« Les esprits chagrins déplorent que la France ne soit plus une vraie puissance. Ils ignorent que, grâce à sa langue et à sa culture, elle continue d’occuper dans le monde une place prééminente, et les lycées français à l’étranger jouent un rôle essentiel dans le maintien de ce rayonnement de l’esprit. » Ces propos d’Hélène Carrère d’Encausse, secrétaire perpétuel de l’Académie française, nous les partageons tous.
C’est dire combien la proposition gouvernementale de supprimer la prise en charge des frais de scolarité à l’étranger contenue dans le projet de loi de finances rectificative pour 2012 interpelle et met au pied du mur des milliers de familles françaises bénéficiaires de cette mesure depuis 2007.
En effet, si 1 270 élèves bénéficiaient de la PEC à la rentrée scolaire 2007-2008, ils étaient de 7 493 en 2011-2012. À l’origine, le budget consacré à cette prise en charge s’élevait à 4, 4 millions d’euros ; il a atteint 28, 8 millions d’euros après plafonnement, en 2011.
Dans le présent débat, il nous faut raison garder. Nous n’allons pas recommencer ces interminables discussions byzantines pour avoir de nouveau à choisir entre le camp des « pour » et celui des « contre » la suppression.
Reprenons objectivement les différents aspects de cette question.
La France dispose d’un réseau éducatif exceptionnel à l’étranger, avec près de 500 établissements scolaires. Ce réseau a toujours permis aux familles établies hors du territoire national de scolariser leurs enfants dans de bonnes conditions pédagogiques, souvent meilleures qu’en France.
Pour répondre aux diverses controverses suscitées par l’attribution de la PEC, notamment du fait de son coût et de son attribution sans conditions de ressources, un premier rapport parlementaire préconisait la suppression de la prise en charge au regard du contexte budgétaire très contraint auquel était confronté notre pays. Un second rapport proposait d’instaurer un plafond de la PEC indépendant du niveau de ressources des foyers et d’instaurer un moratoire avant d’envisager l’extension aux classes de second cycle.
S’il est vrai que des familles aisées ont pu profiter d’un effet d’aubaine sans conditions de ressources, il faut néanmoins souligner que de très nombreuses familles modestes, exclues du système des bourses sous conditions de ressources, ont pu bénéficier de la PEC.
En effet, le nombre de boursiers a augmenté sous le régime de la PEC : il est aujourd’hui de 25 000, contre 19 000 en 2007, première année d’application de la prise en charge.
Par ailleurs, le désengagement des entreprises françaises, qui prennent généralement en charge la scolarité des enfants de leurs expatriés, doit être nuancé. Dans les faits, il est minime et la PEC a le plus souvent aidé les PME-PMI à déployer leur personnel à l’étranger.
Nous ne pouvons que nous réjouir de ces aspects positifs.
Venons-en maintenant à ces gros orages qui grondent au-dessus de l’offre éducative des Français à l’étranger depuis l’annonce de la suppression radicale et sans concertation de la PEC.
Pour justifier cette suppression qui va toucher les familles de lycéens français à l’étranger, y compris les moins aisées, le Gouvernement argue qu’elles peuvent bénéficier de bourses scolaires attribuées sur critères sociaux. Or, il est de notoriété publique que l’actuel système des bourses est déjà très défavorable aux classes dites moyennes. Un fossé se creuse donc entre familles aisées et familles moins favorisées.
Avec la suppression totale de la PEC, chaque famille perdra, en moyenne, 4 000 euros par élève. De plus, cette décision arbitraire va inévitablement nuire aux établissements, outils de notre action culturelle et économique extérieure, et dégrader l’influence et le rayonnement français dans le monde.
Si l’article 30 est adopté, la suppression de la prise en charge s’appliquera dès la rentrée 2012. Cette décision unilatérale et brutale du Gouvernement est inique. Prise de surcroît en pleine période estivale, elle va placer les familles françaises dans le plus grand embarras, et même dans le désarroi, car certaines d’entre elles, qui ne pourront pas payer, seront obligées de chercher des solutions dans l’urgence et la confusion, voire de retirer leurs enfants de nos établissements à un moment décisif de leur scolarité : la préparation du baccalauréat.
La suppression de la PEC provoquera, en outre, des problèmes de nature administrative pour les établissements scolaires qui avaient comptabilisé par anticipation le montant des frais.
Une période de transition confuse et tumultueuse va très certainement s’ouvrir. Attendez-vous, monsieur le ministre, à de nombreux et coûteux recours contentieux. On ne gère pas dans l’improvisation, encore moins dans la précipitation !
Rappelons qu’aujourd’hui une demande d’aide, bourses scolaires et PEC confondues, est présentée pour 67 % des lycéens français scolarisés à l’étranger.
Par ailleurs, l’urgence étant mauvaise conseillère, plusieurs amendements cosignés par mes collègues représentant les Français établis hors de France ont pour objet de vous demander le report de cette suppression à la rentrée scolaire 2013 et un redéploiement vers les bourses des sommes ainsi dégagées.
Nous aurons le temps, lors de l’examen cet automne du projet de loi de finances pour 2013, d’examiner en détail un nouveau dispositif d’aide à la scolarité plus efficace et plus juste.