Intervention de Brigitte Gonthier-Maurin

Réunion du 26 avril 2011 à 14h30
Réforme de la formation des enseignants — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Brigitte Gonthier-MaurinBrigitte Gonthier-Maurin, auteur de la question :

Je serai brève, car je ne vais pas reprendre l’intégralité du débat.

Sans doute, monsieur le ministre, ne vivons-nous pas dans le même monde. Cette question orale avec débat dont j’ai pris l’initiative était en fait un signal d’alarme et un appel à sortir du déni. Si vous n’avez pas eu connaissance de certaines situations ou si, comme d’aucuns ici, vous pensez qu’il est urgent d’attendre, je vous transmettrai le livre noir réalisé par les « stagiaires impossibles » et qui décrit la souffrance de ces hommes et de ces femmes qui ont été mis en situation, jetés en pâture, devrais-je dire, sans avoir suivi la moindre formation ni effectué un seul stage.

Vous avez beau jeu de dire que la réforme est sans doute perfectible et qu’il faudra au fur et à mesure revenir sur les points d’achoppement. Pour moi, et c’est une certitude, il n’y a pas de replâtrage possible.

Je pensais bien que vous alliez évoquer le concept de master en alternance puisque le recteur de l’académie de Versailles, Alain Boissinot, a annoncé la mise en place, à titre expérimental dès la rentrée prochaine, d’un dispositif de master en alternance.

Je vais dire deux mots de ce dispositif, car il n’est pas le remède qui va tout arranger.

Dès la licence, les étudiants pourraient conjuguer temps de formation en université et séquences en établissement ; la mission qui leur serait confiée d’assistant d’éducation puis d’assistant pédagogique serait intégrée à leur parcours de formation comme temps de préprofessionnalisation. En master, le principe serait le même : il leur serait proposé d’intervenir toute l’année en tant que personnel enseignant vacataire en établissement, accompagné par un tuteur sur un service limité.

La ficelle est un peu grosse et l’on voit comment cette notion d’alternance détournée peut en réalité constituer à moindre frais un vivier de remplacement.

S’agissant des assistants d’éducation, on voit bien qu’il y a l’opportunité par ce moyen détourné de fournir une rémunération à ces jeunes ; c’est d’ailleurs l’une des questions que pointait le rapport Jolion.

Pour les assistants pédagogiques, ce dispositif n’est pas nouveau puisqu’ils sont déjà prioritairement recrutés parmi les étudiants préparant les concours de l’enseignement.

De toute façon, dans les deux cas, on ne sort pas du statut précaire de vacataire. Or, comme j’ai essayé de le montrer lors de mon intervention liminaire, la préprofessionnalisation ne se résume pas à des stages ; encore faut-il leur donner un contenu, en définir la nature exacte, pour qu’ils soient véritablement utiles et ne servent pas seulement à faire du remplacement à moindre frais.

Ces stages, dont on ne peut accepter qu’ils échappent encore une fois au cadrage national, devraient s’inscrire dans un cahier des charges de la formation et être encadrés par des maîtres formateurs spécifiquement chargés d’accompagner les étudiants, et non par des tuteurs, comme vous venez de le proposer.

Si ces étudiants en master d’alternance effectuent un mi-temps dans un établissement, leur emploi du temps, cela a été souligné, sera très chargé, ce qui les empêchera de préparer dans de bonnes conditions le concours, augmentant ainsi pour eux les risques d’échouer.

À l’inverse, ils constitueront, je le répète, un super-vivier de précaires connus et déjà identifiés par les académies. Ce type de formation, que vous nommez « alternance », est en fait un piège en l’état actuel de la formation des enseignants.

La vraie diversification des parcours de formation, au service d’une plus grande démocratisation – je rappelle qu’un étudiant sur deux travaille pour financer ses études – signifierait au contraire plusieurs voies d’accès, avec sans doute des concours différents, comme cela existe déjà mais avec la garantie absolue qu’il s’agit de concours de type national, c’est-à-dire de même valeur en termes de statut, de grille et donc de rémunération.

En fait, j’ai le sentiment, qui est conforté après vous avoir entendu, que cette réforme constitue bien évidemment une pièce maîtresse dans l’entreprise de démantèlement du service public de l’éducation, dont les enseignants sont le pivot. Comment, sinon en détruisant leur formation, attaquer la montagne ?

Le champ de ruines qu’est devenue la formation continue en est la preuve. Les enseignants, qui jouent un rôle déterminant dans la formation et l’avenir des citoyens de demain, sont ainsi les seuls que la nation prive de l’outil de formation quand, dans le même temps, est affichée une volonté de formation tout au long de la vie.

L’échange de ce soir aurait pu être l’occasion de remettre l’ouvrage sur le métier, d’explorer réellement les pistes d’une réforme qui soit véritablement au service de la réussite de tous les enfants. Je constate que telle n’est pas votre volonté, et je le déplore.

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