Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 11 juillet 2012 à 21h45
Harcèlement sexuel — Article 2

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

L’article 2 vise à introduire un article 225-1-1 tendant à interdire d’opérer une distinction entre les personnes ayant subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement sexuel.

Lorsque cette discrimination consiste à refuser d’embaucher, à sanctionner ou à licencier une personne, l’article 225-2 du code pénal prévoit une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Or, pour les mêmes faits, l’alinéa 8 de l’article 3 du présent projet de loi, qui tend à modifier le code du travail, prévoit une peine d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende. Il y a donc là un souci de cohérence, qui plaide à mon sens en faveur d’un travail de fond sur la question de l’échelle des peines.

Au cours des réunions du groupe de travail, cette question a longuement été évoquée. La proposition de certaines associations de porter à cinq ans d’emprisonnement la sanction du harcèlement sexuel a, notamment, été soumise au débat.

Cette proposition n’a pas recueilli notre assentiment, car elle reviendrait à mettre au même niveau le harcèlement sexuel et les agressions sexuelles autres que le viol, punies, elles, de cinq ans de prison. Il y aurait alors, selon nous, un risque de voir, encore davantage qu’aujourd’hui, des faits constitutifs d’agression requalifiés en harcèlement. Cette requalification est précisément dénoncée, à juste titre.

On pourrait me répondre qu’il suffirait de réévaluer la peine encourue pour les agressions sexuelles et, par voie de conséquence, pour les viols. Or je ne suis pas persuadée que c’est en aggravant les peines qu’on éradiquera le harcèlement. S’il faut évidemment que la peine ait un effet dissuasif – ce n’est pas son seul rôle –, l’avancée attendue ne se fera qu’en menant un travail de prévention.

Le travail de prévention réalisé depuis quelques années pour les violences conjugales, de même que la formation des magistrats, des policiers et de tous les acteurs concernés, a permis, me semble-t-il, une prise de conscience de la gravité de ces faits. Nous pourrions nous servir de cet exemple pour le harcèlement sexuel.

Nous ne nions pas les nombreuses incohérences dans l’échelle des peines. Ainsi, nous avons souvent mis en parallèle la peine prévue pour le vol simple, infraction aux biens punie de trois ans de prison et de 45 000 euros d’amende, et celle associée au harcèlement, atteinte à la personne punie de deux, voire de trois ans de prison et de 30 000 à 45 000 euros d’amende. Cet argument s’entend. Néanmoins, la solution ne se trouve pas, selon nous, dans une surenchère des peines de toutes les atteintes aux personnes, mais plutôt dans une révision des peines pour vol.

Nous invitons le Gouvernement à engager une réflexion sur l’échelle des peines, et nous sommes prêts à y prendre une part active. Cette réflexion pourrait, par exemple, prendre la forme d’une commission qui serait dédiée au recensement des infractions et à la réévaluation de leurs peines – le travail à mener est considérable.

Madame la garde des sceaux, vous avez clairement affirmé votre volonté qu’une réflexion de fond soit menée sur la place de la prison dans notre société, et plus généralement sur le sens de la peine. Je ne doute pas de votre mobilisation sur le sujet.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion