Séance en hémicycle du 11 juillet 2012 à 21h45

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • chantage
  • circonstance
  • circonstance aggravante
  • harcèlement
  • harcèlement sexuel
  • pénal
  • sexuel
  • sexuelle
  • viol

La séance

Source

La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures cinquante.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010, relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, et conformément aux termes de l’article L. 621-2 du code monétaire et financier, M. le Premier ministre, par lettre en date du 11 juillet 2012, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l’avis de la commission de la Haute Assemblée compétente en matière d’activités financières sur le projet de nomination de M. Gérard Rameix en tant que président de l’Autorité des marchés financiers.

Cette demande d’avis a été transmise à la commission des finances.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi autorisant la ratification du traité d’amitié et de coopération entre la République française et la République islamique d’Afghanistan, déposé sur le bureau de notre assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Nous reprenons la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif au harcèlement sexuel.

Nous en sommes parvenus à la discussion des articles.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 11, présenté par Mmes Gonthier-Maurin, Cohen, Assassi, Borvo Cohen-Seat et David, M. Favier, Mme Beaufils, MM. Bocquet et Billout, Mmes Cukierman, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Hue, Le Cam et Le Scouarnec, Mmes Pasquet et Schurch et MM. Vergès et Watrin, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet, avant le 31 décembre 2012, un rapport sur la création d’un Observatoire national des violences envers les femmes ayant pour mission de réaliser les études nécessaires au pilotage et à l’évaluation des politiques publiques, de constituer une plateforme de collaboration entre les différents acteurs engagés dans la lutte contre ces violences et d’être le correspondant naturel des observatoires présents aux différents échelons territoriaux.

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

La deuxième recommandation de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, qui a été adoptée à l’unanimité, vise à demander la création d’un observatoire national des violences envers les femmes.

Cette structure aurait pour mission de réaliser les études nécessaires au pilotage et à l’évaluation des politiques publiques et de constituer une plate-forme de collaboration entre les différents acteurs engagés dans la lutte contre ces violences. Elle pourrait en outre constituer le correspondant naturel d’observatoires locaux, tel l’observatoire des violences envers les femmes de Seine-Saint-Denis, qui effectue un remarquable travail de terrain, dont il faut s’inspirer.

Lors d’un déplacement auquel m’avait convié le président du Sénat, à l’occasion de la journée du 8 mars, j’ai pu assister à la célébration du dixième anniversaire de l’observatoire des violences envers les femmes de Seine-Saint-Denis. Cet établissement pionnier, animé par Ernestine Ronai, a démontré son utilité, au point que d’autres collectivités envisagent de se doter de structures du même type. C’est le cas de la région d’Île-de-France, qui en a voté le principe.

Lors d’une table ronde organisée par la Délégation aux droits des femmes le 11 janvier dernier, les membres de cette dernière avaient été très attentifs à la suggestion, formulée par Mme Ronai, de créer un réseau national d’observatoires travaillant en partenariat avec les délégations régionales aux droits des femmes. L’idée d’une telle mise en synergie, dès l’échelon local, en vue de déployer tout un réseau d’acteurs mobilisés pour faire reculer les violences subies par les femmes, est tout à fait stimulante.

Le principe de la mise en place de cet observatoire avait été évoqué lors de la discussion de la loi de 2010 ; il avait finalement été décidé qu’un rapport sur ce sujet serait remis au Parlement avant le 31 décembre 2010. En définitive, il ne l’a été qu’en février dernier, à la veille de la discussion de la proposition de résolution de notre collègue Roland Courteau relative à l’application de la loi de 2010.

Ce rapport succinct a écarté sans argumenter la création d’un tel observatoire et préconisé de confier le suivi statistique des violences envers les femmes à l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, sans préciser de quels moyens celui-ci serait doté à cette fin.

Au cours de votre audition du 26 juin 2012, vous nous avez indiqué, madame la ministre des droits des femmes, que vous étiez, à titre personnel, favorable à la création d’une telle instance. J’ignore dans quelle mesure il vous sera possible de nous préciser dès maintenant l’état de la réflexion du Gouvernement sur ce que pourraient être sa composition, son organisation et ses missions. Aussi demandons-nous, au travers du présent amendement, que ces éléments fassent l’objet d’un rapport à remettre par le Gouvernement au Parlement avant la fin de l’année 2012.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

La commission a émis ce matin un avis défavorable. Nous ne sommes pas opposés, sur le fond, à la création d’un tel observatoire, mais nous remarquons que celui-ci peut être institué sans recourir à la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Une telle mesure pourra être prise par Mme la ministre si elle le souhaite.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement

Madame Gonthier-Maurin, la création d’un observatoire national des violences envers les femmes me tient à cœur. J’ai eu l’occasion de vous le dire à plusieurs reprises, en particulier lors de mon audition par la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Depuis ma prise de fonctions, j’ai pu prendre conscience du dénuement dans lequel nous nous trouvons en matière de données statistiques et de la nécessité de mieux coordonner nos actions pour répondre aux attentes des victimes.

L’idée de créer une telle instance se trouvait déjà dans le rapport de la mission préalable à l’adoption de la loi du 9 juillet 2010, rédigé par les députés Danielle Bousquet et Guy Geoffroy. Vous l’avez rappelé, l’article 29 de cette loi avait prévu la remise d’un rapport au Parlement à la fin de l’année 2010, mais ce document n’a pas été déposé en temps utile par le précédent gouvernement. En outre, les projets en cours dans les services, tels que je les ai trouvés en prenant mes fonctions, rejetaient la création de cet observatoire. Sachez, madame la sénatrice, que la position du présent gouvernement est différente : mon intention, conformément aux engagements pris par le Président de la République, est de le mettre en place, car cela correspond à un véritable besoin, comme vous le soulignez.

Il s’agit tout d'abord d’un besoin de connaissance des phénomènes de violences faites aux femmes. En effet, il ne faut pas s’y tromper : l’absence de données est coupable, car elle entretient le tabou, en particulier sur les violences conjugales, qui sont inacceptables, et empêche de guider l’action publique utilement. Par conséquent, comme je vous l’ai indiqué, j’avancerai sur cette question des études et des recherches relatives aux violences faites aux femmes.

Il s’agit ensuite d’un besoin de coordination de l’action publique, celle de l’État, bien sûr, mais aussi celle des collectivités territoriales. À cet égard, vous avez évoqué à juste titre l’initiative très riche qui a été prise par la Seine-Saint-Denis. Je partage l’idée que cet observatoire doit faire davantage que simplement collecter des données : il doit être aussi une plate-forme d’action, respectant bien sûr le dynamisme des territoires et s’appuyant parfois même sur eux.

Le Gouvernement, sachez-le, s’engage à mettre en place une telle instance. Il le fera par le biais d’un texte qui abordera de façon plus large l’ensemble des violences faites aux femmes et qui traitera en particulier des améliorations à apporter à la loi du 9 juillet 2010. Je travaille d'ores et déjà au bilan de cette loi et du plan interministériel de lutte contre les violences faites aux femmes, afin d’être prête à l’automne prochain.

Il faut simplifier et revoir ce plan, dont les actions me semblent quelque peu dispersées. Nous prendrons le temps de la concertation avec les collectivités territoriales, pour articuler notre dispositif avec les observatoires locaux. Si vous l’acceptez, j’associerai les membres de la délégation que vous présidez à cette réflexion.

Considérant qu’un texte de loi vaut mieux qu’un rapport, je vous invite, madame Gonthier-Maurin, à retirer cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Madame Gonthier-Maurin, l'amendement n° 11 est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Madame la ministre, je me félicite de votre écoute et de l’attention que vous avez accordée à la recommandation adoptée à l'unanimité par la Délégation aux droits des femmes.

Je constate que nous sommes d'accord sur la nécessité de créer un tel observatoire, afin de pouvoir disposer de données utiles à l’évaluation de l’étendue d’un fléau aujourd’hui largement sous-estimé, parce que méconnu.

Par ailleurs, je note que nous partageons les mêmes conceptions quant aux missions de cette instance : nous entendons qu’elle ne se borne pas à collecter des données, mais qu’elle contribue à la mise en place d’une synergie entre acteurs locaux, départementaux, régionaux et nationaux.

Compte tenu de l’engagement très fort que vous avez pris, j’accepte de retirer cet amendement.

Le paragraphe 4 de la section 3 du chapitre II du titre II du livre II du code pénal est complété par un article 222-33 ainsi rétabli :

« Art. 222-33. – I. – Le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos, comportements ou tous autres actes à connotation sexuelle qui, soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son égard un environnement intimidant, hostile ou offensant.

« II. – Est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d’user d’ordres, de menaces, de contraintes ou de toute autre forme de pression grave, dans le but réel ou apparent d’obtenir une relation de nature sexuelle, que celle-ci soit recherchée au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.

« III. – Les faits visés au I et au II sont punis de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende.

« Ces peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende lorsque les faits sont commis :

« 1° Par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ;

« 2° Sur un mineur de quinze ans ;

« 3° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur ;

« 4° Par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice. »

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, je souhaite, à cet instant, rappeler la définition du harcèlement sexuel que les membres du groupe CRC ont retenue dans la proposition de loi qu’ils ont déposée le 25 mai dernier.

Nous avons tenté d’établir une définition du harcèlement sexuel qui protège le plus possible les victimes, tout en satisfaisant aux exigences constitutionnelles. C’est la recherche de cet équilibre difficile qui a guidé notre réflexion.

Notre préoccupation a donc été, tout d’abord, de ne pas procéder à une énumération des moyens du harcèlement sexuel : Éliane Assassi l’a souligné, une liste limitative serait trop restrictive et conduirait à considérer comme autorisés les actes et comportements n’y figurant pas.

Si la définition du verbe « harceler » est sous-tendue par la notion de répétition, les nombreux échanges que nous avons pu avoir avec différentes associations de défense des droits des femmes, ainsi qu’avec les associations représentant les lesbiennes, les gays, les bisexuels et les transgenres, nous ont convaincus, s’il en était besoin, qu’un seul acte unique grave peut constituer un harcèlement sexuel. Toute la difficulté a été de qualifier ce caractère de gravité tout en respectant les principes constitutionnels de clarté et de précision de la loi.

Je voudrais également revenir sur l’élément moral, intentionnel, de l’infraction.

Il nous est apparu que l’obtention de « faveurs sexuelles », élément intentionnel retenu dans les définitions données en 1992, en 1998 et en 2002, n’était pas une notion satisfaisante. En effet, elle exclut les agissements, pourtant à connotation sexuelle, à seule fin d’humilier, d’exercer une emprise, de porter atteinte à la dignité, qui relèvent du harcèlement sexuel.

De plus, il est difficile, pour les victimes, de prouver l’obtention de « faveurs sexuelles ». De ce fait, l’action qu’elles ont intentée débouche souvent sur la relaxe de la personne incriminée.

Enfin, d’un point de vue sémantique, l’expression « faveurs sexuelles », outre son caractère désuet, peut prêter à confusion, dans la mesure où le terme « faveurs » a une connotation positive et n’implique pas forcément un désaccord : il peut même laisser supposer un consentement.

C’est pourquoi nous proposons, dans notre définition du harcèlement sexuel, de retenir comme élément intentionnel, à la fois pour des actes répétés et pour un acte unique grave, l’atteinte à la dignité ou la création d’un « environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ».

Les amendements de repli que nous avons déposés portent sur l’alinéa 3 de l’article 1er. Nous pensons que la notion de « chantage sexuel » ne recouvre pas l’ensemble des actes uniques graves pouvant constituer un harcèlement sexuel, s’agissant notamment des personnes transgenres, pour lesquelles une humiliation, une atteinte à la dignité relèvent de cette incrimination.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Je voudrais profiter de ce débat pour évoquer la situation des personnes dites « trans », c’est-à-dire transsexuelles ou transgenres.

Il me paraît quelque peu surprenant qu’un projet de loi affichant parmi ses finalités la lutte contre les discriminations se trouve être discriminatoire par omission.

Si la prise en compte de ces personnes dans le texte que nous examinons pouvait apparaître à certains, au premier regard, dépourvue d’intérêt au motif que le harcèlement sexuel s’étend à leurs yeux à toute situation de harcèlement à connotation sexuelle, tant le débat démocratique que les réalités de la vie nous imposent de nous pencher sur leur situation, car elles sont des cibles privilégiées du harcèlement sexuel.

Les transsexuels inspirent à beaucoup des fantasmes, dans le très mauvais sens du terme, ce qui suscite des comportements néfastes, voire prédateurs, liés à une incompréhension ou à une haine de la différence. En effet, quoi de plus différent qu’une personne « trans » ?

La transsexualité existe depuis l’aube des temps, dans toutes les cultures. Nul ne sait aujourd’hui en expliquer l’origine. L’unique nouveauté apportée par la modernité est la possibilité médicale d’opérer une transformation physique, seul choix ouvert aux personnes concernées pour sortir de leur souffrance et pouvoir faire abstraction du genre qui leur a été assigné à la naissance, sur la base de constatations visuelles.

Au-delà de cette particularité et des étiquettes trompeuses, il s’agit avant tout de personnes, de citoyens et de citoyennes à part entière, qui essaient, en dépit de grandes difficultés, de mener une vie normale, de travailler, d’étudier, de rester auprès de leurs enfants. Ils essaient, tant bien que mal, de remplir les mêmes obligations que tous leurs concitoyens et doivent, par conséquent, pouvoir bénéficier de la même protection et des mêmes droits.

Notre rôle de parlementaires est de protéger l’ensemble de nos concitoyens, et surtout les plus vulnérables d’entre eux. Or les transsexuels sont bien des personnes vulnérables, notamment lors de leur transition.

