Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 15 octobre 2009 à 15h15
Article 65 de la constitution — Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi organique

Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le débat de ce matin était moins une discussion que l’exposé de diverses positions, toutes fort intéressantes : je tiens donc à remercier chacun des orateurs pour ses propos. Je ne répondrai pas dans le détail à chaque intervention, car beaucoup d’entre elles recoupent des problématiques que nous évoquerons lors de la discussion des articles et des amendements. Ma réponse sera brève, pour ne pas retarder l’examen du fond des problèmes.

À mes yeux, trois positions se dégagent des interventions de ce matin.

Un premier groupe de sénateurs rejette catégoriquement la révision constitutionnelle de 2008. Ils en tirent la conséquence logique en annonçant leur volonté de voter contre ce projet de loi organique. Ils ont justifié ce rejet, chacun avec leur tempérament, certains avec talent, d’autres en faisant plus preuve d’a priori, mais en établissant tous le même constat : ce projet de loi applique une révision constitutionnelle que nous avons rejetée, nous le rejetons donc également.

Un autre groupe de sénateurs avait émis des doutes lors de la révision constitutionnelle, voire avait voté contre. Mais ils estiment que, cette révision ayant été adoptée, il convient d’examiner le projet de loi organique pour lui-même et de l’évaluer en fonction de leur propre conception de la justice. Ce point de vue est éminemment respectable : nous allons d’ailleurs procéder ensemble à l’examen des dispositions de ce texte.

Enfin, certains d’entre vous estiment que la révision constitutionnelle de 2008 représente une avancée importante pour notre démocratie, qu’elle renforce effectivement l’indépendance de la magistrature et permet à la justice d’évoluer vers plus de transparence, d’être mieux comprise et mieux reconnue par les Français. Ainsi, la possibilité ouverte à tout justiciable de saisir le Conseil supérieur de la magistrature lorsqu’il estime le comportement d’un magistrat répréhensible est bien un élément de la démocratie au quotidien.

Par conséquent, le texte du projet de loi organique, déjà amélioré par l’intervention de la commission des lois et de son rapporteur, devrait, au terme de nos débats, se trouver le plus conforme possible à la volonté, que nous partageons tous malgré nos divergences, de voir notre justice contribuer à la cohésion nationale. J’ai dit ce matin que cette cohésion était aujourd’hui menacée et qu’elle supposait une justice reconnue par tous comme indépendante, à l’abri de toutes les pressions – je dis bien « de toutes les pressions » –, qui n’émanent pas seulement des politiques, comme l’a rappelé avec beaucoup de talent le sénateur Haenel.

Je répondrai très rapidement aux différentes interventions.

Le rapporteur, M. Jean-René Lecerf, a rappelé son apport personnel et celui de la commission des lois, puisque nous travaillons sur le texte issu des travaux de la commission. Il a insisté tout particulièrement sur les problèmes posés par la parité et par la situation de l’avocat devant siéger au sein du Conseil supérieur de la magistrature en vertu de la révision constitutionnelle. Nous aurons l’occasion d’aborder ces questions lors de l’examen des articles.

Madame Borvo Cohen-Seat, votre intervention manifestait une telle outrance pour tenter de justifier un veto négatif a priori qu’il m’est difficile de répondre avec des arguments pertinents, tant vos propos étaient empreints de présupposés idéologiques. Chaque fois que nous critiquons notre système judiciaire ou nos magistrats, en faisant peser des suspicions sur eux – car c’est ce que vous avez fait ce matin –, c’est l’ensemble de la justice que l’on attaque, M. Badinter l’a bien souligné, même s’il ne s’adressait pas à vous.

Nous devons nous-mêmes être très prudents quant aux jugements que nous portons, en sachant que nous pouvons porter atteinte à la dignité et à l’honneur des magistrats, dont je sais – je le constate tous les jours – combien ils sont convaincus de leur rôle et combien ils sont soucieux de leur liberté et de leur indépendance dans les décisions qu’ils sont amenés à rendre.

Vous mettez en doute l’indépendance de la commission des requêtes, en arguant du fait que le ministre peut saisir le Conseil supérieur de la magistrature lorsque la commission rejette la plainte du justiciable – comme si chacun dans la vie n’avait pas le droit de former un recours ! Le ministre ne prendra pas la décision, c’est la formation compétente du Conseil qui tranchera. Pourquoi voulez-vous donc empêcher toute saisine par le ministre ? Vous faites preuve d’une curieuse conception de la démocratie !

Vous êtes également revenue sur un certain nombre de questions que nous aborderons tout à l’heure, puisque votre groupe a déposé un amendement sur les sanctions, prévoyant que la révocation ne puisse pas s’accompagner d’une suspension du droit à la retraite. Nous allons discuter de ce point précis, mais la présentation générale de votre argumentation me paraît trop excessive pour qu’il convienne d’y répondre en détail.

M. Zocchetto a effectivement reconnu, et je l’en remercie, les avancées contenues dans les deux parties de ce projet de loi organique relatives à la composition et à l’organisation du Conseil supérieur de la magistrature, d’une part, et à la possibilité pour le justiciable de saisir ledit conseil, d’autre part. Il a également présenté un certain nombre de suggestions, portant notamment sur la nécessité que la saisine soit dirigée contre un magistrat qui n’est plus saisi de la procédure et sur les problèmes liés à la parité au sein des formations du Conseil. Nous examinerons aussi ces sujets lors de l’examen des articles.

M. Michel a eu l’honnêteté d’annoncer – je sais qu’il est un homme éminemment honnête !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion