Intervention de Jean-Marc Ayrault

Réunion du 13 septembre 2012 à 15h00
Questions d'actualité au gouvernement — Les 100 jours du gouvernement

Jean-Marc Ayrault, Premier ministre :

Monsieur Raffarin, la situation que vous avez décrite est celle non seulement de la France, mais de l’ensemble de la zone euro, dans un contexte mondial de croissance dégradée, affectant tous les pays.

Je suis d’accord avec vous sur un point essentiel : toutes les forces doivent s’unir pour réussir le redressement du pays, mais aussi la réorientation de l’Europe. Celle-ci ne se décrète pas. Le Président de la République, dites-vous, n’en a pas parlé dimanche soir. Mais quel a été son premier acte, le jour même de sa prise de fonctions et de ma nomination, le 15 mai dernier ? Ce fut de se rendre à Berlin, pour discuter avec Mme Merkel de l’avenir de l’Europe. Vous l’avez vu, il n’a pas ménagé sa peine, au cours des premières semaines de son action, et déjà des résultats ont pu être obtenus. Sont-ils suffisants ? À l’évidence, non, mais il faut mesurer le chemin parcouru !

Avant de développer ce point, je voudrais tout de même souligner que nous avons trouvé, à notre arrivée, une situation dégradée, au-delà même de ce que nous imaginions. Nous étions conscients, je l’ai dit à l’occasion de ma déclaration de politique générale, de la gravité de la crise. Le Président de la République a parlé, à Châlons-en-Champagne, d’une « crise d’une gravité exceptionnelle ».

Vous avez évoqué la situation de PSA, mais nous avons découvert des plans sociaux retardés, des secteurs industriels en grande difficulté, des problèmes d’accès au crédit, non seulement pour les PME et les TPE, mais aussi pour les collectivités territoriales. Telle est la réalité à laquelle nous sommes confrontés ; nous agissons chaque jour avec détermination, tout en faisant face à l’urgence.

Je vous remercie d’ailleurs d’avoir annoncé que, même si vous ne partagez pas nos choix politiques, vous alliez voter le texte du Gouvernement portant création des emplois d’avenir. En effet, nous ne pouvons pas laisser tomber tous ceux qui sont, aujourd’hui, très éloignés de l’emploi, en particulier les jeunes sans qualification.

Nous devons relever le défi de la réforme de notre système éducatif, de la refondation de l’école. Il faudra des moyens et du temps pour former de nouveau les futurs professeurs, les nommer là où il y a des besoins. En même temps, nous devons agir dans l’urgence : c’est le sens des contrats de génération, qui compléteront le dispositif que je viens d’évoquer.

S’agissant du pouvoir d’achat, le Parlement sera amené à se prononcer sur un texte relatif à une tarification progressive de la consommation de gaz et d’électricité, venant s’ajouter au projet de loi sur le logement adopté ce matin même par le Sénat.

Cela suffira-t-il pour réorienter notre économie vers la croissance ? À l’évidence, non ! Nous engageons des réformes de structures. J’en ai évoqué une, essentielle. Hier, le Président de la République et moi-même avons réuni les présidents de région. J’ai signé avec le président Rousset un accord portant sur quinze engagements réciproques entre l’État et les conseils régionaux. Ceux-ci connaissent bien la réalité de nos territoires, de nos entreprises, qu’il s’agisse des PME, des TPE ou des ETI, ces entreprises de taille intermédiaire qui ne sont pas encore assez nombreuses dans notre pays, ni suffisamment puissantes. Je sais que vous êtes sensible à ce sujet, monsieur Raffarin.

Nous avons également décidé la mise en place de la Banque publique d’investissement, qui vous sera présentée dans quelques semaines. Vous avez parlé de l’accès au crédit. Le Président de la République, dans son discours du Bourget, avait souligné que la finance devait être mise au service de l’économie. Le premier acte allant dans ce sens est la création de la Banque publique d’investissement, qui comportera des antennes régionales, dans le fonctionnement desquelles les conseils régionaux seront impliqués, y compris dans le cadre des procédures d’engagement.

Nous voulons aider les PME à innover, à investir, à exporter. C’est le défi que nous relevons. J’ai même fixé un objectif s’agissant du commerce extérieur : alors que nous enregistrons aujourd’hui un déficit de 25 milliards d’euros, hors énergie, nous entendons au moins revenir à l’équilibre à la fin du quinquennat. Voilà un engagement extrêmement volontariste, comme l’est celui du Président de la République de lutter contre le chômage.

Il est vrai que redresser nos comptes publics est également une nécessité. Ceux-ci sont très dégradés. Nous avons commencé à traiter le problème au travers de la loi de finances rectificative pour 2012, nous continuerons à le faire dans la loi de finances pour 2013. L’objectif de ramener le déficit à 3 % du PIB ne nous est pas imposé de l’extérieur ; c’est nous qui avons décidé de maîtriser une dette qui a augmenté de 600 milliards d’euros en cinq ans. En effet, ce sont notre indépendance, notre souveraineté qui sont en jeu.

Si nous ne menons pas cette action, nous ne retrouverons pas les marges de manœuvre nécessaires. Dans le même temps, la prochaine loi de finances devra bien sûr être juste, et elle le sera, à l’image des décisions que nous avons déjà prises depuis le mois de mai dernier, par décrets ou au travers de dispositions votées par le Parlement.

Nous ne voulons pas nous laisser imposer par les marchés financiers un plan d’austérité qui mettrait à mal l’avenir de notre pays. Nous voulons garder notre liberté, reconquérir des marges de manœuvre pour que, au lieu de consacrer d’abord l’argent public au remboursement de la dette, nous puissions le mettre au service des investissements d’avenir dont notre pays a besoin. C’est le choix que nous avons fait.

Quant à l’Europe, l’élection de François Hollande a permis, à l’évidence, de faire bouger les lignes. Sans elle, il aurait été bien difficile d’obtenir un accord sur le pacte de croissance lors du Conseil européen des 28 et 29 juin derniers.

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