Force est de constater que le taux de harcèlement sexuel au sein de cette population est extrêmement élevé : la moitié des adultes « trans » ont été victimes de harcèlement, y compris sexuel. Chez les jeunes, cette proportion atteint 80 %. De plus, 6 % des adultes et jusqu’à 12 % des mineurs ont subi des agressions sexuelles. Le harcèlement sexuel vise le plus souvent à les humilier.

Cette situation est d’autant plus préoccupante que le harcèlement marque souvent le début d’un engrenage de grande marginalisation et d’exclusion sociale. Les personnes « trans » harcelées au travail perdent trois fois plus souvent leur emploi que les autres, et elles deviennent alors des SDF dans 40 % des cas.

Les mineurs ayant subi des actes de harcèlement sont trop souvent déscolarisés, la moitié d’entre eux se retrouvant à la rue. En effet, l’avenir de ces jeunes, dépourvus de qualification, sans expérience, vulnérables, pour une grande partie d’entre eux rejetés par leur famille, est assez prévisible…

Le harcèlement sexuel met directement en jeu la vie des personnes « trans » : au sein de cette population, le fait d’avoir été harcelé induit une augmentation de 74 % de la probabilité de commettre une tentative de suicide. La perte du travail, la déscolarisation, les agressions sexuelles entraînent également une hausse significative du taux de tentatives de suicide. Ainsi, pour les « trans » ayant été victimes d’une agression sexuelle alors qu’ils étaient mineurs, ce taux est environ deux fois plus élevé que celui que l’on constate parmi les autres transsexuels.

Fermer les yeux sur un tel état de choses n’est plus possible ! Quand ces personnes souffrent, leur entourage souffre aussi, affectivement et financièrement. En France, de 5 000 à 10 000 enfants sont issus de parents « trans », de 3 000 à 5 000 personnes sont conjoints ou ex-conjoints de « trans ». En incluant les parents, les frères et sœurs, les collègues, les amis, c’est tout un tissu social comportant entre 50 000 et 75 000 personnes qui est fragilisé par la vulnérabilité exacerbée des personnes « trans ».

Permettez-moi de citer à mon tour l’article 3 de la directive 2006/54/CE : « La Cour de justice a considéré que le champ d’application du principe d’égalité de traitement entre les hommes et les femmes ne saurait être réduit aux seules discriminations fondées sur l’appartenance à l’un ou l’autre sexe. Eu égard à son objet et à la nature des droits qu’il tend à sauvegarder, ce principe s’applique également aux discriminations qui trouvent leur origine dans le changement de sexe d’une personne. »

Nous avons donc l’obligation, me semble-t-il, par respect pour la dignité et la vie de l’ensemble de nos concitoyens, par respect pour nos valeurs, par respect pour nos obligations internationales, de remédier à la situation présente des personnes « trans ».

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Madame la présidente, mesdames les ministres, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, ce projet de loi particulièrement bienvenu permettra de combler un vide juridique découlant de la décision du Conseil constitutionnel du 4 mai dernier.

Comme mes collègues, je me félicite à la fois de la célérité du travail du Gouvernement et du contenu du présent texte, qui vise à instaurer une définition de l’incrimination de harcèlement sexuel et une échelle des sanctions clarifiée et opérationnelle.

Pour autant, le vote, absolument indispensable, de ce texte n’épuisera pas le sujet. Je souhaite, mesdames les ministres, attirer votre attention sur trois points qui, à mon sens, devront faire l’objet du travail de fond à mener en vue d’éradiquer le harcèlement sexuel : l’information et la prévention, le suivi des victimes, celui des personnes condamnées.

Au préalable, je voudrais saluer le travail de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Dans son rapport, elle rappelle en particulier que l’employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des travailleurs et protéger leur santé physique et mentale.

À côté de la nécessaire sanction, la prévention et l’information ont un rôle primordial à jouer.

Conformément à la loi du 2 novembre 1992, le code du travail contient des dispositions applicables en la matière aux entreprises et aux établissements comptant au moins vingt salariés. Ces mesures portent sur les actions d’information et de sensibilisation, sur les procédures internes et sur le rôle du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Je préconise que le point soit fait avec les partenaires sociaux sur leur application.

Des dispositifs équivalents doivent également être développés dans l’ensemble du monde professionnel, en particulier dans les différentes fonctions publiques. Il conviendrait donc qu’une disposition législative prévoie expressément l’obligation, pour l’État et les collectivités, de prendre les mesures nécessaires à la prévention du harcèlement sexuel dans le secteur public. De même, la formation initiale et continue dans les différentes fonctions publiques devrait davantage prendre en compte ces questions, de façon que le personnel d’encadrement soit mieux à même de prévenir et de détecter les situations de harcèlement sexuel.

Les actions de prévention doivent être renforcées par le biais de campagnes d’information dans les médias. Une attention toute particulière devrait être portée au milieu scolaire et universitaire. Ce sont les mentalités qu’il faut faire évoluer, ce qui passe par une action éducative dès le plus jeune âge, le discours devant naturellement être adapté aux publics visés. Cette dimension de l’apprentissage du respect de l’autre, des notions clés du vivre-ensemble dans la cité et dans la vie professionnelle devrait être prise en considération dans les programmes d’éducation civique, qui relèvent de la compétence de l’éducation nationale. L’université jouant un rôle tout particulier dans la formation des cadres du pays, plus particulièrement dans celle de nos enseignants, la prévention du harcèlement sexuel doit y avoir toute sa place.

À mes yeux, le soutien aux victimes doit être une priorité absolue. Ces dernières ont eu le courage non seulement de dire « non », mais aussi de faire respecter leurs droits et de refuser la loi du silence.

Des dispositifs de soutien aux victimes existent déjà, à l’instar de celui que les hôpitaux de Paris viennent de mettre en place, avec un numéro vert et une cellule de prise en charge psychologique. La généralisation progressive de tels dispositifs, sur l’ensemble du territoire, constituerait un message fort adressé aux victimes, qui n’auraient plus le sentiment de se trouver isolées et de subir, en quelque sorte, une double peine.

Enfin, il faut poser la question du suivi des harceleurs.

Le harcèlement sexuel est aujourd'hui hors du champ du suivi socio-judiciaire. Le suivi de l’auteur de tels faits ne peut donc être décidé par une juridiction.

Il ne s’agit ni de stigmatiser, ni de nier la valeur d’exemplarité des peines et sanctions prévues à l’article 1er du présent projet de loi. Je souligne seulement que la grande majorité des peines d’emprisonnement prononcées sous le régime des précédents textes étaient assorties d’un sursis, souvent total. Je n’entends pas présager que les tribunaux adopteront une approche identique pour l’application du texte que nous allons adopter, mais faut-il pour autant exclure la possibilité, pour les juridictions, de mettre en œuvre un suivi socio-judiciaire en cas de récidive ?

Mesdames les ministres, tout en apportant un soutien enthousiaste à ce projet de loi, j’ai souhaité vous soumettre ces quelques réflexions sur les moyens de mieux prévenir et combattre le harcèlement sexuel, qui constitue aujourd'hui un fléau, une discrimination inadmissible à l’encontre des femmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 44, présenté par Mme Klès, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 1

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

Après la section 3 bis du chapitre II du titre II du livre II du code pénal, il est inséré une section 3 ter A ainsi rédigée :

« Section 3 ter A : Du harcèlement sexuel

II. - En conséquence, au début de l'alinéa 2

Remplacer la référence :

« Art. 222-33

par la référence :

« Art. 222-33-2-2

La parole est à Mme Virginie Klès.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Cet amendement vise simplement à créer dans le code pénal une section relative au harcèlement sexuel et à la placer après la section consacrée au harcèlement moral, le harcèlement sexuel constituant une forme de harcèlement moral. D’ailleurs, à l’heure actuelle, le harcèlement sexuel n’existant plus dans la loi, on requalifie, autant qu’il est possible, les faits qui en relèvent en faits de harcèlement moral.

L’adoption de cet amendement, très simple sur le principe, induira un lourd travail de coordination et de toilettage. Cela étant, je ne doute pas que mes collègues parlementaires sauront le mener à bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

L’avis est défavorable.

Mme Klès propose de créer dans le code pénal une nouvelle section consacrée au harcèlement sexuel et de la placer après celle qui est relative au harcèlement moral. L’idée est intellectuellement séduisante, mais un tel déplacement pourrait entraîner des effets pervers en termes de coordination. Il nous semble donc que procéder à cette modification par voie d’amendement, sans avoir mené d’abord une étude beaucoup plus exhaustive de la question, comporterait plus de dangers que d’avantages.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Il est également défavorable.

Madame Klès, j’entends bien vos observations et, comme l’a dit le rapporteur, il y a une cohérence dans votre proposition, mais, au-delà des dangers que celle-ci présente en termes de coordination, sa mise en œuvre conduirait à un classement différent : en traitant dans des sections de même niveau du harcèlement sexuel et du harcèlement moral, vous extrayez le harcèlement sexuel de l’ensemble des infractions sexuelles.

Le harcèlement moral fait l’objet d’une section qui suit, dans le code pénal, la section consacrée aux agressions sexuelles, au sein de laquelle le paragraphe relatif au harcèlement sexuel vient après les paragraphes consacrés au viol et aux autres agressions sexuelles. Si nous suivions votre proposition, nous éloignerions plus encore les dispositions relatives au harcèlement sexuel des dispositions relatives au viol.

Le Gouvernement vous invite donc à retirer votre amendement.

Je répète cependant que je comprends parfaitement votre vœu d’un affichage plus clair, d’une singularisation d’un délit qui, tous les orateurs l’ont souligné cet après-midi, est cause de souffrances et de graves conséquences sur le plan professionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

J’accepte de le retirer, madame la présidente. Néanmoins, je persisterai à travailler sur le sujet et ferai d’autres propositions.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 44 est retiré.

L'amendement n° 36 rectifié ter, présenté par Mmes Jouanno et Duchêne, MM. Milon et Cardoux, Mmes Deroche et Farreyrol, M. Bourdin, Mmes Lamure et Bruguière, MM. Doligé, Duvernois et B. Fournier, Mmes Troendle et Kammermann, M. Fleming, Mme Sittler, MM. Bécot, Gilles et Grosdidier et Mmes Mélot et Keller, et MM. Savary, Portelli et P. André, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer les mots :

, de façon répétée,

La parole est à Mme Chantal Jouanno.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Il convient de supprimer la répétition des agissements visés à l’alinéa 2 comme critère de harcèlement sexuel. Cela serait conforme à l’esprit de la définition retenue dans la directive européenne, qui a été reprise dans le code pénal espagnol.

Cette position a été recommandée par des associations et par certains magistrats, qui estiment indispensable de prévoir qu’un acte unique puisse constituer un harcèlement sexuel.

En outre, suivre notre proposition permettrait d’éviter que ne figurent dans le texte deux définitions du harcèlement sexuel, situation dont j’ai souligné les dangers lors de la discussion générale.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Le groupe de travail, après de longues heures de concertation, a considéré qu’il fallait retenir une architecture à deux niveaux : celui du harcèlement par répétition et celui du harcèlement par acte unique. Afin de respecter la logique de cette démarche, que je ne vais pas retracer ici, la commission a émis ce matin un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Le Gouvernement est lui aussi défavorable à cet amendement.

La réitération, madame la sénatrice, est le propre du harcèlement. La particularité du présent texte tient précisément à ce qu’il prévoit qu’un acte unique puisse, sous certaines conditions, suffire à constituer le délit de harcèlement sexuel. Vous avez d’ailleurs contesté ce point, en arguant du risque que des agressions sexuelles soient requalifiées en simples faits de harcèlement sexuel.

Je rappelle que la jurisprudence concernant le délit de menace indique très clairement que la répétition peut se produire dans un laps de temps très court, bien inférieur à une journée.

Si nous éliminons complètement le critère de la répétition, un seul propos pourra constituer un harcèlement sexuel. Ainsi que je l’ai expliqué cet après-midi, nous avons tenu à définir deux critères d’objectivation du caractère de gravité justifiant qu’un acte unique soit qualifié de harcèlement sexuel : la pression grave et l’intention d’établir une relation de nature sexuelle.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 10 rectifié, présenté par M. Hyest, Mme Jouanno et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

, comportements ou tous autres actes

par les mots :

ou agissements

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Le groupe UMP en tant que tel n’a déposé que deux amendements, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

… car, je tiens à le répéter, nous sommes tout à fait d’accord avec les conclusions de la commission des lois.

Voici le premier d’entre eux : outre qu’il répond à un souci de simplification, il nous est apparu que le terme « agissements » recouvrait beaucoup mieux les faits visés.

D’ailleurs, on voit bien qu’il y a eu hésitation sur ce point de rédaction, puisque, tandis que le texte du Gouvernement visait des « gestes, propos ou tous autres actes », la commission a choisi de faire référence à des « propos, comportements ou tous autres actes à connotation sexuelle ».

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

La commission est favorable à cet amendement, considérant qu’il apporte de la précision à la définition du délit de harcèlement. La rédaction proposée satisfait davantage aux exigences constitutionnelles sans compromettre la possibilité, pour la victime, d’apporter une preuve.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Nous entendons bien les arguments présentés par M. Hyest et l’avis favorable de la commission. Le Gouvernement est disposé à donner lui aussi un avis favorable.

