Intervention de Michel Mercier

Réunion du 26 avril 2011 à 22h45
Ventes volontaires de meubles aux enchères publiques — Adoption d'une proposition de loi en deuxième lecture

Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi qui revient aujourd'hui devant votre assemblée marque une avancée significative en matière de libéralisation des ventes volontaires aux enchères publiques.

En ouvrant nos débats ce soir, je tiens d’abord à saluer l’initiative de MM. Philippe Marini et Yann Gaillard qui, il y a plus de trois ans maintenant, ont proposé de moderniser le régime applicable à ce secteur d’activité et dont les travaux vont trouver dans quelques semaines – je l’espère tout du moins ! – un aboutissement.

Il est effectivement nécessaire de faire évoluer notre législation et de modifier le régime posé par la loi du 10 juillet 2000. Celui-ci satisfaisait déjà certes aux obligations résultant des principes de libre établissement et de libre prestation de services posés par le traité de Rome, mais la directive Services du 12 décembre 2006 nous impose de mettre rapidement notre droit national en conformité avec les nouvelles règles qu’elle comporte, en particulier pour supprimer tout agrément préalable à l’exercice de l’activité de ventes volontaires et toute prescription relative à la forme juridique des sociétés de vente.

Cette proposition de loi poursuit également un autre objectif : celui de renforcer la compétitivité de ce secteur d’activités. En effet, force est de constater que le marché français accuse depuis plusieurs années un certain retard face à ses concurrents. En effet, les opérateurs nationaux ne disposent pas des moyens adaptés pour faire face à une concurrence internationale de plus en plus forte. C’est ainsi que la France se place aujourd’hui au quatrième rang derrière la Chine, les États-Unis et le Royaume-Uni. Rappelons que ce secteur a représenté, en France, un montant d’adjudications de 2, 175 milliards d’euros en 2010.

Je voudrais donc saluer les travaux du Sénat et tout particulièrement ceux des rapporteurs : Marie-Hélène Des Esgaulx en première lecture, et Jean-Jacques Hyest, qui a vaillamment repris le flambeau en deuxième lecture. Ils ont permis d’améliorer sensiblement le cadre juridique des ventes aux enchères. Le texte maintient également un contrôle adapté des opérateurs de ventes volontaires et préserve la sécurité juridique dont ont besoin les consommateurs.

L’Assemblée nationale a très largement entériné les orientations que vous aviez retenues en première lecture. Seuls quelques points restent aujourd’hui en débat et les modifications que je vous proposerai sont limitées.

Le texte rénove le secteur des ventes volontaires en permettant de relever le défi de la compétitivité et de mettre notre droit en conformité avec la directive Services.

La libéralisation inscrite dans la proposition de loi a fait l’objet d’un accord de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Concernant les biens vendus, le texte apporte une ouverture du marché particulièrement importante en élargissant le champ d’application de la réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques aux biens meubles neufs, ainsi qu’aux ventes de marchandises en gros, jusque-là réservées aux courtiers de marchandises assermentés. Ces ventes s’effectueront dans un cadre juridique harmonisé.

Le texte introduit également des allégements de procédures qui faciliteront le travail des opérateurs et renforceront l’attractivité du marché français.

Les ventes volontaires ne seront plus soumises à un régime d’agrément préalable par le Conseil des ventes volontaires, mais à un simple régime déclaratif auprès de cette autorité dont elles pourront d’ailleurs s’acquitter par l’intermédiaire d’un guichet unique comme l’impose la directive Services. Ce dispositif, que vous aviez adopté en première lecture, a été validé par l’Assemblée nationale.

Les ventes de gré à gré seront désormais autorisées aux opérateurs de ventes volontaires et l’objet social des structures de ventes volontaires n’est plus limité.

Les opérateurs de ventes volontaires vont bénéficier d’un nouveau régime attractif et simplifié de la garantie du prix qu’ils peuvent accorder au vendeur, les conditions de la vente de gré à gré après échec des enchères sont assouplies ainsi que celles de vente dite sur folle enchère.

La commission a également admis une pratique innovante, introduite par l’Assemblée nationale, en permettant à la maison de vente d’acquérir un bien qu’elle a vendu, afin de mettre un terme à un litige entre vendeurs et adjudicataires.

Enfin, les opérateurs mèneront désormais leur activité sous la forme juridique de leur choix : à titre individuel ou dans le cadre d’une société civile ou commerciale. L’obligation de constituer une société de forme civile et de droit français est supprimée, puisqu’elle est interdite par la directive Services. L’implantation du siège statutaire ou social de la société sur le territoire de l’Union européenne sera permise.

Enrichie par le travail parlementaire, la proposition de loi offre par conséquent aux opérateurs de ventes volontaires les moyens de dynamiser le marché français.

Il n’en reste pas moins que la sécurité juridique des transactions est préservée et qu’un contrôle par un Conseil des ventes volontaires rénové est maintenu.

En effet, deuxième caractéristique, le texte s’attache à garantir la sécurité juridique des transactions, en veillant à la protection des consommateurs.

Cette sécurité est essentielle pour renforcer la confiance des acteurs et la moralité sur un marché qui, récemment confronté à des dysfonctionnements, sera bientôt libéralisé.

Ainsi, le mandat de vente devra être établi par écrit.

La tenue d’un livre de police dématérialisé est imposée, ce qui simplifiera la gestion de ce document par les opérateurs et renforcera la traçabilité des biens.

Les obligations d’information pesant sur les maisons de vente à l’égard des vendeurs comme du public sont renforcées, notamment sur les garanties financières souscrites, la qualité des biens vendus lorsqu’ils sont neufs, et lorsqu’un expert intervient. Il est imposé aux courtiers aux enchères en ligne de clairement préciser la nature des prestations qu’ils fournissent, sans créer de confusion avec une opération de vente aux enchères publiques.

