Intervention de Patrice Gélard

Réunion du 15 octobre 2009 à 9h30
Article 65 de la constitution — Discussion d'un projet de loi organique

Photo de Patrice GélardPatrice Gélard :

Notre commission a soulevé un certain nombre de problèmes, sur lesquels je ne reviendrai pas : le statut de l’avocat, prévu aux articles 4 et 6 bis du projet de loi organique ; le statut du secrétaire général, que nous proposons d’améliorer ; le maintien de la parité dans les formes disciplinaires, prévu à l’article 9, notamment lorsque l’un des magistrats se trouvera dans l’incapacité de siéger, son remplacement étant alors prévu afin de maintenir la parité.

L’article 12 étend les compétences de la formation plénière à un domaine dont elle n’était pas saisie auparavant : la déontologie. C’est un élément très important, qui conditionnera dans une certaine mesure la mise en jeu de la responsabilité des magistrats ou des procureurs.

Le texte comporte, enfin, des dispositions disciplinaires.

J’aborderai, tout d’abord, la partie du texte qui me paraît la plus novatrice pour l’avenir : la possibilité pour de simples citoyens de saisir le CSM.

Il s’agit d’une disposition très importante pour les raisons que j’ai déjà dites, mais aussi pour d’autres, qui n’ont pas été évoquées jusqu’à présent dans ce débat. Nous ne devons pas oublier, en effet, que notre CSM a servi de modèle dans les Constitutions de plusieurs pays de l’Union européenne ayant accédé assez récemment à la démocratie. Il se peut donc que cette nouvelle formule, si nous l’adoptons, soit suivie par d’autres États, comme la Bulgarie et la Pologne, qui ont mis en place, à cet égard, un système tout à fait comparable au nôtre.

Le point de départ de cette nouvelle procédure est le dépôt d’une plainte par un citoyen.

Dans un deuxième temps, ces plaintes seront filtrées par la commission des requêtes.

Je n’insisterai pas sur les divergences qui sont apparues à propos de ce « filtre ». Faut-il une ou plusieurs commissions des requêtes ? Faut-il deux commissions distinctes, l’une pour les plaintes concernant des magistrats du siège, l’autre pour celles impliquant des magistrats du parquet ? Cette question mérite que l’on s’y attache. Je crains, pour ma part, que la pluralité de ces commissions n’emporte un risque de divergence de jurisprudence au fil du temps.

Quoi qu’il en soit, un filtre est nécessaire, et nous y reviendrons dans la discussion des articles.

Pour pouvoir examiner ces plaintes, la commission des requêtes doit disposer de moyens. Le projet de loi organique prévoit en effet la possibilité de déléguer un magistrat de rang au moins égal à celui qui fait l’objet d’une plainte pour mener des investigations sur place. Les moyens financiers dont dispose actuellement le CSM suffiront-ils pour accomplir cette tâche ou faudra-t-il trouver des moyens supplémentaires ?

S’agissant des moyens, j’ajoute que le CSM comprendra désormais certains membres occupés à plein-temps, ce qui n’est pas toujours le cas actuellement. Il faudra bien financer leurs dépenses nouvelles et leurs déplacements professionnels. Nous devons envisager toutes ces éventualités.

Il faudra ensuite désigner un rapporteur. Je rappelle que les membres de la commission des requêtes ne pourront pas siéger dans la formation de jugement qui se réunira par la suite. Le rapporteur aura, lui aussi, la possibilité de déléguer pour mener les investigations qui lui seront nécessaires.

Enfin, la section disciplinaire se réunira pour statuer sur la plainte.

Je me dois, à ce stade, de formuler quelques remarques.

Premièrement, il est absolument nécessaire de dégager des moyens supplémentaires pour le CSM, notamment auprès de son secrétaire général, qui devra assumer des fonctions nouvelles par rapport à celles qui étaient les siennes jusqu’à présent.

Deuxièmement, nous risquons de connaître, tout au moins durant les premières années d’application de ce texte, un engorgement des commissions des requêtes, et peut-être aussi du CSM, en raison d’un afflux des recours engagés par les citoyens. Nous ne pouvons ni prévenir ce risque ni en prévoir l’ampleur, mais il faut être conscient que nous y serons confrontés. Chacun sait que, lorsqu’un droit nouveau est ouvert, après une période de latence plus ou moins longue, les citoyens se précipitent dans la brèche pour mettre en œuvre ce droit et voir comment l’institution réagit. Nous pouvons donc nous attendre que le CSM, dans un an, dans dix-huit mois, soit saisi d’un nombre de recours plus important que prévu.

Un certain nombre de magistrats risquent de s’en trouver fragilisés.

Je pense aux juges chargés des affaires familiales, qui sont souvent l’objet de la vindicte des personnes aux torts desquelles a été prononcé un divorce, ou qui n’ont pas obtenu satisfaction pour la garde des enfants ou pour l’octroi d’une prestation compensatoire. Des haines tenaces se font parfois jour, qui risquent d’être à l’origine de nombreux recours.

De même, les juges chargés des affaires impliquant des mineurs, dont la tâche est déjà très difficile, pourront être visés par des recours qui risquent de les déstabiliser.

Les juges chargés de l’application des peines feront probablement aussi l’objet de nombreuses plaintes.

Je n’aurai garde d’oublier le cas des magistrats du parquet. Un grand nombre de plaignants, mécontents d’un classement sans suite de leur affaire, verront là un moyen de contraindre le procureur à expliquer pourquoi il a fait ce choix.

Ces risques de déstabilisation ne sont pas négligeables et nous devrons trouver des solutions pour protéger les magistrats, dont les fonctions les placent en première ligne, alors qu’ils sont amenés à prendre des décisions délicates. Sans doute faudra-t-il prévoir des sanctions financières pour recours abusif, qui sont courantes devant les juridictions administratives.

M. Mézard a soulevé le problème de l’extension de l’aide juridictionnelle aux recours devant le CSM. Il paraît en effet évident que les personnes souhaitant introduire de tels recours devront être aidées sur un plan juridique. C’est une bonne question, à laquelle il convient de réfléchir, même si elle ne relève pas du domaine de la loi organique.

Compte tenu des progrès remarquables que ce texte apportera à nos concitoyens et au fonctionnement du CSM, dont la réforme est réclamée depuis de longues années, le groupe UMP votera à l’unanimité le présent projet de loi organique.

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