J’attire cependant l’attention de la Haute Assemblée sur le fait que remplacer les mots « comportements ou tous autres actes » par le mot « agissements » me semble restrictif.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

En effet, le terme « agissements » ne recouvre pas nécessairement les comportements. Cet amendement tend donc à réduire le champ d’application de l’incrimination.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 9 rectifié, présenté par M. Hyest, Mme Jouanno et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

un environnement intimidant, hostile ou offensant

par les mots :

une situation intimidante, hostile ou offensante

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

De mon point de vue, conforté par une de ces recherches linguistiques chères au président Sueur, le mot « environnement » ne convient absolument pas dans le cas précis. S’il figure dans la directive, c’est par influence de son acception anglo-saxonne, mais on ne le trouve nulle part dans notre droit pénal. En revanche, le mot « situation » me paraît tout à fait adéquat.

Tel est l’objet du second amendement déposé par le groupe UMP ; pour le reste, nous suivrons la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

En tant que rapporteur, j’ai l’obligation de préciser que la commission, ce matin, a émis un avis favorable sur cet amendement et se prononce donc pour la substitution du terme « situation » au terme « environnement ».

On me permettra cependant de considérer, à titre personnel, que la notion d’« environnement » a du sens dans un tel contexte. Elle est d’ailleurs déjà employée en droit français et figure dans cinq des sept propositions de loi.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Vaut-il mieux parler d’« environnement » ou de « situation » ? Au cours des nombreuses discussions que nous avons eues sur ce sujet, d’autres termes encore ont été proposés : « contexte », « climat », …

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Mme Christiane Demontès, rapporteur pour avis. « Atmosphère » !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

… et j’en passe.

Il faut le reconnaître, il n’existe pas d’arguments purement juridiques justifiant que l’on privilégie un terme plutôt qu’un autre. Je sais les réserves qu’inspire à certains d’entre vous le mot « environnement », considéré en effet comme anglo-saxon ou étranger au droit français, ce qui n’est d’ailleurs pas tout à fait vrai.

Les échanges qui ont eu lieu au sein du groupe de travail du Sénat et les auditions complémentaires qui ont été réalisées par le rapporteur ont toutefois mis en évidence l’intérêt que pouvait offrir cette notion d’« environnement » pour l’appréhension des phénomènes de harcèlement.

Il nous avait donc semblé que ce terme pouvait être adéquat. Je tiens d’ailleurs à souligner que le Conseil d’État lui-même l’avait accepté dans son avis sur le projet de loi. J’ajoute que le terme « environnement » figure dans les directives européennes définissant la notion de harcèlement sexuel, et qu’il y a un intérêt symbolique à s’y rattacher puisque – Alain Anziani l’a rappelé à l’instant – cinq des sept propositions de loi déposées sur le sujet l’avaient employé.

En réalité, que l’on parle d’« environnement » ou de « situation », ce qui importe, c’est de savoir si les conditions de travail et de vie, voire d’hébergement – répétons-le, le harcèlement sexuel n’est pas limité au monde professionnel –, sont devenues intimidantes, hostiles ou offensantes à l’égard de la victime ; ces notions figurent déjà dans le code pénal, et c’est à leur aune que le juge examinera la situation.

Toutefois, si le mot « situation » vous semble plus précis, je n’ai pas de raison particulière de m’opposer à ce changement de terme ; je m’en remets donc à la sagesse du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Je souhaite apporter mon soutien à l’argumentation de M. Hyest et nuancer les observations personnelles formulées par notre rapporteur.

Le terme « environnement » figure naturellement dans de nombreux textes juridiques français, mais on ne le rencontre dans aucun texte de droit pénal. Or, ne l’oublions pas, nous sommes là aujourd’hui parce que le Conseil constitutionnel a estimé que, au regard des impératifs posés par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le texte caractérisant le harcèlement sexuel était dépourvu du minimum de précision nécessaire à une véritable définition par la loi de cette infraction. Dès lors qu’il s’agit de faire un erratum, ce qui n’est pas fréquent en matière de droit pénal, il vaut mieux être précautionneux.

Je comprends parfaitement, madame la ministre – vous vous êtes exprimée avec beaucoup de clarté –, la place du terme « environnement » dans une espèce de constellation sémantique visant à caractériser un état de fait entourant une personne. Cependant, il me semble que, en droit français, le terme « situation » répond parfaitement à cet objectif. Qui plus est, la notion de « création d’une situation » est une notion juridique que les juges identifient très aisément.

Je remercie le Gouvernement de s’en être remis à la sagesse du Sénat, et, dans la mesure où notre but est que la définition de l’infraction et de l’ensemble de ses données contextuelles soit la plus précise possible, je crois que notre assemblée doit choisir la formule la plus rigoureuse, c’est-à-dire celle que prévoit l’amendement de M. Hyest.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. François Pillet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Je ne veux pas ajouter aux explications très convaincantes de nos collègues Hyest et Richard sur ce point de vocabulaire. Cependant, il est certain que le mot « situation » permet de décrire des faits de manière plus objective que le mot « environnement », qui se rapproche de notions subjectives comme l’« atmosphère » ou le « climat ».

S’agissant de la directive européenne qui a été évoquée plusieurs fois, je souhaite répondre à des propos quelque peu audacieux prononcés lors de la discussion générale au sujet de la responsabilité du Sénat dans la situation actuelle.

Lorsque j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur de l’excellente proposition de loi relative aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, déposée par Roland Courteau, nous avons étudié la possibilité d’intégrer dans notre droit pénal la disposition figurant dans ladite directive. Or celle-ci n’a pas de caractère pénal, elle ne s’impose pas au gouvernement français en matière pénale et, qui pis est, elle est rédigée dans un français approximativement traduit de l’anglais, comme le soulignera excellemment Esther Benbassa tout à l’heure. Par conséquent, cette directive ne pouvait pas être intégrée en l’état dans le droit pénal français.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

J’ajoute, cher collègue qui avez tenu ces propos sur la responsabilité du Sénat dans la situation actuelle, que, lors de ce débat, aucun sénateur – ni aucun député, je suppose – n’a soutenu que cette proposition de loi visait à nous prémunir contre l’inconstitutionnalité d’une disposition au sujet de laquelle nous n’avions alors aucun soupçon.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Si, à l’époque, nous avions rejeté ce texte, c’est précisément parce que nous avions la conviction que son adoption aurait introduit en droit français une définition inconstitutionnelle, car subjective.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Je tenais donc, cher collègue, à rectifier votre affirmation, qui était – pour employer un terme délicat – particulièrement audacieuse.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

J’apprécie la position exprimée par Mme la ministre dans le cadre de ce débat qui n’est pas évident. Nous avons eu beaucoup d’échanges sur la manière de comprendre le terme « environnement ». À l’instar de M. le rapporteur, je suis favorable au maintien de ce terme : il me semble qu’il décrit mieux ce qui se passe sur le lieu de travail, dans la mesure où il englobe les collègues, la hiérarchie et plus généralement l’atmosphère. On peut certes se gausser de l’emploi de ce terme, mais, lorsqu’il y a harcèlement sexuel, cela a certaines conséquences sur le lieu de travail. En outre, le mot « environnement » me paraît moins statique que le mot « situation ».

Par ailleurs, je me souviens très bien que le procureur de la République que nous avons auditionné trouvait ce terme tout à fait adéquat ; je n’ai pas eu l’impression qu’il y avait la moindre ambiguïté. Dès lors que des magistrats déclarent que le terme « environnement » est clair, et dans la mesure où il me semble mieux représenter la réalité à laquelle sont confrontées les victimes de harcèlement sexuel, je suis plutôt favorable à son maintien.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Je tiens à apporter une précision.

Je me souviens très bien que, en plus des juristes, un certain nombre de magistrats ont déclaré lors des auditions que l’emploi du mot « environnement » et plus encore des termes subjectifs qui le suivent pouvait rendre le texte inconstitutionnel ; c’était même la position de l’Union syndicale des magistrats.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Je tiens à rappeler que, lorsque le groupe de travail a auditionné le procureur de Paris, François Molins, celui-ci a déclaré que le terme « environnement » lui convenait tout à fait et que les magistrats étaient parfaitement capables de déterminer à quoi il correspondait.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Les avis des magistrats sur ce sujet sont donc partagés.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M’étant abondamment prononcé lors des réunions du groupe de travail contre l’emploi du terme « environnement » et ayant également entendu un certain nombre d’arguments, je n’ai pas pris part au vote sur cet amendement ce matin en commission.

Je tiens cependant à rappeler que, si nous avons effectivement entendu les avis de personnes éminentes, c’est notre avis, à nous sénateurs chargés de faire la loi, qui importe désormais. Or il me semble que la décision du Conseil constitutionnel nous invite à être le plus précis possible. C’est pourquoi, même si j’entends vraiment les arguments de notre rapporteur – nous en avons suffisamment parlé, chers collègues –, j’estime que le terme « environnement » présente l’inconvénient suivant : en dépit des considérations qui le précèdent dans le projet de loi, il sera tout de même difficile pour un magistrat de pénaliser quelqu’un au motif qu’il a créé un environnement. Cette notion a quelque chose d’évanescent.

À l’inverse, le terme « situation » renvoie à une réalité objective. Il est difficile pour les magistrats de prendre des décisions quand ils doivent s’appuyer sur des éléments qui ne peuvent être ni vérifiés ni démontrés. C’est la raison pour laquelle, même si je respecte tous les arguments qui ont été avancés, je pense que la position de la commission des lois consistant à soutenir l’amendement de M. Hyest présente de réels avantages.

L’amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Je suis saisie de neuf amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 62 rectifié, présenté par MM. C. Bourquin, Mézard, Bertrand, Plancade, Requier et Vall, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

Supprimer cet alinéa

II. – Alinéa 4

Supprimer les mots :

et au II

Cet amendement n’est pas soutenu.

L’amendement n° 63 rectifié bis, présenté par Mmes Jouanno et Duchêne, MM. Milon, Cardoux et Bourdin, Mmes Lamure et Bruguière, MM. Doligé, Duvernois et B. Fournier, Mmes Troendle, Deroche, Farreyrol et Kammermann, M. Fleming, Mme Sittler, MM. Bécot et Gilles, Mme Mélot, M. Grosdidier, Mme Keller et MM. Savary, P. André et Portelli, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Chantal Jouanno.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Dans la mesure où cet amendement était un amendement de coordination avec l’amendement n° 36 rectifié ter, je le retire. Je tiens toutefois à réaffirmer mon souhait que nous revenions à une définition plus cohérente.

Madame la garde des sceaux, la définition que vous proposez me semble en retrait par rapport à la directive européenne. En effet, celle-ci n’indique pas que la répétition est inhérente au harcèlement, et ce pour une raison simple : si une personne se trouve dans un contexte dégradant, marqué par une répétition d‘actes n’ayant pas de connotation sexuelle mais ne l’en humiliant pas moins, et qu’elle est victime d’un seul acte supplémentaire, à connotation sexuelle celui-là, il s’agit bien de harcèlement sexuel. Or la définition que vous proposez ne permet pas de couvrir ce genre de situation.

C’est la raison pour laquelle, même si la directive n’est pas directement applicable en droit pénal français car il faut intégrer l’intention de l’auteur, je continue à souhaiter – je sais que je suis un peu entêtée, mais mes collègues s’y sont habitués – que nous parvenions à modifier le II de l’article 1er ; j’y reviendrai.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L’amendement n° 63 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° 25, présenté par Mmes Assassi et Borvo Cohen-Seat, M. Favier, Mmes Cohen, David, Gonthier-Maurin et Beaufils, MM. Bocquet et Billout, Mmes Cukierman, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Hue, Le Cam et Le Scouarnec, Mmes Pasquet et Schurch et MM. Vergès et Watrin, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

« II. — Est assimilé à un harcèlement sexuel tout propos, comportement ou tout autre acte à connotation sexuelle qui, même non répété, est d’une gravité telle qu’il porte atteinte à la dignité d’une personne en raison de son caractère dégradant ou humiliant, ou crée à son égard un environnement intimidant, hostile ou offensant. »

La parole est à Mme Annie David.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Cet amendement a pour objet de faire de l’élément matériel et moral de l’infraction retenue à l’alinéa 2 un élément commun à tous les types de harcèlement sexuel, qu’il s’agisse d’actes répétés ou d’un seul acte grave. Il reprend l’idée, formulée dans la proposition de loi que notre groupe a déposée, de réprimer les actes uniques dès lors que leur gravité est suffisamment caractérisée, mais sur la base d’un alinéa distinct de celui qui prévoit la répression des actes répétés.

Si, sur la forme, le texte actuel nous convient, puisqu’il comporte un alinéa pour chacun de ces deux types de harcèlement sexuel, en revanche, sur le fond, l’approche retenue ne nous satisfait pas du tout. En effet, la notion de chantage sexuel est comprise comme l’exercice de menaces ou de pressions graves dans le but d’obtenir des relations sexuelles, sans que soient pris en compte les actes graves qui ont un autre but que l’obtention de relations sexuelles. S’il peut conduire à nuancer notre réflexion, l’emploi du terme « apparent » ne change rien au fond du problème : c’est bien « le but réel ou apparent d’obtenir une relation de nature sexuelle » qui est visé, à l’exclusion des autres atteintes à la dignité de la victime.

Madame la garde des sceaux, vous avez expliqué que l’approche restrictive que vous avez retenue avait pour objectif de caractériser la gravité de l’acte unique. Si l’on suit ce raisonnement, l’acte unique ne serait donc grave que s’il a pour but la recherche de relations sexuelles. Or telle n’est pas notre position. En effet, peu importe si l’auteur a recherché des relations sexuelles ou voulu porter atteinte à la dignité de la victime. Pour mon groupe, ces éléments sont aussi graves l’un que l’autre.

