Intervention de Éric Besson

Réunion du 26 avril 2011 à 14h30
Débat sur la désindustrialisation des territoires — Orateurs inscrits

Éric Besson, ministre :

Je compte, dans les prochains mois, continuer sur cette lancée, afin d’essayer de renforcer la compétitivité et le dynamisme de notre industrie.

Je voudrais maintenant dire quelques mots sur nos priorités en matière d’industrie pour les mois à venir.

Je partage votre constat : un phénomène de désindustrialisation est à l’œuvre en France. Ce serait un leurre de croire que nous pouvons conserver en France le même volume d’activités et d’emplois industriels, toutes choses égales par ailleurs. La concurrence évolue, nos structures productives également, et notre tissu industriel ne peut rester à l’identique. Dans cette perspective, c’est de « plus d’industrie », mais aussi de « mieux d’industrie », dont nous avons besoin.

Je souhaite que notre industrie soit plus productive, plus compétitive, et qu’elle contribue au rééquilibrage de notre balance des paiements. L’industrie, qui représente 75 % de la dépense de recherche et développement et 80 % de nos exportations, doit participer davantage encore à la croissance de notre économie.

Je voudrais mentionner deux priorités.

Je souhaite d’abord promouvoir les technologies d’avenir, celles qui se diffusent à l’ensemble de l’économie et permettent d’en améliorer l’efficacité et la productivité.

Mon ministère a récemment publié, en février 2011, une enquête intitulée « Technologies clés 2015 », qui analyse les principales technologies d’avenir et, pour chacune d’entre elles, le positionnement que la France pourrait acquérir. Ce rapport contient un volet encourageant : la France se situe dans le « peloton de tête » pour les deux tiers des technologies clés et se positionne comme leader ou co-leader pour 20 % d’entre elles. Il faut désormais réussir à saisir le potentiel que représentent ces nouvelles technologies.

Cela étant, je suis d’accord avec vous, monsieur Leroy : si nous devons certes nous préoccuper des technologies d’avenir, la France doit maintenir un certain nombre de métiers plus traditionnels, notamment en améliorant l’action menée en matière de formation professionnelle et d’apprentissage. C’est en particulier dans ce cadre que, comme je l’indiquais précédemment, je souhaite que la Conférence nationale de l’industrie se saisisse du sujet de la formation et de l’adaptation aux métiers dans le milieu spécifique de l’industrie.

Je voudrais citer quelques exemples de secteurs que nous devons considérer comme prioritaires.

Je pense tout d’abord aux robots. Nous devons développer leur usage, à la fois chez les particuliers et dans les entreprises.

Chez les particuliers, la robotique de services a représenté un marché de 2, 3 milliards d’euros en 2010. Je souhaite faire de la France un pays leader en matière de robotique pour les particuliers. C’est une ambition à notre portée. En Île-de-France, tout un écosystème autour de ce secteur s’est d’ores et déjà développé au sein du pôle de compétitivité Cap Digital.

Onze projets ont déjà été menés sur cette thématique, représentant un investissement de 22 millions d’euros. L’un des plus emblématiques d’entre eux vise à développer un robot humanoïde d’une taille de 1, 40 mètre, qui sera un véritable assistant-compagnon personnel dans le monde réel. Ce robot doit être capable d’intervenir sur les objets du quotidien, d’aider une personne à se déplacer à domicile ou même de lui porter secours en cas de chute. Il a bénéficié d’une certaine visibilité, puisqu’il a accueilli la Chancelière allemande Angela Merkel et le Premier ministre François Fillon à la foire de Hanovre.

S’agissant de la robotique dans les entreprises, la France accuse un retard notable, qui explique pour partie son déficit de compétitivité par rapport à l’Allemagne, où l’on compte en effet quatre fois plus de robots que dans notre pays. L’écart continue de se creuser, puisque 15 000 robots sont installés chaque année chez notre voisin, contre seulement 2 600 en France.

J’évoquerai un second exemple concret, celui des sciences du vivant, plus particulièrement des biotechnologies.

Grâce aux biotechnologies, domaine dans lequel les industries françaises détiennent déjà des positions de leader, nous pourrons non seulement gagner des parts de marché dans les secteurs industriels, mais aussi améliorer la qualité de vie et la santé de nos concitoyens.

