Intervention de Jean-Claude Peyronnet

Réunion du 26 avril 2011 à 22h45
Ventes volontaires de meubles aux enchères publiques — Adoption d'une proposition de loi en deuxième lecture

Photo de Jean-Claude PeyronnetJean-Claude Peyronnet :

Il est vrai, en effet, que celui-ci est passablement aride et technique et que, si l’on en reste aux opérateurs, il ne concerne qu’un nombre limité de personnes.

Le voter est néanmoins une nécessité afin d’assurer, comme cela a été dit, la transcription dans le droit français de la directive Services.

Au passage, je rappellerai, comme cela a déjà été fait, qu’il est peu convenable que le support de cette transcription soit une proposition de loi. Il eût été plus convenable que ce fût un projet de loi. On peut se demander quand la directive aurait été transcrite si le Sénat ne s’était pas saisi de ce dossier !

L’autre ambition de ce texte est de redresser la situation inquiétante du marché de l’art français. Je ne reviens pas sur les chiffres que vous avez cités, monsieur le ministre. Il est vrai que nous avons observé un sursaut en 2009, mais il était largement dû à la vente de la collection de MM. Bergé et Saint-Laurent, qui a représenté quelque 300 millions d’euros. Des opérations de cette ampleur sont rares ! Si cette vente n’avait pas eu lieu, on aurait constaté une baisse du volume global des ventes de biens.

Ce déclin fait suite à une situation qui plaçait la France, il y a quelques décennies, au tout premier rang mondial des activités dans ce secteur. On en est loin ! La France n’est désormais plus que quatrième et loin derrière les premiers.

La situation était déjà difficile, mais elle s’est encore aggravée et le climat s’est alourdi par l’affaire touchant l’Hôtel des ventes de Drouot, qui est survenue au moment de la discussion du texte au Parlement. Je l’évoque brièvement sans entrer dans les détails.

Votre prédécesseur, monsieur le garde des sceaux, Mme Alliot-Marie, avait commandé à l’administration un rapport sur cette question. Certaines propositions de ce rapport ont été intégrées par l’Assemblée nationale et nous ne les avons pas rejetées, bien au contraire ! Cela était légitime et souhaitable.

C’est dans ce contexte que l’Assemblée nationale a travaillé. Les orientations qu’elle a retenues sont largement celles du Sénat, qui avait lui-même fortement amendé la proposition de loi initiale grâce à l’excellent travail de Mme Des Esgaulx. Vous avez d’ailleurs continué dans cette voie, monsieur le rapporteur, en deuxième lecture.

Il existe une exception française qui tient à la diversité des opérateurs. Nous la conservons. Faut-il absolument la conserver ? Si nous souhaitions la supprimer, nous aurions beaucoup de difficultés, monsieur le ministre ! Cette exception vient de l’histoire, il est sage de la conserver en essayant de la normaliser, d’une certaine façon, et de la libéraliser sans ouvrir les vannes de façon excessive.

Pour notre part, nous avons cherché à clarifier l’implication des acteurs concernés. Afin d’assurer une égalité de traitement entre les différentes professions réglementées intervenant dans le secteur des ventes aux enchères, vous avez souhaité, monsieur le rapporteur, adjoindre au caractère « accessoire » de l’activité des ventes volontaires des huissiers et des notaires le critère « occasionnel ».

Les notaires et les huissiers pourraient ainsi exercer l’activité de ventes volontaires « à titre accessoire et occasionnel ». Il nous semble que ces termes sont relativement flous et nous vous proposerons un amendement visant à fixer des critères suffisamment précis pour permettre aux parquets généraux des cours d’appel de réaliser un contrôle adapté et efficace.

Mme Des Esgaulx a déposé un amendement plus précis encore, auquel nous pourrions nous rallier.

Nous avons également souhaité revenir sur certains assouplissements introduits par les députés. Je pense notamment aux conditions de vente de gré à gré d’un bien non adjugé après la vente aux enchères.

L’Assemblée nationale a prévu que, par simple avenant au mandat, le vendeur puisse inscrire, après la vente aux enchères, une stipulation permettant de procéder à la vente de gré à gré du bien non adjugé à un prix inférieur à la dernière enchère portée ou, en l’absence d’enchères, au montant de la mise à prix.

Nous préférons, pour plus de sécurité, que les principales conditions de l’opération soient encadrées par la loi et non par le simple contrat liant l’opérateur et le vendeur.

Permettez-moi de vous faire part de mes regrets concernant ce texte. J’ai le sentiment qu’il aurait pu aller plus loin dans la protection des intérêts des consommateurs.

Certes, des améliorations importantes ont été apportées. J’en citerai trois.

Premièrement, le prestataire de services qui se limite à offrir au vendeur une infrastructure électronique lui permettant de réaliser des opérations de courtage doit clairement informer le public sur la nature du service proposé et prévenir qu’il ne s’agit pas d’une véritable enchère.

Deuxièmement, les opérateurs de ventes volontaires doivent présenter des garanties financières aux propriétaires des biens mis en vente et aux acquéreurs.

Troisièmement, tirant les enseignements des dysfonctionnements survenus à Drouot, les députés ont également imposé aux opérateurs de ventes volontaires une obligation de moyens aux termes de laquelle ils doivent s’assurer de la sécurité des transactions dans lesquelles ils font appel à des prestataires extérieurs tels que les transporteurs. Il s’agit là d’une heureuse initiative.

En revanche, monsieur le rapporteur, je suis un peu dubitatif sur la protection qu’offre aux consommateurs la mise en place d’un code de déontologie ou « recueil des obligations déontologiques des opérateurs de ventes volontaires », si vous préférez. Les manquements à ces obligations par les opérateurs pourront être sanctionnés par le Conseil des ventes, mais qu’est-ce que cela changera concrètement pour les propriétaires des biens mis en vente ou les acquéreurs floués ? Je ne suis pas certain qu’il en résulte une réelle amélioration pour le consommateur.

Par ailleurs, je regrette, peut-être un peu naïvement, que le législateur n’ait pas saisi cette occasion pour engager un débat sur la fuite de notre patrimoine historique à l’étranger, sans réel bénéfice pour notre pays. Un tiers des objets mis en vente à Londres ou à New York proviennent de France !

Je n’ai pas de solution à proposer, mais une discussion très approfondie sur ce problème aurait peut-être permis d’ouvrir ultérieurement la voie à des mesures tendant à assurer la protection de notre patrimoine.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, ce texte ne nous satisfait pas complètement. Nous apprécions les améliorations qui y ont été apportées, mais nous émettons quelques réserves qui justifieront notre probable abstention.

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