Tel est l’objet de cet amendement que je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir adopter.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L’amendement n° 26, présenté par Mmes Assassi et Borvo Cohen-Seat, M. Favier, Mmes Cohen, David, Gonthier-Maurin et Beaufils, MM. Bocquet et Billout, Mmes Cukierman, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Hue, Le Cam et Le Scouarnec, Mmes Pasquet et Schurch et MM. Vergès et Watrin, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

« II.- Est assimilé à un harcèlement sexuel, le fait d’user d’ordre, de menace, de contrainte ou de tout autre forme de pression à connotation sexuelle qui, même non répété, est d’une gravité telle qu’il porte atteinte à la dignité d’une personne en raison de son caractère dégradant ou humiliant, ou crée à son égard un environnement intimidant, hostile ou offensant. »

La parole est à Mme Annie David.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Cet amendement peut s’apparenter à un amendement de repli. Si le précédent était adopté, il pourrait donc être retiré. Je souhaite néanmoins le défendre.

Il a pour objet de faire de l’élément moral de l’infraction retenue à l’alinéa 2 un élément commun au harcèlement, que celui-ci soit constitué par des actes répétés ou par un seul acte grave, le plus important étant de supprimer toute référence à la recherche de relations sexuelles, pour ne pas retomber dans les anciens travers de la jurisprudence aboutissant à de nombreuses relaxes, en raison de la difficulté, voire de l’impossibilité de fournir la preuve exigée que l’auteur était guidé par cette volonté et uniquement par cette volonté.

Je le répète, l’objectif poursuivi par l’auteur de l’acte n’est pas toujours l’obtention de relations sexuelles. Il peut aussi être motivé par la volonté d’humilier ou d’intimider la victime.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L’amendement n° 37 rectifié bis, présenté par Mmes Jouanno et Duchêne, MM. Cardoux, Milon et Beaumont, Mmes Bruguière et Lamure, MM. Doligé et Duvernois, Mmes Deroche et Troendle, M. B. Fournier, Mmes Farreyrol et Kammermann, MM. Bourdin, Fleming, Bécot, Gilles et Couderc, Mme Keller, M. Grosdidier, Mme Mélot et MM. Savary, Portelli et P. André, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

« II. - Un seul de ces agissements suffit, s’il est d’une particulière gravité, dans le but réel ou apparent d’obtenir une relation de nature sexuelle.

La parole est à Mme Chantal Jouanno.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Il s’agit également d’un amendement de repli dont l’objet est de conserver une seule définition du harcèlement sexuel.

Aux agissements définis au paragraphe I de l’article 1er, nous ajoutons la condition de « particulière gravité », suivant en cela l’une des suggestions du groupe de travail présidé par M. Sueur. Nous conservons l’obligation de prouver l’intention de l’auteur, même si je n’aime pas beaucoup cela, ce qui permet de mieux s’inscrire dans une loi pénale.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L’amendement n° 18, présenté par Mmes Klès, Tasca et Meunier, MM. Sueur, Courteau et Kaltenbach, Mmes Campion, Printz, D. Michel, Bourzai et Cartron et MM. Antiste et Teulade, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

Est assimilé au harcèlement

par les mots :

Constitue un chantage

La parole est à Mme Virginie Klès.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Si vous me le permettez, madame la présidente, je présenterai plutôt l’amendement n° 19. En effet, la discussion en commission ce matin m’a conduite à abandonner l’idée de l’amendement n° 18 au profit de l’amendement n° 19, que, cette fois-ci, je défendrai donc farouchement !

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L’amendement n° 18 est retiré.

J’appelle donc en discussion l’amendement n° 19, présenté par Mmes Klès, Tasca et Meunier, MM. Sueur, Courteau et Kaltenbach, Mmes Campion, Printz, D. Michel, Bourzai et Cartron et MM. Antiste et Teulade, et ainsi libellé :

Alinéa 3

Rédiger ainsi le début de cet alinéa :

« II. — Constitue un chantage sexuel et est assimilé…

Veuillez poursuivre, madame Klès.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Il ressort de la nature des débats que nous avons aujourd’hui qu’il est nécessaire de préciser ce qu’est cet acte unique, cet acte non répété, qui constitue quand même un harcèlement sexuel.

J’ai eu l’occasion de le dire au cours de la discussion générale, il me semble que, justement, le chantage sexuel qualifie parfaitement cet acte, tant par le comportement de l’auteur que par le ressenti de la victime autour de ces notions de harcèlement sexuel. Pour une victime, effectivement, le chantage sexuel peut n’avoir été exercé qu’une fois.

Cela étant, ce qui m’a été opposé ce matin sur le sujet, monsieur Hyest, reposait essentiellement sur le fait que le chantage existe déjà dans le code pénal. C’est vrai, mais, tel qu’il y est défini aujourd’hui, il ne prend absolument pas en compte l’aspect sexuel du chantage que je voudrais définir comme cet acte unique constituant du harcèlement sexuel.

Il existe bien dans le code pénal les notions d’agression et d’agression sexuelle. La définition que nous donnerions ici du chantage sexuel ne s’opposerait donc en rien à la définition générale du chantage figurant dans le code pénal. Au contraire, elle permettrait bien de préciser qu’il s’agit d’un acte de harcèlement sexuel par le comportement de l’auteur et le ressenti de la victime. En conséquence, je propose de nommer cet acte unique assimilé à du harcèlement sexuel « le chantage sexuel ».

Madame la présidente, je souhaite apporter à l’amendement n° 19 une petite modification de forme qui avait été proposée en commission ce matin, mais qui n’apparaît pas, afin de préciser : « Constitue un chantage sexuel, assimilé » au harcèlement sexuel, au lieu de « Constitue un chantage sexuel et est assimilé… ».

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Je suis donc saisie d’un amendement n° 19 rectifié, présenté par Mmes Klès, Tasca et Meunier, MM. Sueur, Courteau et Kaltenbach, Mmes Campion, Printz, D. Michel, Bourzai et Cartron et MM. Antiste et Teulade, et ainsi libellé :

Alinéa 3

Rédiger ainsi le début de cet alinéa :

« II. — Constitue un chantage sexuel, assimilé…

L’amendement n° 50 rectifié bis, présenté par M. Reichardt, Mmes N. Goulet, Bruguière et Sittler, MM. Grignon et Grosdidier, Mmes Mélot et Troendle, M. Vial et Mme Keller, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer les mots :

réel ou apparent

Cet amendement n’est pas soutenu.

L’amendement n° 2 rectifié, présenté par Mme Dini, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

une relation de nature sexuelle, que celle-ci soit recherchée

par les mots :

un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché

La parole est à Mme Muguette Dini.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

L’étude des décisions des juges du fond montre que l’expression de « relation de nature sexuelle » s’avère restrictive.

Depuis l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 18 janvier 1996, les juges sanctionnent tout acte de nature sexuelle, notamment les simples contacts physiques destinés à assouvir un fantasme d’ordre sexuel, voire à accentuer ou provoquer le désir sexuel.

Il convient de retenir dans la loi cette conception large qui a été adoptée par le juge pénal et qui englobe tout ce qui peut provoquer la satisfaction érotique du harceleur.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Dans le projet de loi initial, le paragraphe II faisait référence au paragraphe I, référence qui, selon nous, compliquait beaucoup les choses et pouvait notamment laisser supposer que la réalisation des conditions dépendait de celles prévues au paragraphe I. Or il nous a paru préférable de simplifier en faisant bien la distinction.

L’amendement n° 25 visant, me semble-t-il, à revenir sur le travail qui a été fait par notre commission, l’avis est donc défavorable.

Mon commentaire sera le même pour l’amendement n° 26.

L’amendement de repli n° 37 rectifié bis, pas plus que l’amendement initial, ne recueillera un meilleur avis de la commission.

La commission est également défavorable à l’amendement n° 19 rectifié, et donc à la notion de « chantage sexuel », alors que le rapporteur que je suis – je le précise de nouveau – y aurait été favorable.

Enfin, la commission est favorable à l’amendement n° 2 rectifié.

Cela étant, permettez-moi d’apporter une précision qui me semble tout à fait nécessaire.

L’amendement n° 62 rectifié, qui n’a pas été défendu, permettait de poser une question particulièrement grave : la formulation du paragraphe II n’ouvre-t-elle pas la porte à des requalifications en harcèlement sexuel des tentatives de viol ou d’agression sexuelle ? Ce n’est pourtant pas la même peine ! Cette question très grave apparaissant souvent en filigrane dans les différents propos, je vais m’efforcer de vous apporter un éclairage le plus précis possible.

De quoi parle-t-on ? Du viol, de l’agression sexuelle. Comment se définit le viol ? Par un acte de pénétration. Comment se définit l’agression sexuelle ? Par un acte d’attouchement sexuel.

Quelque peu perturbé par les observations que nous entendons à l’extérieur de cette maison, j’ai étudié la jurisprudence. Dans les deux cas, il est dit de façon constante qu’il ne peut y avoir de viol ou d’agression sexuelle sans un acte matériel sur la personne.

Juridiquement, la tentative est définie par des termes précis : c’est un commencement d’exécution. Par conséquent, pour le commencement d’exécution d’un viol ou d’une agression sexuelle, il faut bien qu’il y ait un acte matériel sur la personne !

Au vu de ces éléments, vous le voyez bien, dès l’instant où nous parlons de harcèlement sexuel, nous sommes dans un autre univers, puisque, par définition, il n’y aura pas d’attouchement, ni de contact physique. Par conséquent, il me semble qu’il n’y a pas lieu de craindre une confusion entre l’ensemble de ces délits ou même de ces tentatives de délits.

Toutefois, une vraie question se pose au-delà de la formulation de ce texte, c’est celle des requalifications, qui, dans la pratique judiciaire, sont, il est vrai, monnaie courante, et pas uniquement pour les infractions sexuelles. Par exemple, je n’ai pas vu beaucoup de cas de faux en écriture publique commis par un agent dépositaire de l’autorité publique devant la cour d’assises, alors que, pourtant, dans certaines conditions, cela constitue un crime ! Les autres professionnels que moi en voient rarement aussi en raison justement de ces requalifications.

En matière de viol, elles sont très fréquentes, parfois même après discussion avec l’avocat de la victime sur le choix entre une procédure criminelle avec comparution devant la cour d’assises dans deux ans ou une procédure correctionnelle devant le tribunal correctionnel dans les six mois. Évidemment, pour la victime, le choix peut parfois être celui d’une plus grande rapidité.

Cette question déborde donc largement à la fois notre texte et la formulation qui, à mon avis, ne renforce pas du tout cette crainte. Mais, madame la garde des sceaux, comme vous nous l’avez dit, un éclaircissement de la Chancellerie devrait être apporté à nos magistrats pour les sensibiliser, afin qu’ils ne banalisent pas ces infractions sexuelles et que celles-ci soient toutes sanctionnées par la peine prévue dans le code pénal.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Suite aux propos de M. le rapporteur, je confirme qu’il existe effectivement des situations – et pas seulement des environnements ! – dans lesquelles des échanges entre la victime et son avocat conduisent, sur une base de délais, à correctionnaliser ce qui relèverait d’un crime jugé devant la cour d’assises.

Comme je le disais cet après-midi, il convient donc de s’assurer que nous pourrons progressivement résorber les délais, afin que les victimes ne soient pas contraintes d’accepter l’atténuation du préjudice qu’elles ont subi, simplement pour ne pas avoir à attendre deux ou trois ans.

Les amendements qui nous sont présentés se classent en deux grandes catégories.

Avec les amendements qui visent à éliminer des éléments de caractérisation, on supprime l’intention, le but et, ce faisant, on va vers un risque d’insécurité juridique, donc d’imprécision, ce qui me paraît dangereux.

L’incrimination a été abrogée par le Conseil constitutionnel justement pour imprécision et non-respect du principe de légalité des délits et des peines. Par conséquent, nous nous exposons, me semble-t-il, aux mêmes déconvenues si nous laissons ces risques-là subsister. On ne peut pas considérer un seul acte, presque sans pression grave, sans but, sans finalité. Il y a d’autres infractions. S’il n’y a pas de connotation sexuelle, on est dans le harcèlement moral. C’est pourquoi le Gouvernement ne peut pas être favorable à de tels amendements.

J’entends bien votre argumentation, madame Klès, sur le chantage sexuel. Simplement, votre amendement soulève deux difficultés. La première, c’est que la notion de chantage existe déjà dans le code pénal. Elle concerne la recherche d’avantages matériels et financiers. Nous aurions donc dans le même code pénal le chantage et le chantage sexuel. Ce dernier, qui constitue une atteinte aux personnes, serait moins lourdement puni que le chantage, pour lequel la peine prévue est de cinq ans d’emprisonnement.

C’est tout le débat que nous avons eu cet après-midi !

M. Jean-Jacques Hyest acquiesce.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Nous en sommes tous conscients, toute la difficulté de la discussion est là. Le sujet est d’ailleurs revenu à plusieurs reprises au cours de nos travaux : devons-nous introduire la notion de chantage ? Les commissions saisies ont retourné le problème dans tous les sens !

C’est vrai, un acte unique ressemble à du chantage. Pour ma part, cela a été ma première pensée, et j’ai demandé à vérifier sa définition et la sanction prévue dans le code pénal. Dans le vocabulaire courant, sans même recourir au vocabulaire juridique, chacun comprend ce que peut être un acte unique de chantage contre, par exemple, une relation de nature sexuelle. Disant cela, madame Cohen, je ne parle pas de faveurs sexuelles, notion qui ne figure ni dans le texte ni dans votre proposition de loi.

Un acte unique de chantage contre une relation de nature sexuelle s’apparente au chantage. Nous avons tous débattu de cette question. Nous le nommons acte unique, nous l’assimilons au harcèlement sexuel, mais nous ne pouvons pas découdre ainsi le texte !