La France s’illustre particulièrement dans le domaine de la thérapie cellulaire ou médecine régénérative, qui permet de réparer ou d’améliorer les fonctions d’un organe endommagé. C’est très clairement l’avenir de la médecine. Troisième pays au monde à réaliser des essais cliniques dans ce domaine, la France sera le premier à établir des standards normatifs.

Des entreprises telles que Transgene ou Cellectis se distinguent au niveau international. J’irai d’ailleurs ce jeudi même visiter cette dernière entreprise, qui développe un projet innovant de cellules souches ouvrant sur des applications potentielles dans plusieurs domaines thérapeutiques. En mai, je visiterai le centre international de vaccins de Sanofi, installé à Lyon, qui produira le premier vaccin contre la dengue.

Ce pôle de vaccins témoigne du dynamisme du territoire lyonnais en matière de biotechnologies, la région Rhône-Alpes étant la deuxième du pays à accueillir une telle concentration d’entreprises de cette filière, après l’Île-de-France. En Rhône-Alpes, Sanofi Pasteur, la division vaccins du groupe Sanofi-Aventis, a investi près de 350 millions d’euros depuis 2008 pour la reconversion du site de Neuville-sur-Saône, usine pharmaceutique chimique classique qui est devenue une usine « biotech ».

Enfin, je souhaite que la France soit le leader dans le domaine des véhicules hybrides et électriques.

Comme vous le savez, nos constructeurs automobiles misent beaucoup sur le véhicule électrique et hybride, qui représentera à partir de 2020 un marché évalué entre 20 milliards et 50 milliards d’euros en Europe, dont 7, 5 milliards d’euros en France.

Dans ce cadre, le Gouvernement a lancé un plan d’action ambitieux pour soutenir le développement du véhicule électrique et hybride : « super bonus » de 5 000 euros pour les 100 000 premiers véhicules, mobilisation des investissements d’avenir à hauteur de 1 milliard d’euros pour le véhicule du futur, soutien à l’installation d’usines de production de batteries dans nos régions.

Le sénateur Louis Nègre, à qui a été confiée une mission de réflexion et de proposition sur les infrastructures de recharge, remettra ce soir à Nathalie Kosciusko-Morizet, à René Ricol et à moi-même son Livre vert sur le sujet.

Ce sont autant d’initiatives qui permettront chaque fois de développer le secteur industriel directement concerné – j’ai cité, parmi bien d’autres exemples, les fabricants de robots, les sociétés de biotechnologies, les constructeurs automobiles –, mais aussi de participer à l’augmentation de la productivité et de la valeur produite pour notre économie.

« Mieux d’industrie », c’est enfin une politique industrielle qui exploite davantage les synergies à l’échelon européen et qui pose les bases d’une véritable politique industrielle européenne.

Monsieur Bourquin, nous partageons votre diagnostic : la France se veut en pointe sur le sujet, bien aidée, il faut le dire, à la fois par Michel Barnier et par le commissaire européen à l’industrie, Antonio Tajani, qui partage un certain nombre de nos convictions. C’est nouveau : « industrie » et « politique industrielle » ne sont plus des gros mots au sein des instances européennes.

Je prendrai un seul exemple à cet égard, celui du brevet européen, très attendu par les entreprises. C’est la France qui, en décembre dernier, a pris l’initiative, au côté d’autres États membres, de demander une coopération renforcée en matière de brevet européen. Cette coopération renforcée, qui rassemble désormais vingt-cinq des vingt-sept États membres – nous avons tout tenté, malheureusement en vain, pour convaincre les deux autres de se joindre à l’aventure –, a été formellement validée par le Conseil « compétitivité » du 10 mars dernier. Cela permettra aux entreprises européennes de bénéficier d’un brevet unique, et l’innovation se trouvera « dopée » au sein de l’Union européenne. Jusqu’à présent, déposer un brevet coûtait dix fois plus cher à une PME en Europe qu’aux États-Unis. Grâce au brevet européen, nous réduirons significativement cet écart.

Voilà ce que je souhaitais vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs.

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