse plus restrictives ?
L’interventionnisme direct dans l’entreprise par le biais de subventions et le centralisme en France ne sont pas des leviers efficaces pour soutenir l’industrie. Il vaut mieux, à l’instar de ce que fait l’Allemagne, favoriser les conditions d’un développement réussi des entreprises en soutenant la recherche et en favorisant une culture industrielle, via l’apprentissage et l’harmonisation européenne en matière de dépôt de brevets.
En revanche, toutes les propositions – des vœux pieux ! – visant à renforcer les moyens des structures administratives existantes ou à favoriser l’interventionnisme de l’État dans l’entreprise elle-même me semblent vaines, car elles sont inadaptées aux attentes des entreprises de taille intermédiaire.
En outre, il nous faut renforcer l’ancrage territorial de nos entreprises. Les pôles de compétitivité, et parfois même les pôles d’excellence rurale, constituent à ce titre un instrument efficace et pertinent. Les entreprises, complémentaires les unes des autres, se constituent naturellement en réseau, essaiment sur le territoire et permettent le dialogue interentreprises. Pour ma part, je ne crois plus à l’efficacité, par exemple, des services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, la DIRECCTE.
L’ancrage territorial de nos entreprises passera par une responsabilisation sociétale de ces mêmes entreprises, telle qu’elle est prévue dans la norme ISO 26000 : engagement de formation des salariés, maillage du territoire, accords de méthode, gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, revitalisation économique des territoires par anticipation, c'est-à-dire avant qu’un site ne procède à un plan social.
Plutôt que de dépêcher à la hâte des commissaires à la réindustrialisation, pompiers souvent sans lances à incendie pour éteindre le feu de la désindustrialisation, il nous faut anticiper et inciter les entreprises à prendre des mesures, afin de permettre à la France de se réindustrialiser, comme l’a dit M. le rapporteur, et de retrouver son rang à l’échelon mondial.
Parmi les difficultés que rencontre notre pays, ne perdons pas de vue le coût horaire de la main-d’œuvre française, dû partiellement à l’excellente protection sociale dont nous bénéficions, mais aussi, il faut le rappeler, aux effets des 35 heures