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à tous les amendements, à l’exception de l’amendement n° 2 rectifié, qui vise à remplacer « une relation de nature sexuelle » par « un acte de nature sexuel ».

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Le groupe socialiste votera en faveur de l’amendement n° 2 rectifié présenté par Mme Dini, ainsi que de l’amendement n° 19 rectifié défendu par Mme Klès, pour les raisons évoquées par cette dernière, et malgré l’excellent argumentaire de Mme la garde des sceaux.

L’amendement n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l’amendement n° 26.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Je regrette que l’amendement n° 25 n’ait pas été adopté. Ainsi, le texte fera uniquement référence, pour cet acte unique, à la recherche d’un acte sexuel et ne prendra pas en compte l’atteinte portée à la dignité de la personne.

À mes yeux, il est tout aussi grave de porter atteinte à la dignité de la personne que de rechercher un acte sexuel, d’une part, parce que celui-ci n’est pas forcément obtenu et, d’autre part, parce que l’atteinte à la dignité est une blessure souvent profonde.

Il est dommage de se contenter de sanctionner l’acte visant à obtenir, avec ou sans succès, une relation sexuelle. Les deux notions ne sont pas contradictoires. Pourquoi laisser de côté la notion d’atteinte à la dignité de la personne ? Si l’acte unique est suffisamment grave pour avoir porté atteinte à la dignité d’une personne, une femme sera encore plus meurtrie qu’on pénalise uniquement la recherche d’une relation de nature sexuelle.

Mes chers collègues, je suis vraiment déçue que vous n’ayez pas suivi cette argumentation.

L’amendement n’est pas adopté.

L’amendement n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote sur l’amendement n° 19 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Cet amendement est, à mes yeux, tout à fait regrettable.

Je vous ai lu cet après-midi la définition du chantage dans le code pénal. Certes, on peut utiliser l’expression « chantage sexuel » dans la langue courante. Mais, dans la loi, la définition du chantage existe depuis l’origine du code pénal, même si les termes ont été quelque peu modifiés lors de sa refonte en 1992.

Franchement, on mélange tout ! Le chantage, chacun sait très bien ce que c’est : il s’agit d’obtenir quelque chose en menaçant de révéler une information de nature à porter atteinte à la considération d’une personne. Or, ici, ce n’est absolument pas le cas ! Soit dit par parenthèse, ce matin, en commission des lois, nous n’étions pas tous d’accord, et ce n’était pas une question d’appartenance politique : chacun a apporté sa contribution pour rédiger le meilleur texte possible.

Comme Mme la garde des sceaux l’a rappelé, le chantage est puni de cinq ans d’emprisonnement, tandis que, pour le chantage sexuel, la peine serait de deux ans. Allez comprendre ! Cela dit, le chantage peut nuire gravement à la réputation et à la vie des gens, ce qui n’est pas non plus négligeable.

Pour ma part, je suis délibérément hostile à ce mélange de termes qui n’ont rien à voir avec la réalité. Le chantage, c’est le chantage ! Pour ce qui est d’un acte assimilé au harcèlement sexuel, la définition donnée par la commission des lois me paraît parfaitement conforme.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Certes, monsieur Hyest, le chantage, c’est le chantage, mais tel qu’il est défini, il ne couvre pas les faits qui nous préoccupent en la circonstance. Le chantage sexuel peut aussi se compliquer de chantage « pur et dur », comme vous l’entendez, au sens strict. Par conséquent, cinq ans plus deux ans, cela fera finalement pas mal d’années de prison !

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Je le rappelle une fois de plus, l’agression existe dans le code pénal, tout comme l’agression sexuelle, et ces deux notions ne recouvrent pas les mêmes faits et n’entraînent pas les mêmes conséquences pour les victimes. J’entends bien l’argument sur les peines, mais peut-être faudrait-il aussi retoiletter complètement le code pénal ; c’est un lourd travail auquel il faudra bien nous atteler un jour.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Je voterai l’amendement n° 19 rectifié, même si, de mon point de vue, il conviendrait de le rectifier à nouveau.

À partir du moment où l’on met une virgule après les mots « chantage sexuel », il est nécessaire de remettre une virgule après l’expression « assimilé au harcèlement sexuel », puisqu’il s’agit d’une apposition. Soit nous ajoutons une virgule, soit nous en supprimons une.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Mieux vaut conserver la rédaction initiale avec « et est ».

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Je suis donc saisie d’un amendement n° 19 rectifié bis, présenté par Mmes Klès, Tasca et Meunier, MM. Sueur, Courteau et Kaltenbach, Mmes Campion, Printz, D. Michel, Bourzai et Cartron et MM. Antiste et Teulade, et ainsi libellé :

Rédiger ainsi le début de cet alinéa :

« II. — Constitue un chantage sexuel, et est assimilé…

Je le mets aux voix.

L’amendement n’est pas adopté.

L’amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L’amendement n° 51 rectifié bis, présenté par M. Reichardt, Mmes N. Goulet, Bruguière et Sittler, MM. Grignon et Grosdidier, Mmes Mélot et Troendle, M. Vial et Mme Keller, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 4

a) Remplacer les mots :

de deux ans

par les mots :

d’un an

b) Remplacer le montant :

par le montant :

II. - Alinéa 5

a) Remplacer les mots :

trois ans

par les mots :

deux ans

b) Remplacer le montant :

par le montant :

Cet amendement n’est pas soutenu.

Je suis saisie de quatre amendements identiques.

L’amendement n° 3 est présenté par Mme Dini.

L’amendement n° 8 est présenté par M. Kaltenbach.

L’amendement n° 27 est présenté par Mmes Assassi et Borvo Cohen-Seat, M. Favier, Mmes Cohen, David, Gonthier-Maurin et Beaufils, MM. Bocquet et Billout, Mmes Cukierman, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Hue, Le Cam et Le Scouarnec, Mmes Pasquet et Schurch et MM. Vergès et Watrin.

L’amendement n° 38 rectifié bis est présenté par Mmes Jouanno et Duchêne, MM. Savin, Cardoux, Milon et Beaumont, Mmes Bruguière et Troendle, MM. Gilles et Duvernois, Mme Lamure, MM. Doligé et B. Fournier, Mmes Farreyrol et Kammermann, MM. Bourdin et Fleming, Mmes Mélot et Sittler, M. Bécot, Mme Keller et MM. Couderc, Grosdidier, Savary, Portelli et P. André.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 7

Supprimer les mots :

de quinze ans

La parole est à Mme Muguette Dini, pour présenter l’amendement n° 3.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Nous proposons de ne pas limiter la circonstance aggravante aux mineurs de quinze ans et d’aller jusqu’à dix-huit ans, âge de la majorité légale.

En matière de harcèlement sexuel, tout mineur doit bénéficier de cette protection renforcée. Il n’y a pas lieu de prendre en compte la « majorité sexuelle », étant donné que le harcèlement sexuel n’est ni une atteinte sexuelle ni une agression sexuelle.

Il est important de retenir l’état de faiblesse dans lequel se trouve tout mineur face à un adulte harceleur, notamment dans le cadre scolaire et dans l’entreprise.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour présenter l’amendement n° 8.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

J’avais déposé cet amendement pour lancer le débat, comme d’autres collègues, mais j’ai été convaincu par l’argumentaire de Mme la garde des sceaux, et je le retire.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L’amendement n° 8 est retiré.

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l’amendement n° 27.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Je crois que, sur la question de la minorité comme circonstance aggravante des faits de harcèlement sexuel, nous sommes aujourd’hui en mesure d’améliorer le projet de loi.

Avec cet amendement, nous proposons, comme vient de l’indiquer Mme Dini, de ne pas limiter la circonstance aggravante aux seuls mineurs de moins de quinze ans. En effet, tout mineur peut se trouver en état ou en situation de faiblesse et il doit pouvoir bénéficier d’une protection renforcée. Je pense notamment au cas des d’élèves âgés de quinze à dix-huit ans, qui, comme apprentis ou stagiaires dans une entreprise, peuvent être exposés à des faits de harcèlement et se trouver en difficulté par rapport au personnel adulte de l’entreprise. De plus, je rappelle que l’obligation scolaire va jusqu’à seize ans et donc pourquoi un élève de quinze ans serait-il davantage protégé qu’un élève de seize ans ?

Il a été argué en commission des lois que ce seuil correspondant à l’âge de la majorité sexuelle fixé par le code pénal se retrouvait notamment parmi les circonstances aggravantes du viol, de l’agression sexuelle et des violences volontaires.

Ce même code pénal, pour d’autres délits – par exemple le délit relatif à la traite des êtres humains, réprimé par les articles 225-4-1 et 225-4-2 du code pénal – aggrave les peines quand ces faits ont été commis sur des « mineurs », sans autre précision.

Pas de distinction non plus entre les « mineurs », à l’article 227-23 concernant les faits de cyberpédopornographie, s’agissant de la diffusion, de la fixation, de l’enregistrement ou de la transmission d’images à caractère pornographique d’un mineur.

Sur ce point, la convention sur la cybercriminalité, signée à Budapest le 23 novembre 2001 par le Conseil de l’Europe, est éclairante. À l’article 9, relatif aux infractions se rapportant à la pornographie enfantine, c’est bien le terme de « mineur », sans autre précision, qui est utilisé. Il est d’ailleurs indiqué que « le terme « mineur » désigne toute personne âgée de moins de dix-huit ans ». Il est vrai que cette convention prévoit qu’une « partie » peut toutefois exiger une limite d’âge inférieure, mais cette dernière doit être « au minimum de seize ans ».

La France a signé cette convention le 23 novembre 2001, puis promulgué la loi du 19 mai 2005 autorisant son approbation, loi qui a été complétée, un an après, par les décrets n° 2006-580 et n° 2006-597 du 23 mai 2006 permettant, notamment, la publication de la convention ainsi adoptée.

Ces différents éléments devraient nous permettre de dépasser les débats que nous avons eus notamment au sein du groupe de travail et de prendre conscience de la nécessité de toiletter, sur ces aspects, notre code pénal.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour présenter l’amendement n° 38 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Différents arguments ont été avancés pour justifier ces amendements. Pour faire suite aux propos que j’ai tenus au cours de la discussion générale, je tiens à dire qu’il me paraît important de faire en sorte que le harcèlement sexuel ne puisse en aucun cas être assimilé à une forme dégradée d’agression sexuelle. D’ailleurs, je n’ai guère été rassurée par ce qui a été dit précédemment au sujet de l’alinéa 2.

En tout cas, il me semble particulièrement important que nous ne limitions pas la circonstance aggravante aux mineurs de moins de quinze ans, âge de la majorité sexuelle. Je le rappelle, le harcèlement sexuel vise à humilier, à dégrader, à détruire une personne et n’a pas nécessairement pour but la relation sexuelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

La commission a émis un avis défavorable.

Sans revenir sur ce que j’expliquais en début d’après-midi, je veux simplement souligner que la minorité de quinze ans a un sens très précis : c’est l’âge de la majorité sexuelle. Cet âge trace une frontière : en deçà de quinze ans, une relation sexuelle avec un majeur expose mécaniquement ce dernier à des poursuites ; au-delà de quinze ans, le majeur ne s’expose à des poursuites qu’en l’absence de consentement du mineur.

Aussi, prenons garde de modifier, au détour d’un amendement, cette notion de minorité de quinze ans, modification qui pourrait avoir ultérieurement des conséquences sur l’architecture juridique que je viens de décrire.

Un autre argument peut être avancé, même si je reconnais bien volontiers qu’il n’est pas tout à fait convaincant. Dans le cas d’un mineur de plus de quinze ans évoluant par exemple dans le monde du travail, la circonstance aggravante, dans le cas d’espèce, sera celle de l’abus d’autorité. Certes, cette circonstance concernera non pas tous les cas de harcèlement, mais à tout le moins la plupart d’entre eux.

J’ai bien entendu les propos qui ont été tenus par les uns et les autres, mais l’adoption de ces amendements introduirait en outre une incohérence en matière d’infractions sexuelles : d’un côté, le viol d’un mineur de seize ans ne serait pas une circonstance aggravante, cependant que le serait le harcèlement sexuel d’un mineur de seize ans. Ce ne serait pas très cohérent !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

L’argument de cohérence avancé par M. le rapporteur n’est pas négligeable. C’est l’ordonnance de 1945 qui a fixé à quinze ans l’âge de la majorité sexuelle.

Se pose la question des mineurs âgés de quinze à dix-huit ans. En réalité, même si cela n’est pas explicitement dit, nous visons là les mineurs évoluant dans l’environnement de l’entreprise. De fait, les mineurs de moins de quinze ans sont peu nombreux dans le monde professionnel ; pour autant, nous devons veiller à protéger les collégiens qui sont amenés à effectuer des stages de quelques semaines en entreprise et qui peuvent parfaitement faire l’objet de harcèlement sexuel.

Clairement, nous avons en tête la situation des stagiaires qui sont objectivement soumis à l’autorité des salariés de l’entreprise. J’imagine mal un stagiaire, a fortiori mineur, qui exercerait une autorité hiérarchique sur un autre membre du personnel. Aussi, comme l’expliquait le rapporteur, le facteur aggravant est celui de l’abus d’autorité.

En droit pénal, et le rapporteur l’a rappelé, la minorité de quinze ans est un facteur aggravant dans le cas d’infractions telles que le viol. Nous sommes là dans une logique de protection.

Au-dessus de quinze ans, nous nous plaçons dans une logique d’engagement. On peut émanciper un adolescent de seize ans pour l’autoriser, par exemple, à exercer une activité économique, à gérer des biens, etc. De même, on peut autoriser, dans certains cas exceptionnels, le mariage avant dix-huit ans pour permettre la concrétisation d’un engagement, d’un projet de vie. Ce sont donc des logiques différentes, et modifier cette construction aurait des effets en cascade sur le code pénal et retirait à celle-ci toute cohérence d’ensemble.

