Intervention de Philippe Duron

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 31 juillet 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Philippe duRon candidat désigné aux fonctions de président du conseil d'administration de l'agence de financement des infrastructures de transport de france

Philippe Duron :

J'ai cru comprendre qu'une réforme était envisagée...

Depuis sa création fin 2004 et jusqu'en 2011, l'Agence a rempli la mission qui lui était confiée. Elle a accordé 27,7 milliards d'euros d'autorisations d'engagement, et versé 13,5 milliards d'euros de crédits de paiement aux maîtres d'ouvrage. Elle a joué pleinement son rôle en faveur du report modal, conformément à la règle voulant que 70 % des fonds soient affectés à des modes de transport alternatifs à la route : sur 27,7 milliards d'autorisations d'engagements, 20,35 milliards sont destinés à ces modes alternatifs. Le ratio est un peu moins bon pour ce qui est des crédits de paiement, en raison d'une certaine inertie et parce qu'il a fallu financer des contrats de plan ainsi que des programmes de développement et de modernisation des itinéraires routiers (PDMI) comportant encore des travaux routiers. L'AFITF a donc permis la mise en oeuvre des politiques proposées par les gouvernements successifs et votées par le Parlement.

Certes, l'Agence n'est pas exempte de tout reproche. La Cour des comptes a même suggéré de la supprimer. Certains reproches sont fondés, mais l'AFITF n'est pas toujours responsable des dysfonctionnements mis en lumière. Elle s'est vu confier le financement des contrats de plan et de projet, des PDMI, de la régénération ferroviaire et de la mise en oeuvre des décisions du Grenelle, ce qui n'était pas prévu lors du CIADT de 2003. Ses ressources ont également été modifiées. La privatisation des autoroutes par le Gouvernement Villepin, qui ne fut sans doute pas la mesure la plus opportune, a privé l'Agence d'une ressource dynamique et pérenne. Certes, M. Perben s'est « racheté » en obtenant 4 milliards d'euros sur les recettes de la privatisation... La mise en oeuvre de l'écotaxe, ou taxe kilométrique sur les poids lourds, a pris du retard, ce qui oblige l'Etat à verser depuis 2009 une subvention d'équilibre à l'Agence. La Cour des comptes, dans le rapport qu'elle vient tout juste de remettre sur l'état des finances publiques, reproche à l'AFITF de ne pas sélectionner suffisamment les projets et de s'abstraire de la discipline budgétaire, mais cette critique est excessive, car l'Agence agit sous une tutelle étroite du Gouvernement et de l'administration. Chaque grand projet financé découle directement de la loi de programmation du Grenelle de l'environnement, que nous avons votée à la quasi unanimité. Le conseil d'administration veille à se faire présenter par le maître d'ouvrage ou l'administration les indicateurs de rentabilité socio-économique. Quant aux « reste à payer », ils ont subi en 2011 et 2012 le démarrage de projets importants dont le paiement s'étalera dans le temps : lignes à grande vitesse (LGV) Sud Europe Atlantique et Bretagne Pays-de-la-Loire, contournement Nîmes-Montpellier.

Vous l'aurez compris, je ne fais pas miennes les conclusions de la Cour sur le sort à réserver à l'AFITF. Celle-ci constitue une garantie pour la réalisation des politiques de transport. Des évolutions sont néanmoins nécessaires. Le rapport Gressier avait formulé des recommandations, certaines ont été appliquées par les précédents gouvernements, qui ne sont toutefois pas allés assez loin. On aimerait qu'en matière d'ingénierie financière, l'AFITF eût la même expertise que l'agence allemande, composée différemment. On aimerait aussi qu'elle participât davantage à l'évaluation et à la hiérarchisation des projets. Si vous m'accordez votre confiance, je proposerai au conseil d'administration et au Gouvernement d'améliorer la gouvernance de l'Agence en faisant en sorte que les collectivités territoriales, partenaires incontournables, y soient représentées ès qualités, et en faisant nommer un vice-président qui ne soit pas de la même famille politique que le président. Je renforcerai aussi la transparence de nos travaux vis-à-vis du Parlement et de l'opinion publique : on reproche souvent à l'Agence d'empiéter sur les prérogatives du Parlement, ce qui n'est pas infondé, mais il faut rappeler que l'Agence ne fait qu'adopter des propositions du Gouvernement. Pour améliorer l'information des parlementaires, outre le rapport adressé aux commissions des finances, des auditions annuelles pourraient être organisées devant les commissions du développement durable. Enfin l'Agence doit se voir affecter des ressources nouvelles, afin de ne pas dépendre d'une subvention d'équilibre que Bercy rechignera toujours davantage à verser. Il faudra pour cela dialoguer avec le Parlement.

Soyez convaincus que vous avez devant vous un fervent défenseur de l'AFITF, qui l'aidera à se doter de ressources et de modes de fonctionnement garantissant sa visibilité, son acceptabilité et son efficacité.

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