Intervention de Maryvonne Blondin

Réunion du 26 avril 2011 à 14h30
Réforme de la formation des enseignants — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Maryvonne BlondinMaryvonne Blondin :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « une société qui n’aime pas ses enseignants est une société qui n’a pas compris le défi de la mondialisation de demain ». Cette belle déclaration d’un membre du Gouvernement remonte à mai 2007, mais hélas, depuis cette date, le Gouvernement a donné beaucoup de preuves de désamour aux enseignants ! L’une d’entre elles touche au cœur même de leur métier : la formation. Certes, le système précédent n’était pas sans faille, mais celui qui est mis en place aujourd’hui est pire encore !

Lors d’une audition de chercheurs spécialisés dans les sciences de l’éducation, nous avons pu regarder une vidéo qui nous a tous attristés et révoltés : on y voyait un jeune et brillant stagiaire, agrégé d’histoire-géographie, nommé à temps plein dans un collège situé en zone d’éducation prioritaire. La scène se passait en septembre. Le professeur ouvrait sa classe, y entrait le premier, posait son sac sur le bureau et assistait, les bras croisés, impuissant, à la bousculade de l’installation de ses élèves de troisième ! Comment, dès lors, pouvait-il mettre ces élèves en situation d’apprentissage et les aider à développer leur esprit critique ? Ce néo-stagiaire avait eu la chance de pouvoir bénéficier de l’aide de chercheurs et le courage de persévérer, devant une classe visiblement à l’opposé de ce qu’il avait vécu dans sa scolarité ! D’autres, submergés par les difficultés, ont malheureusement jeté l’éponge. Tant d’efforts pour en arriver là ! Quel gâchis et quelle souffrance ! La mastérisation sans formation pratique est une aberration.

Le responsable du programme « professionnalité », Luc Ria, a témoigné de l’excellence de la formation académique des enseignants français, mais il a pointé du doigt les vraies difficultés que rencontrent les débutants dans l’exercice même de leur travail. Plus précisément, il a évoqué la méconnaissance « des gestes professionnels indispensables à l’enseignement ».

Le rapport de M. Jolion constate, quant à lui, que « le système actuel met les jeunes professeurs dans une situation d’échec par accumulation de contraintes au lieu de les mettre en situation de réussite ».

Rien de bien surprenant quand on lit l’étude menée par un syndicat d’enseignants auprès des stagiaires de 2010 : leur temps complet est réparti, pour beaucoup d’entre eux, entre plusieurs établissements et leur tuteur enseigne parfois dans un autre établissement ! Un tiers de ces stagiaires est en charge de classes d’examen. Certains se sont même vu refuser l’autorisation de se rendre aux quelques séances de formation.

Soyons honnêtes, des temps de formation sont en effet prévus. Par exemple, une formation sur le thème : « Comment préparer ses premiers cours et prendre en charge ses classes ? » a lieu en octobre et une autre, intitulée « Qu’est-ce qu’un conseil de classe? », est programmée en novembre, après les conseils de classe de mi-trimestre... C’est une situation plutôt aberrante !

La formation aurait dû, ou devrait, permettre aux stagiaires d’« apprendre à apprendre ». Il ne s’agit pas d’effectuer un copier-coller de schémas pédagogiques ni de visionner des DVD ! Il s’agit de mettre les stagiaires en situation, de les confronter à la réalité d’une classe et des élèves qui la composent, avec l’aide, ô combien précieuse, du tuteur qui leur apprendra ce qu’est le « phénomène classe », comment réagir aux comportements variés des élèves et ajuster ses activités. Ce savoir-faire ne s’apprend pas dans les livres, mais au quotidien et tout au long de la carrière !

Bien sûr, un tel apprentissage demande des moyens ou, du moins, de conserver les moyens existants ! Or des brigades de formation continue, dont la mission est de remplacer les collègues en formation, sont supprimées. Dans mon département, par exemple, 27 de ces postes vont être redéployés. Au total, 215 brigades, ainsi que 171 postes de maîtres formateurs sont supprimés.

Est-ce à dire que la formation continue disparaît ? Que reste-t-il de la logique de la loi relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie ? Le Président de la République a déclaré, en février dernier, qu’il était prêt à remettre en chantier les éléments de la formation, parlant d’enseignant stagiaire en alternance ! Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer cette orientation ?

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