En outre, la circulaire d’application de la loi précisera que, dans le cas de mineurs qui seraient victimes de harcèlement sexuel, les parquets devront prendre des réquisitions de telle sorte qu’il apparaisse bien que le mineur en question a été particulièrement soumis à un abus d’autorité.

Compte tenu de ces explications, M. Kaltenbach n’a pas à regretter d’avoir retiré son amendement… Je vois d’ailleurs que M. Richard approuve.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. François Pillet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Je soutiens totalement la position de M. le rapporteur et de Mme la garde des sceaux.

Dans ce domaine, faisons très attention : ne retirons pas toute cohérence à un pan entier de notre droit ! L’adoption de ces amendements reviendrait à créer une catégorie intermédiaire de victimes en matière de harcèlement sexuel, alors que, précisément, la majorité sexuelle est fixée à un âge différent de la majorité civile.

En outre, par incidence, le texte de ces amendements est attentatoire à la liberté sexuelle, puisque l’âge de la majorité sexuelle est fixé à quinze ans. Pourquoi le harcèlement sexuel, tel qu’il est défini dans ce projet de loi, est-il répréhensible ? Parce qu’il est imposé. Dès lors qu’il ne l’est pas, il ne peut plus être qualifié comme tel. Or nous avons estimé depuis longtemps que, à partir de seize ans, on pouvait manifester un consentement éclairé à l’acte sexuel. C’est pourquoi, je le répète, l’adoption de ces amendements déstabiliserait l’édifice juridique en la matière.

Enfin, le rapporteur a recouru à un argument très fort, celui de la cohérence des textes. Comment expliqueriez-vous que le viol d’un mineur de seize ans ne serait pas une circonstance aggravante, tandis que le serait le harcèlement sexuel d’un mineur de quinze ans ? Ce serait totalement incohérent.

Je le répète, je souscris au point de vue de la commission et du Gouvernement. Prenons garde d’introduire dans notre système une incohérence telle que tout son fondement s’en trouverait changé.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Je mets aux voix les amendements identiques n° 3, 27 et 38 rectifié bis.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Je suis saisie de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 65, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

«…° En profitant de la particulière vulnérabilité ou dépendance de la victime résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale, apparente ou connue de l’auteur ;

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Nous abordons, à travers cet amendement, la question de la vulnérabilité économique et sociale. Nous l’avons encore évoquée cet après-midi et elle a fait l’objet de plusieurs discussions ces dernières semaines ; je l’ai moi-même abordée lors de mon audition par la commission des lois. Vous-mêmes, mesdames, messieurs les sénateurs, avez travaillé sur le sujet, travail très productif puisqu’il en est issu plusieurs amendements.

Je reprendrai les arguments que j’avais notamment présentés en commission au nom du Gouvernement.

La vulnérabilité économique et sociale est une question essentielle, voire majeure. Elle est une réalité ! Nous connaissons les indicateurs économiques et sociaux, nous connaissons leur état de dégradation. Outre ces grands indicateurs, par exemple le taux de chômage, il en existe d’autres, moins évidents, mais révélateurs d’une situation économique et sociale détériorée. Je pense par exemple au temps partiel, qui, d’ailleurs, frappe très fortement les femmes.

Aussi, la question de la vulnérabilité économique et sociale est essentielle, et c’est un argument qui doit être avancé dans la défense de nos valeurs. Nous devons évidemment nous préoccuper de protéger en particulier les personnes fragiles sur le plan économique.

Comment mesure-t-on cette vulnérabilité économique et sociale ? Plusieurs pistes sont envisageables. Le SMIC peut-il être un critère ? Si nous considérons que la rémunération au SMIC définit la vulnérabilité économique et sociale, alors, par le biais d’une incrimination pénale, on porte un jugement sur la fixation d’un niveau de salaire dans la société. Certes, on peut s’autoriser à le faire…

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Sans doute !

… mais cela créerait de la confusion dans la société et introduirait des éléments de discussion ou de contestation.

Ensuite, la vulnérabilité est relative. Elle peut résulter du fait de vivre en dessous du seuil de pauvreté, de gagner le SMIC ou encore de traverser une situation particulière : une personne percevant l’équivalent de trois SMIC mais connaissant dans sa vie un moment difficile, avec plusieurs enfants en bas âge, surendettée et ayant vécu un accident particulier, par exemple un divorce, est en situation objective de vulnérabilité économique et sociale.

En raison de ces difficultés, nous trouvions risqué de confier au juge, arbitrairement, la responsabilité de définir la situation de vulnérabilité économique et sociale ou, dans tous les cas, d’établir le seuil de cette vulnérabilité, d’autant que, comme je le disais cet après-midi, cet argument peut être utilisé par la défense contre l’accusation : la victime serait obligée de prouver que sa situation économique et sociale était connue de l’auteur des faits, tandis que celui-ci nierait en avoir eu connaissance. Si cet élément est considéré comme le facteur déclenchant, du coup, l’objet de la poursuite pourrait devenir inexistant.

Pour tous ces motifs, nous étions d’une extrême prudence concernant ce facteur aggravant. Le débat a néanmoins été enrichi par la qualité des échanges et par vos amendements. En disant cela, il n’est pas question de bonne manière, mais juste de vérité, monsieur le président de la commission des lois.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

L’amendement que le Gouvernement vous propose permet donc, me semble-t-il, de prendre toutes les précautions nécessaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Les amendements n° 6 et 21 sont identiques.

L’amendement n° 6 est présenté par Mme Demontès, au nom de la commission des affaires sociales.

L’amendement n° 21 est présenté par Mmes Meunier et Tasca, MM. Sueur, Courteau et Kaltenbach, Mmes Klès, Campion, Printz, D. Michel, Bourzai et Cartron et MM. Antiste et Teulade.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 8

Après les mots :

vulnérabilité, due

insérer les mots :

à sa situation économique et sociale,

La parole est à Mme la rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 6.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Comme je l’ai indiqué lors de mon intervention, la commission des lois n’a pas retenu notre amendement. Nous avions néanmoins convenu que nous le présenterions en séance publique.

Je ne vais pas expliquer ce que nous entendons par « vulnérabilité économique et sociale », Mme la garde des sceaux ayant apporté des éléments de précision à ce sujet. On sait bien que deux personnes dans une situation comparable peuvent ne pas être dans la même vulnérabilité économique et sociale. Cette notion est en effet sujette à interprétation, mais pas plus que la vulnérabilité liée à l’âge, comme l’indique d’ailleurs l’objet de l’amendement du Gouvernement.

Pour la commission des affaires sociales, il est extrêmement important que la notion de vulnérabilité économique et sociale soit introduite dans le code pénal. C’est ce que vous proposez, madame la garde des sceaux, avec une autre formulation que la nôtre et en créant un alinéa spécifique au sein de l’article 1er. Par conséquent, nous retirons notre amendement et exprimons le souhait que l’amendement n° 65 soit adopté. Je pense cependant qu’il serait plus judicieux d’intégrer votre dispositif après l’alinéa 8.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L’amendement n° 6 est retiré.

La parole est à Mme Michelle Meunier, pour présenter l’amendement n° 21.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Comme Mme la rapporteur pour avis, je considère que cet amendement est satisfait par l’amendement du Gouvernement, et je le retire.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L’amendement n° 21 est retiré.

L’amendement n° 28, présenté par Mmes Assassi et Borvo Cohen-Seat, M. Favier, Mmes Cohen, David, Gonthier-Maurin et Beaufils, MM. Bocquet et Billout, Mmes Cukierman, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Hue, Le Cam et Le Scouarnec, Mmes Pasquet et Schurch et MM. Vergès et Watrin, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Après les mots :

vulnérabilité, due

insérer les mots :

à sa situation économique ou sociale,

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

des droits des femmes. Nous avions en effet été plusieurs à intervenir sur ce sujet à l’occasion de leur audition devant la commission des affaires sociales.

L’amendement du Gouvernement, en introduisant notamment la notion de précarité, prend bien en compte notre souci et s’inscrit tout à fait dans l’esprit que nous portions. C’est la raison pour laquelle nous retirons également notre amendement.

Cela étant, j’aimerais signaler qu’il va bien falloir à un moment ou à un autre que les choses changent. Nous avons en effet été étonnés –le mot est faible ! – au groupe CRC, et je pense que nous ne sommes pas les seuls, de constater que l’état de grossesse figurait à la fin de l’énumération des critères de vulnérabilité, après la déficience physique ou psychique. C’est pour le moins maladroit.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L’amendement n° 28 est retiré.

L’amendement n° 12, présenté par Mme Benbassa, M. Placé, Mmes Bouchoux, Lipietz et Archimbaud, M. Desessard, Mmes Aïchi et Blandin et MM. Dantec, Gattolin et Labbé, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Après le mot :

psychique

insérer les mots :

, à sa situation économique

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Je souscris à la proposition de Mme la garde des sceaux, et je retire cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L’amendement n° 12 est retiré.

L’amendement n° 39 rectifié bis, présenté par Mmes Jouanno et Duchêne, MM. Savin, Cardoux, Milon et Beaumont, Mme Deroche, M. Duvernois, Mmes Bruguière et Troendle, MM. Doligé, Gilles et B. Fournier, Mme Lamure, M. Grosdidier, Mmes Farreyrol et Kammermann, MM. Bourdin et Fleming, Mmes Mélot et Sittler, M. Bécot, Mme Keller et MM. Fouché, Couderc, Savary, Portelli et P. André, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Remplacer les mots :

psychique ou à un état de grossesse

par les mots :

psychique, à un état de grossesse ou à sa position économique,

La parole est à Mme Chantal Jouanno.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Je retire cet amendement pour me rallier à celui du Gouvernement – une fois n’est pas coutume ! –, en souhaitant que cette disposition permette tout particulièrement de prendre en compte la situation des familles monoparentales, notamment des femmes qui élèvent seules leurs enfants, puisque un tiers d’entre elles se trouvent aujourd’hui en situation de pauvreté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L’amendement n° 39 rectifié bis est retiré.

La parole est à M. le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

À mon tour, je veux remercier Mme Taubira et Mme Vallaud-Belkacem d’avoir trouvé cette rédaction subtile à propos d’une question qui nous occupe depuis trois semaines.

Le texte de l’amendement respecte le principe de légalité des délits et des peines, auquel nous sommes profondément attachés et qui fait que nous sommes réunis aujourd’hui, et est attentif aux effets en chaîne sur le code pénal liés à l’introduction d’une notion comme celle-ci.

La commission des affaires sociales a raison, en matière de harcèlement sexuel, la situation économique et sociale pèse. Depuis toujours, malheureusement, il y a les puissants et les misérables. Nous espérons que la situation va s’améliorer, mais, en attendant, c’est une réalité.

Merci à nouveau, madame la garde des sceaux, madame la ministre, d’avoir su intégrer ces trois considérations par l’adjonction d’un alinéa spécifique : le principe de la légalité des délits et des peines, la cohérence du code pénal et l’impérative nécessité de prendre en compte cette situation.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 65 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

La commission avait émis un avis défavorable sur les amendements qui viennent d’être retirés, mais elle n’a pas pu examiner l’amendement du Gouvernement. Cependant, les propos de M. le président de la commission auront, je le crois, éclairé le Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Madame la garde des sceaux, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par Mme la rapporteur pour avis ?

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

J’accepte très volontiers, madame la présidente. Il y a en effet une vraie logique à insérer l’amendement après l’alinéa 8, qui vise la particulière vulnérabilité.

Je tiens à remercier les auteurs des amendements de les avoir retirés. Sachez, mesdames, messieurs les sénateurs, que c’est le travail que vous avez effectué qui nous permet d’assister à ce très beau moment de coproduction législative.

Je tiens également à dire que j’ai été sensible, ainsi que le Gouvernement dans son ensemble, aux propos de M. le président de la commission des lois. D’une certaine façon, c’est parce que nous avons épuisé le sujet que nous avons abouti à cette formulation.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Je suis donc saisie d’un amendement n° 65 rectifié, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :

Après l’alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

«…° En profitant de la particulière vulnérabilité ou dépendance de la victime résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale, apparente ou connue de l’auteur ;

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

J’apprécie les efforts du Gouvernement, mais je m’interroge.

Jusqu’à présent, les circonstances aggravantes étaient identiques pour tous les délits ou les crimes. Or, avec cet amendement, auquel je ne suis pas hostile, on crée une nouvelle circonstance aggravante dans le code pénal. J’entends dire que le harcèlement sexuel est une situation spécifique et il est même écrit que, contrairement aux autres infractions, il porte atteinte à la dignité de la victime. Veuillez m’excuser, mais si une agression sexuelle ne porte pas atteinte à la dignité de la victime, c’est à n’y rien comprendre !

N’y aurait-il donc pas d’autres cas où la vulnérabilité de la victime résultant de la précarité de sa situation économique et sociale pourrait constituer une circonstance aggravante ? À mon avis, cette nouvelle circonstance aggravante pourrait très bien être appliquée à d’autres infractions.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira

Madame Cohen, j’aimerais vous répondre concernant l’état de grossesse. Il s’avère que nous avons repris en bloc l’énumération. Mais, dans la mesure où de plus en plus de femmes contribuent à l’écriture de la loi, les choses évolueront progressivement jusqu’à reprendre une place un peu plus normale dans notre code. Dorénavant, nous serons plus facilement alertés sur un certain nombre de points, malgré le scepticisme de sénateurs ou de ministres chevronnés.

