Je suis presque gêné des compliments que vous m'adressez... Je ne vous décevrai pas.
Monsieur Nègre, les membres du conseil d'administration de l'Agence reconnaissent tous l'utilité de celle-ci pour assurer la continuité des politiques publiques de transport, mais ils s'accordent aussi sur la nécessité de faire évoluer ses missions, son fonctionnement et pérenniser ses ressources.
Actuellement, Monsieur Revet, nous percevons chaque année un peu plus de 900 millions d'euros tirés du produit de la taxe d'aménagement du territoire, de la taxe domaniale et des amendes radars. C'est très insuffisant, nos besoins étant estimés entre 2 et 2,5 milliards d'euros. Pour compenser la privatisation des autoroutes, une subvention d'équilibre d'un peu moins d'un milliard nous est accordée depuis 2009. L'écotaxe rapportera un peu plus d'1,2 milliard, dont une partie sera reversée aux conseils généraux - car pour éviter un report de trafic, les routes départementales les plus importantes ont été intégrées au dispositif, sur proposition des départements et après validation du Conseil d'Etat - et dont il faut déduire d'importants coûts de perception : finalement, environ 800 millions d'euros devraient nous revenir à partir de 2014. Techniquement, il serait possible d'appliquer la taxe dès juillet 2013, mais des discussions devront encore avoir lieu avec les professionnels pour éviter de déstabiliser un secteur déjà malmené par la concurrence étrangère.
L'AFITF, Monsieur Filleul, pourrait participer à l'évaluation des différents modes de financement : financement direct par fonds de concours, délégation de service public ou contrat de partenariat public-privé.
Claude Martinand et Noël de Saint-Pulgent ont beaucoup travaillé sur ces contrats de partenariat. Leur coût initial est élevé, leur mise en place complexe, mais il ne faut pas oublier que l'Etat a le plus grand mal à entretenir son patrimoine : à Caen, par exemple, il laisse se délabrer le Tribunal de grande instance, la maison d'arrêt et un centre de détention. Or les routes et chemins de fer requièrent des investissements constants pour être maintenus en état : je vous renvoie à l'audit de l'Ecole polytechnique de Lausanne sur le réseau ferré, qui a mis en évidence sa dégradation. Les routes nationales aussi se détériorent. Il faut donc calculer le coût de l'opération sur toute la durée de vie d'un équipement, en y intégrant les coûts de maintenance. L'AFITF peut conseiller intelligemment les pouvoirs publics, pour les aider à choisir entre ces modes de financement.
L'AFITF n'est pas en mesure, pour l'instant, de mener un audit financier des financements ou des infrastructures. En revanche, elle peut contribuer à l'élaboration du cahier des charges. Elle pourrait aussi être mieux associée au suivi des travaux : jusqu'ici, elle a été mise en difficulté par la vitesse d'exécution de certains grands travaux comme ceux des lignes à grande vitesse, qu'il s'agisse de concessions ou de partenariats public-privé.
Au sujet de la ligne Paris-Normandie, je ne puis m'exprimer qu'en tant que membre du conseil d'administration... Je me contenterai de rappeler que le Président de la République a pris des engagements, et qu'il est d'usage qu'il les tienne.