Ensuite, le texte introduit la prohibition de la revente à perte, dans le cadre des enchères publiques. Il tend à maintenir la prohibition de l’achat pour revente : les opérateurs ne pourront donc acheter pour leur propre compte des biens meubles aux enchères, sauf dans des cas strictement limités. Ainsi, ils seront autorisés à vendre aux enchères des biens dont ils sont devenus propriétaires après la mise en œuvre de la garantie de prix, lorsque le bien n’a pas atteint le prix requis.

Enfin, le recours par l’opérateur de ventes volontaires à des prestataires extérieurs est désormais encadré : il devra, dans ce cas, prendre toutes les dispositions propres à assurer à son client la sécurité juridique et matérielle des ventes.

Par ailleurs, la proposition de loi vise à consolider le rôle de régulation du Conseil des ventes volontaires, qui reste par ailleurs doté d’un pouvoir disciplinaire sur les opérateurs de ventes volontaires.

La discussion parlementaire a permis d’apporter des précisions utiles sur le rôle du Conseil des ventes volontaires : s’il perd son rôle d’agrément préalable des opérateurs, de nouvelles missions lui sont confiées. Il se voit doté d’une mission d’observation de l’économie des enchères et d’un rôle d’identification des bonnes pratiques ; il devient force de proposition pour des évolutions législatives ou réglementaires. Je crois que c’est une très bonne chose, car ces évolutions participent à un meilleur encadrement des pratiques du marché.

La commission a par ailleurs souhaité apporter une précision, en confiant au Conseil l’élaboration d’un recueil des obligations déontologiques, en lieu et place du code de déontologie retenu par l’Assemblée nationale. Je partage complètement cette position, qui s’accorde d’ailleurs mieux avec le statut du Conseil.

En revanche, la commission a choisi de réintroduire la disposition relative à la présence de professionnels en exercice au sein du Conseil des ventes volontaires. J’ai bien noté les précautions apportées par M. le rapporteur pour parvenir à un dispositif conforme à la directive Services. Toutefois, c’est le principe lui-même qui me semble incompatible avec la directive. Je vous proposerai donc, mesdames, messieurs les sénateurs, de revenir au texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, par le biais d’un amendement qui, je l’espère, recevra le soutien de la commission.

Enfin, dans son effort de modernisation du régime des ventes volontaires, la proposition de loi veille aussi au maintien des équilibres entre les différents professionnels du secteur des ventes volontaires.

Aux côtés des opérateurs de ventes volontaires, d’autres professionnels soumis à des statuts spécifiques interviennent. Il s’agit des opérateurs « historiques » des ventes de meubles et de marchandises aux enchères publiques, commissaires-priseurs judiciaires, huissiers de justice, notaires et courtiers de marchandises assermentés.

Concernant les commissaires-priseurs, l’Assemblée nationale leur a ouvert de nouvelles possibilités, leur permettant d’exercer leur profession en qualité de salarié. Cet effort de modernisation, auquel je souscris, a été approuvé par la commission des lois du Sénat.

En revanche, vous avez souhaité, monsieur le rapporteur, élargir la liste des activités complémentaires auxquelles les commissaires-priseurs judiciaires sont autorisés à se livrer au sein de leurs sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques. Une telle ouverture me semble incompatible avec leur statut d’officier public ministériel. Elle pourrait même conduire la Commission européenne à remettre en cause ce statut.

Contrairement à ce que prévoyait la version initiale de la proposition de loi, les commissaires-priseurs judiciaires conservent leur statut d’officiers publics et ministériels, avec, pour corollaire, l’interdiction de se livrer à des activités commerciales qui ne seraient pas limitativement énumérées. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce point au cours des débats.

Concernant les huissiers de justice et les notaires, la commission a souhaité modifier la formulation du texte, tel qu’il résultait des travaux de l’Assemblée nationale, en indiquant que ces professionnels pouvaient réaliser des ventes volontaires à titre accessoire et occasionnel dans le cadre de leur office.

L’adjonction de la notion « à titre occasionnel » restreint considérablement le champ de la disposition, et sera source de difficultés d’appréciation, alors que la notion « à titre accessoire » est parfaitement comprise des juristes et des opérateurs. Nous aurons également l’occasion, au cours de la discussion des articles, d’évoquer cette question.

Le statut des courtiers de marchandises assermentés a été profondément rénové.

S’ils ne disposent plus d’un monopole d’activité sur les ventes volontaires de marchandises en gros, les courtiers assermentés pourront poursuivre leur activité traditionnelle dans le cadre tant judiciaire que des ventes volontaires.

Néanmoins, la commission a souhaité revenir sur les règles présidant habituellement à la répartition des compétences entre commissaires-priseurs judiciaires, huissiers de justice, notaires et courtiers de marchandises assermentés en matière de ventes judiciaires ordonnées dans le cadre d’une liquidation judiciaire.

L’objet de la dernière modification que je souhaite vous proposer, mesdames, messieurs les sénateurs, est de revenir au droit actuel, tel qu’il découle du statut de ces professionnels et du libre choix du juge.

À l’heure de sa seconde lecture, cette proposition de loi a connu d’incontestables évolutions, qui permettent d’aller plus loin dans la rénovation du régime des ventes volontaires. Alors que la Commission européenne se montre très attentive au calendrier législatif de ce texte et à son contenu, je suis persuadé que nous sommes désormais en mesure de progresser rapidement dans la voie de la réforme.

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