C’est vrai que, ainsi placée, la grossesse peut apparaître comme une pathologie ; nous avons le bonheur de savoir qu’il n’en est rien.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Violer une femme enceinte, c’est quand même une circonstance aggravante !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, ministre

Bien entendu, monsieur le sénateur, mais nous parlons ici de l’énumération, qui doit conserver une certaine logique et ne pas devenir un inventaire à la Prévert.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

En tout cas, nous n’engagerons pas un débat philosophique sur ce sujet cette nuit, je vous le promets.

Concernant la question de la vulnérabilité, j’entends vos arguments, monsieur Hyest. Je souligne simplement que, dans le cas du harcèlement sexuel, la vulnérabilité économique ou sociale est un état particulier qui peut donc devenir un élément incitatif pour les harceleurs. Voilà pourquoi elle constitue un facteur aggravant.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je me félicite que nous soyons réunis dans cet hémicycle pour écrire ce texte de loi, en nous efforçant de bien définir l’incrimination et de sanctionner le délit le plus justement possible, avec toute la sévérité nécessaire mais pas plus que la sévérité nécessaire. Toutefois, force est de constater que nous sommes objectivement un peu moins exposés au harcèlement que la plupart des Français. Certes, on a constaté que ce phénomène s’observait dans toutes les catégories sociales, mais, je le répète, ce sont les personnes vulnérables et fragiles qui, dans notre société, sont le plus massivement touchées par le harcèlement sexuel.

Pour le viol, la condition de vulnérabilité économique ou sociale pourrait parfaitement constituer un facteur aggravant. Pour ma part, je ne serais pas choquée par cette contagion. Autant je suis attentive à la cohérence du code pénal, en veillant à ce que l’on ne désarticule pas toutes les normes en vigueur lorsque l’on introduit des éléments nouveaux, autant je considère que, dans des cas bien précis, certaines dispositions peuvent prendre du sens ailleurs.

Cela étant, telle n’est pas la situation face à laquelle nous nous trouvons : aucun amendement n’a été déposé en vue d’introduire le critère de la vulnérabilité économique ou sociale en cas de viol. Convenons tout au moins que, concernant le harcèlement sexuel, la vulnérabilité économique ou sociale présente, comme la précarité, un caractère plus largement incitatif que dans le cas du viol. Ce constat n’est pas particulièrement satisfaisant, j’en conviens, mais votre réticence ne me paraît pas justifiée quant à l’introduction de ce facteur aggravant.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Dans ce cas, il n’y a pas lieu d’en débattre !

Souriressur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Mais si ! C’est la cohérence du code pénal !

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

À mon sens, Jean-Jacques Hyest pose une question tout à fait judicieuse, dont il connaît d’ailleurs bien la réponse.

En effet, généralement, lorsque l’on débat de textes de loi en matière pénale, on se penche en fait sur une fraction ou un fragment du code pénal. Ainsi, on peut toujours se heurter à un débat susceptible de donner lieu à une généralisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Néanmoins, vous le savez mieux que moi, si, alors que nous ne débattons que des infractions de harcèlement sexuel, nous affirmions avec assurance que nous avons trouvé une bonne idée, dans le cas présent la prise en compte de la vulnérabilité économique et sociale, et que nous allions donc l’appliquer à trente délits qui nous paraîtraient justifier l’introduction de la même circonstance aggravante, nous commettrions deux erreurs.

Tout d’abord, sur le plan méthodologique, nous accomplirions un déplorable travail législatif. Tout cela doit en effet s’analyser à tête reposée.

Ensuite, nous nous heurterions à l’objection du Conseil constitutionnel, en vertu de l’application pure et simple de la Constitution et du règlement du Sénat : il nous rappelle régulièrement qu’il n’est pas permis de délibérer sur un objet ne figurant pas dans le champ du débat législatif considéré.

Certes, à travers les propos de Jean-Jacques Hyest, je devine une certaine nostalgie de la construction du grand code pénal, …

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

… qui a naturellement été un moment assez exceptionnel pour le législateur qu’il est. Malheureusement, des événements de cette ampleur ne se produisent que rarement. Il faut accomplir une très longue carrière parlementaire pour avoir une chance de vivre deux réécritures complètes du code pénal.

À ce titre, je souhaite appeler votre attention sur le fait que la Chancellerie sait très bien conduire de semblables chantiers. Quand on a eu le privilège d’observer comment travaille la direction compétente de la place Vendôme, on peut affirmer que, s’il y a matière à une mise en cohérence du code pénal à la suite d’une initiative judicieuse comme celle dont nous débattons ce soir, l’occasion se présentera, mais dans le bon ordre du travail législatif, de l’appliquer en temps opportun à d’autres délits.

L’amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Je suis saisie de deux amendements et d’un sous-amendement faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 13, présenté par Mme Benbassa, M. Placé, Mmes Bouchoux, Lipietz et Archimbaud, M. Desessard, Mmes Aïchi et Blandin et MM. Dantec, Gattolin et Labbé, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

«…° À raison de l’origine d’une personne, de son sexe, de son apparence physique, de ses mœurs, de son orientation ou son identité sexuelle, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. »

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Cet amendement a pour objet les agissements de harcèlement sexuel à visée discriminatoire et tend à ériger ces types de comportements en circonstances aggravantes. En l’état, cette disposition n’est pas prévue par le projet de loi, qui vise uniquement à réprimer, par son article 2, les discriminations résultant du harcèlement sexuel.

Le présent amendement tend également à inscrire l’identité sexuelle sur la liste des discriminations motivant le harcèlement sexuel.

Lors des auditions de notre groupe de travail sur le harcèlement sexuel, il nous a été indiqué que près de la moitié des personnes transsexuelles ou transgenres sont victimes de harcèlement durant leur transition. Cette précision apporte également une réponse aux interventions de nos collègues du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L’amendement n° 58, présenté par Mmes Assassi et Borvo Cohen-Seat, M. Favier, Mmes Cohen, David, Gonthier-Maurin et Beaufils, MM. Bocquet et Billout, Mmes Cukierman, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Hue, Le Cam et Le Scouarnec, Mmes Pasquet et Schurch et MM. Vergès et Watrin, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

«…° En raison du changement de sexe ou de l’orientation sexuelle de la personne. »

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Les auditions menées par le groupe de travail sur le harcèlement sexuel révèlent que les personnes transsexuelles ou transgenres sont particulièrement exposées au harcèlement. En conséquence, notre amendement a pour objet de créer une circonstance aggravante lorsque le harcèlement sexuel est effectué dans l’intention de nuire particulièrement à ces personnes.

Au début de l’examen de cet article, notre collègue Éliane Assassi a développé toutes les raisons de cette prise en compte. Je ne reviendrai donc pas en détail sur le sujet.

Par ailleurs, nous avons déposé un amendement dont nous discuterons par la suite, qui tend à garantir la prise en compte explicite du « changement de sexe » – ce sont les termes figurant dans la directive européenne – comme motif de discrimination. Il importe que ces amendements soient adoptés, afin de briser l’omerta législative qui règne sur ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Le sous-amendement n° 66, présenté par M. Anziani, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Amendement n° 58, alinéa 2

Supprimer les mots :

du changement de sexe ou

La parole est à M. le rapporteur pour présenter ce sous-amendement et pour donner l’avis de la commission sur les amendements n° 13 et 58.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

La commission a émis un avis défavorable sur les amendements n° 13 et 58, après avoir donné un avis favorable sur le sous-amendement que je présentais, qui ne vise, au titre des circonstances aggravantes, que l’orientation sexuelle de la victime.

Je sais qu’il y a débat sur le sujet, mais, selon la Chancellerie, la notion d’orientation sexuelle englobe bel et bien les cas des transsexuels et des transgenres. Mme Alliot-Marie, qui était alors garde des sceaux, avait clairement indiqué qu’il n’était donc pas nécessaire d’apporter d’autres précisions.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Ce débat est tout à fait central. En effet, il soulève les enjeux de l’identité et de l’orientation sexuelles, qui, comme le soulignait Mme Pasquet il y a quelques instants, recoupent la question des transgenres. En fait, ces questions relèvent de la discrimination. Pour cette raison, le Gouvernement est plutôt réservé : il n’entend pas pour l’instant en faire des facteurs aggravants.

Madame Benbassa, votre amendement se réfère à une série d’éléments qui figurent déjà dans le code pénal. Vous ne les avez donc pas inventés. §Il s’agit de l’origine d’une personne, de son sexe, de son apparence physique, de ses mœurs, de son orientation ou de son identité sexuelle, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Le mot figure encore dans la Constitution, …

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

… mais il est préférable que nous ne le laissions pas prospérer.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

À mon sens, l’incrimination de discrimination devrait répondre à votre préoccupation.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Sans doute M. Richard pourra-t-il nous éclairer sur cette question…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Je vous appuierai, madame la garde des sceaux !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Je le répète, le motif de discrimination répond à cette préoccupation. Il me semble constituer une réponse juridique crédible et recevable. C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements n° 13 et 58 ainsi que sur le sous-amendement n° 66.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Je souhaite appeler l’attention du Sénat sur les incidences de principe qu’emporterait l’adoption de ces amendements.

Il existe plusieurs facteurs d’aggravation éprouvés qui tiennent à la faiblesse ou à la vulnérabilité de la victime, en droit pénal. On comprend bien la cohérence de semblables dispositions : la culpabilité de l’auteur est aggravée par le fait qu’il a accompli un acte ou une série d’agissements condamnables à l’encontre d’une personne plus faible.

En revanche, lorsqu’il s’agit de catégories de victimes qui sont toutes protégées par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui sont des êtres humains dont nous entendons proclamer l’égalité, je ne peux pas concevoir la possibilité d’affirmer le principe que le harcèlement sexuel à l’encontre d’une personne homosexuelle est plus grave que le harcèlement sexuel à l’encontre d’une personne hétérosexuelle.

Pour ce qui concerne la définition de la gravité d’une infraction, un tel raisonnement me paraît dépourvu de sens. À mes yeux, madame la garde des sceaux, cette logique procède d’une tendance que l’on observe dans d’autres domaines, et qui a malheureusement été introduite dans le code pénal d’une manière tout à fait regrettable, à propos de l’incrimination de viol. Il est en effet profondément illogique, voire choquant de considérer que le viol d’une personne homosexuelle est plus grave que le viol d’une personne hétérosexuelle, ou l’inverse.

Je souhaite vraiment que nos collègues qui ont déposé ces amendements s’interrogent pour savoir si de telles gradations ne sont pas en réalité l’ébauche d’un système forcément illusoire de contre-discrimination.

Pour moi, les personnes victimes d’agressions de ce type sont d’égale dignité. Elles ne sont pas affectées d’une faiblesse personnelle spécifique. Il n’est donc pas conforme aux principes de la République de frapper plus lourdement le coupable suivant que la victime appartient à une catégorie ou à une autre.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Je trouve vraiment dommage que l’amendement n° 58 ait reçu deux avis défavorables. En outre, je suis en total désaccord avec le sous-amendement n° 66 présenté par la commission.

Il faut savoir de quoi l’on parle : le changement de sexe et l’orientation sexuelle relèvent de deux situations complètement différentes. Je peux prendre l’exemple d’amis hommes qui sont devenus femmes, mais qui ont pourtant une orientation sexuelle lesbienne.

Monsieur Richard, la question n’est pas de considérer que c’est plus grave.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Si, vous en faites une circonstance aggravante !

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Mais, du fait de la transsexualité, du transgenre ou de l’homosexualité, il faut savoir que ces personnes subissent plus que d’autres des situations de discrimination ou de harcèlement.

Les représentantes du LGBT, ou lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres, nous ont dit que, dès lors qu’elles déclinent leur identité, dans 70 % des cas, elles sont victimes de harcèlement sexuel.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Je le répète, je ne prétends pas que c’est plus grave, je dis qu’elles subissent plus souvent ces situations !

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

M. Richard semble ne pas savoir que la République discrimine certains groupes et que la discrimination existe.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Monsieur Richard, sortez un peu du Sénat !

Vous invoquez chaque fois le principe républicain selon lequel il n’y aurait pas de discrimination parce que tout le monde est égal dans la République. Dans cette enceinte, nous sommes tous égaux, mais vous verrez que, à l’extérieur, les noirs, les descendants d’immigrés, les homosexuels, les transsexuels sont plus discriminés que d’autres ! Ainsi vont les choses.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Ce n’est pas parce que les codes de loi sont des bibles qu’il ne faut pas être en contact avec la réalité.

Je vous respecte beaucoup, mais vous ne suivez pas, me semble-t-il, l’évolution de la société.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

J’aurais pu reprendre l’intervention de Mme Éliane Assassi dans la discussion générale tant je fais miens ses propos.

Quand on parle de transgenre, il ne faut pas tout mélanger. On peut se sentir homme ou femme, indépendamment de la réalité biologique mâle ou femelle ou de son orientation sexuelle, hétérosexuelle ou bisexuelle. L’identité de genre est vraiment quelque chose qui se ressent.

Reste que, aussi paradoxal que cela puisse paraître, je ne voterai pas les circonstances aggravantes pour les transgenres. En revanche, je proposerai ultérieurement d’inscrire la transphobie dans l’article 225-1, car, à ma connaissance – mais je me trompe peut-être –, ce cas ne figure pas aujourd’hui dans le code pénal.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

J’ai écouté ce débat avec beaucoup d’intérêt et il me semble que l’on mélange deux notions : les discriminations, qui sont d’ailleurs réprimées, et les circonstances aggravantes.

Vous voulez créer de nouvelles catégories de circonstances aggravantes, alors que, jusqu’à présent, celles-ci étaient limitées dans le code pénal. Or, intellectuellement, je ne comprends pas très bien pourquoi il y aurait des circonstances aggravantes uniquement en raison de la situation de la personne.

