Ce que nous tenons à dire, c’est que les membres du parquet doivent, à l’instar des membres du Conseil d’État ou des membres de la Cour des comptes, bénéficier de garanties statutaires.
Si les membres du parquet sont amenés, demain, à mener instructions et enquêtes préliminaires, le juge d’instruction disparaissant, il me semble encore plus indispensable de les protéger par des garanties statutaires. En effet, on peut supposer qu’ils ne seront pas toujours disposés à suivre la ligne que leur indique le pouvoir exécutif. Souvenons-nous de ce qui est arrivé récemment aux procureurs généraux d’Angers et de Riom !
Seul point positif : la saisine directe du CSM par le justiciable. Il est vrai que, après l’affaire d’Outreau, le pouvoir politique s’est senti obligé de trouver une solution. Mais celle qu’il a mise au point dans un premier temps a été censurée par le Conseil constitutionnel.
Nous ne pouvons que nous féliciter de l’ouverture de la saisine disciplinaire du CSM aux justiciables. Je crois d’ailleurs que les syndicats de magistrats sont favorables à cette procédure. Ils font là, du reste, preuve d’un certain courage, car je doute que l’ensemble du corps en soit fanatique…
L’idée est bonne, car elle est de nature à restaurer la confiance des citoyens dans leur justice, dans les magistrats, en particulier.
À mon avis, il faut éviter deux écueils.
Le premier serait d’instrumentaliser cette procédure pour déstabiliser la juridiction ; c’est pourquoi il faut prévoir un certain nombre de garanties.
Le deuxième consisterait à faire naître des illusions dans l’esprit du justiciable. La décision rendue par le juge fait presque toujours au moins un mécontent ; au pénal, c’est évident ; au civil, en général, une des deux parties. Je me souviens d‘un discours de rentrée de la cour d’appel de Paris, dans les années soixante-dix, au cours duquel un haut magistrat avait développé cette idée.
Désormais, le justiciable mécontent va pouvoir saisir le CSM. Mais il devra invoquer le « comportement » de tel ou tel magistrat. En commission, nous avons débattu de cette notion. Que faut-il, en l’occurrence, entendre par « comportement » ?
Un président qui insulte des parties à l’audience, un juge d’instruction qui injurie une personne mise en examen, cela relève indéniablement d’un comportement susceptible de constituer une faute disciplinaire.
Mais est-ce que le fait de ne pas agir est un « comportement » ou un acte juridictionnel ? Je pense, par exemple, au juge d’instruction qui, malgré des demandes réitérées, refuse de faire procéder à des expertises, à des auditions ou à des confrontations, bref, laisse traîner. S’agit-il d’un « comportement » ? Après tout, il est libre de mener son instruction comme il l’entend, donc libre de ne rien faire, éventuellement, pendant un certain temps : c’est à lui d’apprécier. Peut-être a-t-il de bonnes raisons d’agir de la sorte !