Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la rentrée prochaine, à l’instar des précédentes, s’annonce particulièrement morose.
Dans ce contexte, la suppression de plusieurs milliers de postes dans l’éducation nationale ne fait qu’ajouter au malaise déjà profond de l’ensemble de ses personnels, un malaise dû aux incohérences et aux paradoxes de la politique éducative de ce gouvernement.
Aujourd’hui, les enseignants se sentent à juste titre particulièrement déconsidérés et méprisés. Déconsidérés, car ils ont le sentiment de n’être qu’une variable d’ajustement dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, la RGPP. Mais, plus que tout, ils s’estiment méprisés, un mépris qui se manifeste dans la manière dont vous avez réformé leur formation, monsieur le ministre.
En effet, les enseignants – c’est le cœur de leur mission – forment les jeunes élèves et leur transmettent les connaissances indispensables à leur épanouissement intellectuel.
Ces formateurs ne sont pourtant plus formés aujourd’hui, ou si peu.
Avec la suppression des IUFM, la formation des maîtres devient même, en quelque sorte, l’exception. Avec la mastérisation, vous avez introduit l’idée qu’être enseignant, c’est uniquement posséder le bagage des connaissances requises. Vous l’avez reconnu d’ailleurs implicitement, en réintroduisant l’idée des formations de masters en alternance.
En attendant, les faits sont là. Des milliers de jeunes professeurs se sont retrouvés dans les classes sans avoir eu la moindre préparation pédagogique à leurs nouvelles fonctions, avec les conséquences que l’on sait, néfastes et parfois dramatiques pour eux-mêmes et pour leurs élèves. Dans mon département, certains se sont même vu proposer une formation alors qu’ils enseignaient depuis plusieurs mois !
Alors que les jeunes enseignants ne sont plus formés, les exigences à leur égard sont pourtant sans cesse plus nombreuses.
Dans cette perspective, j’évoquerai un aspect de la formation des enseignants qui me semble particulièrement négligé : la dimension territoriale.
Tout d’abord, très concrètement, comment peut-on admettre qu’un jeune professeur n’étant pas formé se retrouve à enseigner dans les zones d’éducation les plus difficiles ? Une réflexion doit être menée en concertation avec les enseignants pour y remédier. Quand cela serait-il fait ?
Ensuite, se pose la question de la structuration des territoires. Fermer les IUFM, c’est aussi fermer un service public. Qu’il s’agisse de La Poste, des perceptions, des classes ou des IUFM, la France des territoires ruraux se vide de ces lieux qui font le service public.
Avec la mastérisation, la mobilité des étudiants s’accroîtra et on renforcera ainsi des inégalités territoriales en fonction des offres d’enseignement.
Il faudrait donc intégrer la dimension territoriale dans l’approche de la formation des enseignants. Cela sera-t-il le cas ?
Enfin, je terminerai en évoquant un point qui révèle bien, selon moi, les impensés de la politique actuelle en matière de formation.
Je me félicite que les élèves en situation de handicap soient de plus en plus nombreux à intégrer l’école publique. Cela suppose bien sûr des personnels d’accompagnement, mais surtout que les enseignants puissent suivre convenablement les élèves concernés. Aujourd’hui, tel n’est pas le cas. Voilà encore une question qui mérite réponse.
Pour toutes ces raisons, il est urgent de repenser la formation des enseignants dans toutes ses dimensions, monsieur le ministre.
La question que je me pose, à l’instar de toute la communauté éducative, est donc de savoir si vous y êtes enfin prêt aujourd'hui.