S’agissant des discriminations, vous avez peut-être raison, on n’a pas prévu tous les cas, mais il s’agit d’autre chose. Cela n’entre pas dans le cadre du harcèlement sexuel, c’est plus général. C’est la raison pour laquelle je ne comprends pas très bien ces amendements.

Cela étant, il est minuit passé, et je manque peut-être un peu de fraîcheur d’esprit, madame Benbassa.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Brigitte Gonthier-Maurin l’a très bien exprimé, les transsexuels et les transgenres sont plus souvent victimes de discrimination. Cela ne veut pas dire que c’est plus grave, mais c’est indéniablement plus fréquent. Peut-être avons-nous mal situé cette notion en la classant dans les circonstances aggravantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Lors des auditions auxquelles nous avons procédé, notre groupe de travail a bien vu qu’il existait une vraie souffrance. C’est une réalité, comme l’a également souligné Esther Benbassa. Nous pourrions peut-être nous entendre pour placer cette mention à un autre endroit du texte. J’en appelle donc à la réflexion de chacun.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Mme Cohen pose une vraie question, car deux choses sont incontestables.

Premièrement, l’orientation sexuelle est visée dans les articles relatifs au viol et à l’agression sexuelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Deuxièmement, dès lors qu’il y a harcèlement sexuel, et je partage ce que dit Alain Richard, que ce soit à l’encontre d’un homosexuel ou d’un hétérosexuel, les faits sont d’égale gravité.

La solution consisterait donc à inscrire l’orientation sexuelle dans une autre partie de notre texte, celle relative aux discriminations. Ainsi, nous pourrions nous mettre d’accord pour ne pas retenir les amendements et le sous-amendement pour l’instant et reprendre le débat demain.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Monsieur le président de la commission, si ces amendements étaient rejetés, ils ne pourraient pas être redéposés demain compte tenu du délai limite.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Soyez rassurée, madame la présidente, d’autres amendements qui visent la discrimination ont été déposés, et nous avons le droit de sous-amender à tout moment. Le Gouvernement a également la possibilité de prendre des initiatives, sans compter l’imagination dont chacun sait faire preuve.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Je retire mon amendement, madame la présidente.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Nous aussi, en vue d’un déplacement dans une autre partie du texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Les amendements n° 13 et 58 sont retirés et le sous-amendement n° 66 devient sans objet.

Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

L’article 1er est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L’amendement n° 47, présenté par Mme Klès, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 222-33-2 du code pénal est ainsi rédigé :

« Le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour effet ou pour objet d’altérer sa santé physique ou mentale, ou ayant pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, ou de compromettre son avenir professionnel, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende. »

La parole est à Mme Virginie Klès.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Je n’ai pas besoin de lire dans une boule de cristal pour savoir que je n’aurai pas beaucoup plus de succès avec cet amendement qu’avec les précédents, car j’entrouvre la boîte de Pandore du harcèlement moral. Sait-on jamais, peut-être y arriverai-je…

Il s’agit non pas de modifier profondément la définition du harcèlement moral qui figure à l’article 222-33-2 du code pénal, mais de prendre en compte une réalité : les plaintes pour harcèlement moral sont très souvent classées sans suite pour inopportunité, tout simplement, madame la garde des sceaux, vous l’avez rappelé, parce que les parquets estiment que celui-ci ne peut avoir lieu que dans le cadre des relations de travail ou, comme le prévoit un autre article du code, entre conjoints.

Pourquoi cette interprétation ? Parce que, selon le code pénal, le harcèlement moral consiste en des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible d’altérer la santé physique ou mentale ou de compromettre un avenir professionnel. En situant l’expression « altération de la santé physique ou mentale » entre la dégradation des conditions de travail et le fait de compromettre l’avenir professionnel, on aboutit à cette interprétation, à mon sens, malencontreuse. C’est pourquoi je propose de rédiger cet article en établissant un ordre différent.

Madame la garde des sceaux, si vous pouvez m’assurer que la définition du harcèlement moral sera réexaminée, je suis prête à retirer mon amendement. En tout cas, je pense qu’il est important de se pencher sur ce sujet très rapidement.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

La commission a émis un avis défavorable, car elle estime que le moment n’est pas venu d’ouvrir le chantier, très important, du harcèlement moral.

Cela dit, j’entends très nettement les propos de Mme Klès qui interpellent le Gouvernement. Nous serons également attentifs à la réponse du Gouvernement sur la question globale du harcèlement moral.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Madame Klès, je vous renvoie à ce que disait assez justement Alain Richard, à savoir que le projet de loi dont nous discutons traite d’un délit, celui du harcèlement sexuel. Il ne nous paraît donc pas opportun d’ouvrir un autre débat, par ailleurs passionnant, sur le harcèlement moral. Cette discussion aura peut-être lieu un peu plus tard au cours de ce quinquennat, mais, aujourd’hui, je vous suggère que nous en restions là, d’autant que nous avons engagé une procédure accélérée qui doit nous conduire à un examen rapide de ce texte.

En conséquence, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Madame Klès, l’amendement n° 47 est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

En conséquence, je retire cet amendement, madame la présidente.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L’amendement n° 47 est retiré.

L’amendement n° 33, présenté par Mme Dini, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 8 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque les faits ont été commis dans le cadre des relations de travail, le délai de prescription de l’action publique des délits définis aux articles 222-28 et 222-33 du code pénal ne commence à courir qu’à compter du jour où la relation contractuelle qui unissait la victime à la structure au sein de laquelle les faits ont été commis a pris fin. »

La parole est à Mme Muguette Dini.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Par cet amendement, que j’ai déjà défendu lors de la discussion générale, je propose que le délai de prescription de l’action publique des agressions sexuelles aggravées et du harcèlement sexuel ne commence à courir qu’à compter du jour où la relation contractuelle qui unissait la victime à la structure – entreprise ou association – au sein de laquelle les faits ont été commis a pris fin.

Madame la garde des sceaux, lors de votre audition du 26 juin dernier, au Sénat, je vous ai interpellée précisément sur ce sujet. En réponse, vous avez indiqué vouloir, plutôt qu’allonger le délai de prescription des violences sexuelles, faire en sorte que la victime de harcèlement puisse saisir la justice le plus rapidement possible. C’est bien entendu notre souhait à tous.

Je ne suis toutefois pas persuadée que les victimes puissent porter plainte avant d’avoir définitivement quitté leur harceleur. Elles se sentent souvent physiquement, psychologiquement ou matériellement insuffisamment fortes pour le faire, et cela même si elles sont aidées par des associations. Mon souhait serait donc que le délai de prescription démarre lorsque le harceleur et sa victime se sont séparés.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

La prescription est un autre vaste et délicat sujet, qui a déjà été assez largement exploré. Je pense notamment à un rapport d’information de la commission des lois, dont l’une des conclusions était que nous devions toujours être très attentifs aux conséquences des modifications des délais de prescription.

Je comprends bien le sens de votre démarche, madame Dini. Imaginons toutefois le cas de contrats d’intérim qui se succèdent dans le temps : à partir de quand le délai de prescription commencerait-il à courir ? Cet exemple prouve, me semble-t-il, que la question mérite un examen plus approfondi.

En conséquence, la commission a émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Madame Dini, je tiens tout d’abord à vous dire que j’ai beaucoup apprécié votre intervention au cours de la discussion générale, sa vigueur, son niveau d’exigence et les exemples que vous avez cités. Je laisse au Conseil constitutionnel le soin de vous répondre. Pour ma part, vous comprendrez que j’éviterai de me mêler de la querelle…

Sourires.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Je reprends l’argument que j’ai défendu l’autre jour devant la commission, à savoir que notre souci, dans ce texte, est de créer les conditions pour que la victime soit le plus rapidement possible en capacité de porter plainte, plutôt que de lui octroyer, presque ad vitam aeternam, un délai pour agir en justice. En effet, pour cette infraction en particulier, plus il s’écoule de temps après les faits, plus il sera difficile de rassembler des preuves et de trouver des témoins.

De notre point de vue, la solution réside davantage dans les conditions que nous créons pour que la victime soit en capacité de déposer plainte, en la protégeant contre toute forme de discrimination, c’est-à-dire contre la sanction qu’elle pourrait encourir pour avoir refusé de subir le harcèlement. Tel est l’objet de l’article 2. C’est aussi dans cette perspective que nous proposons de modifier le code du travail et de protéger les témoins.

Notre souci est donc, d’une part, de nous prémunir contre les risques du temps qui passe – je pense à la difficulté grandissante de prouver les faits et de trouver des témoins – et, d’autre part, de protéger immédiatement la victime, ce qui facilite le dépôt de la plainte.

Quoi qu’il en soit, il me serait extrêmement désagréable d’émettre un avis défavorable sur cet amendement. C’est pourquoi je me permets de solliciter son retrait, madame Dini.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Madame la garde des sceaux, vous avez bien compris que cet amendement avait pour objet d’interpeller à nouveau le Gouvernement et le Sénat sur le problème de la prescription en ce qui concerne toutes les violences sexuelles, qu’il s’agisse de harcèlement, d’agression ou de viol.

On sait qu’il est très difficile pour les victimes de ces infractions de révéler les faits, et je voulais à nouveau attirer votre attention sur cette difficulté.

Cela étant, je retire mon amendement.

I. – Après l’article 225-1 du même code, il est inséré un article 225-1-1 ainsi rédigé :

« Art. 225-1-1. – Constitue également une discrimination toute distinction opérée entre les personnes résultant du fait qu’elles ont subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement sexuel tels que définis à l’article 222-33, y compris si ces agissements n’ont pas été commis de façon répétée. »

II. – Au premier alinéa des articles 225-2 et 432-7 du même code, la référence : « à l’article 225-1 » est remplacée par les références : « aux articles 225-1 et 225-1-1 ».

III

IV

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

L’article 2 vise à introduire un article 225-1-1 tendant à interdire d’opérer une distinction entre les personnes ayant subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement sexuel.

Lorsque cette discrimination consiste à refuser d’embaucher, à sanctionner ou à licencier une personne, l’article 225-2 du code pénal prévoit une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Or, pour les mêmes faits, l’alinéa 8 de l’article 3 du présent projet de loi, qui tend à modifier le code du travail, prévoit une peine d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende. Il y a donc là un souci de cohérence, qui plaide à mon sens en faveur d’un travail de fond sur la question de l’échelle des peines.

Au cours des réunions du groupe de travail, cette question a longuement été évoquée. La proposition de certaines associations de porter à cinq ans d’emprisonnement la sanction du harcèlement sexuel a, notamment, été soumise au débat.

Cette proposition n’a pas recueilli notre assentiment, car elle reviendrait à mettre au même niveau le harcèlement sexuel et les agressions sexuelles autres que le viol, punies, elles, de cinq ans de prison. Il y aurait alors, selon nous, un risque de voir, encore davantage qu’aujourd’hui, des faits constitutifs d’agression requalifiés en harcèlement. Cette requalification est précisément dénoncée, à juste titre.

On pourrait me répondre qu’il suffirait de réévaluer la peine encourue pour les agressions sexuelles et, par voie de conséquence, pour les viols. Or je ne suis pas persuadée que c’est en aggravant les peines qu’on éradiquera le harcèlement. S’il faut évidemment que la peine ait un effet dissuasif – ce n’est pas son seul rôle –, l’avancée attendue ne se fera qu’en menant un travail de prévention.

Le travail de prévention réalisé depuis quelques années pour les violences conjugales, de même que la formation des magistrats, des policiers et de tous les acteurs concernés, a permis, me semble-t-il, une prise de conscience de la gravité de ces faits. Nous pourrions nous servir de cet exemple pour le harcèlement sexuel.

Nous ne nions pas les nombreuses incohérences dans l’échelle des peines. Ainsi, nous avons souvent mis en parallèle la peine prévue pour le vol simple, infraction aux biens punie de trois ans de prison et de 45 000 euros d’amende, et celle associée au harcèlement, atteinte à la personne punie de deux, voire de trois ans de prison et de 30 000 à 45 000 euros d’amende. Cet argument s’entend. Néanmoins, la solution ne se trouve pas, selon nous, dans une surenchère des peines de toutes les atteintes aux personnes, mais plutôt dans une révision des peines pour vol.

Nous invitons le Gouvernement à engager une réflexion sur l’échelle des peines, et nous sommes prêts à y prendre une part active. Cette réflexion pourrait, par exemple, prendre la forme d’une commission qui serait dédiée au recensement des infractions et à la réévaluation de leurs peines – le travail à mener est considérable.

Madame la garde des sceaux, vous avez clairement affirmé votre volonté qu’une réflexion de fond soit menée sur la place de la prison dans notre société, et plus généralement sur le sens de la peine. Je ne doute pas de votre mobilisation sur le sujet.

L’article 2 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 12 juillet 2012 :

À neuf heures trente :

1. Débat sur la politique commune de la pêche.

À quinze heures :

2. Questions d’actualités au Gouvernement.

3. Éventuellement, suite de l’ordre du jour du matin.

4. Suite du projet de loi relatif au harcèlement sexuel (procédure accélérée) (n° 592, 2011-2012) ;

Rapport de M. Alain Anziani, fait au nom de la commission des lois (619, 2011-2012) ;

Texte de la commission (n° 620, 2011-2012) ;

Avis de Mme Christiane Demontès, fait au nom de la commission des affaires sociales (613, 2011-2012) ;

Rapport d’information de Mme Brigitte Gonthier-Maurin, fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes (619, 2011-2012).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée le jeudi 12 juillet 2012, à zéro heure vingt-cinq.