Intervention de Gisèle Printz

Réunion du 11 juillet 2012 à 21h45
Harcèlement sexuel — Article 1er

Photo de Gisèle PrintzGisèle Printz :

Madame la présidente, mesdames les ministres, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, ce projet de loi particulièrement bienvenu permettra de combler un vide juridique découlant de la décision du Conseil constitutionnel du 4 mai dernier.

Comme mes collègues, je me félicite à la fois de la célérité du travail du Gouvernement et du contenu du présent texte, qui vise à instaurer une définition de l’incrimination de harcèlement sexuel et une échelle des sanctions clarifiée et opérationnelle.

Pour autant, le vote, absolument indispensable, de ce texte n’épuisera pas le sujet. Je souhaite, mesdames les ministres, attirer votre attention sur trois points qui, à mon sens, devront faire l’objet du travail de fond à mener en vue d’éradiquer le harcèlement sexuel : l’information et la prévention, le suivi des victimes, celui des personnes condamnées.

Au préalable, je voudrais saluer le travail de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Dans son rapport, elle rappelle en particulier que l’employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des travailleurs et protéger leur santé physique et mentale.

À côté de la nécessaire sanction, la prévention et l’information ont un rôle primordial à jouer.

Conformément à la loi du 2 novembre 1992, le code du travail contient des dispositions applicables en la matière aux entreprises et aux établissements comptant au moins vingt salariés. Ces mesures portent sur les actions d’information et de sensibilisation, sur les procédures internes et sur le rôle du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Je préconise que le point soit fait avec les partenaires sociaux sur leur application.

Des dispositifs équivalents doivent également être développés dans l’ensemble du monde professionnel, en particulier dans les différentes fonctions publiques. Il conviendrait donc qu’une disposition législative prévoie expressément l’obligation, pour l’État et les collectivités, de prendre les mesures nécessaires à la prévention du harcèlement sexuel dans le secteur public. De même, la formation initiale et continue dans les différentes fonctions publiques devrait davantage prendre en compte ces questions, de façon que le personnel d’encadrement soit mieux à même de prévenir et de détecter les situations de harcèlement sexuel.

Les actions de prévention doivent être renforcées par le biais de campagnes d’information dans les médias. Une attention toute particulière devrait être portée au milieu scolaire et universitaire. Ce sont les mentalités qu’il faut faire évoluer, ce qui passe par une action éducative dès le plus jeune âge, le discours devant naturellement être adapté aux publics visés. Cette dimension de l’apprentissage du respect de l’autre, des notions clés du vivre-ensemble dans la cité et dans la vie professionnelle devrait être prise en considération dans les programmes d’éducation civique, qui relèvent de la compétence de l’éducation nationale. L’université jouant un rôle tout particulier dans la formation des cadres du pays, plus particulièrement dans celle de nos enseignants, la prévention du harcèlement sexuel doit y avoir toute sa place.

À mes yeux, le soutien aux victimes doit être une priorité absolue. Ces dernières ont eu le courage non seulement de dire « non », mais aussi de faire respecter leurs droits et de refuser la loi du silence.

Des dispositifs de soutien aux victimes existent déjà, à l’instar de celui que les hôpitaux de Paris viennent de mettre en place, avec un numéro vert et une cellule de prise en charge psychologique. La généralisation progressive de tels dispositifs, sur l’ensemble du territoire, constituerait un message fort adressé aux victimes, qui n’auraient plus le sentiment de se trouver isolées et de subir, en quelque sorte, une double peine.

Enfin, il faut poser la question du suivi des harceleurs.

Le harcèlement sexuel est aujourd'hui hors du champ du suivi socio-judiciaire. Le suivi de l’auteur de tels faits ne peut donc être décidé par une juridiction.

Il ne s’agit ni de stigmatiser, ni de nier la valeur d’exemplarité des peines et sanctions prévues à l’article 1er du présent projet de loi. Je souligne seulement que la grande majorité des peines d’emprisonnement prononcées sous le régime des précédents textes étaient assorties d’un sursis, souvent total. Je n’entends pas présager que les tribunaux adopteront une approche identique pour l’application du texte que nous allons adopter, mais faut-il pour autant exclure la possibilité, pour les juridictions, de mettre en œuvre un suivi socio-judiciaire en cas de récidive ?

Mesdames les ministres, tout en apportant un soutien enthousiaste à ce projet de loi, j’ai souhaité vous soumettre ces quelques réflexions sur les moyens de mieux prévenir et combattre le harcèlement sexuel, qui constitue aujourd'hui un fléau, une discrimination inadmissible à l’encontre des femmes.

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