Les amendements n° 3 et 10 sont diamétralement opposés à l’amendement n° 25. Je serais tenté de citer le proverbe In medio stat virtus pour justifier la position de la commission des lois.
Les amendements n° 3 et 10 tendent à interdire à l’avocat qui est nommé membre du CSM d’exercer sa profession durant son mandat. Une telle disposition nous semble contraire à la volonté du constituant : si ce dernier avait voulu qu’il s’agisse d’un avocat honoraire, il aurait clairement exprimé cette volonté. En l’espèce, il nous est difficile d’exiger cette condition. Cela étant, si le Conseil national des barreaux souhaitait, dans sa grande sagesse, désigner un avocat honoraire ou un avocat près de le devenir, nous ne nous en plaindrions pas nécessairement.
De plus, les garanties ajoutées par la commission des lois au texte initial paraissent suffisantes pour éviter, autant que faire se peut, que l’avocat ne soit placé, du fait de sa pratique, dans une situation de conflit d’intérêts. En effet, il lui est fait interdiction, pendant toute la durée de son mandat, de plaider devant les tribunaux ou d’agir en conseil juridique d’une partie engagée dans une procédure.
Rappelons également que, pour tous les autres cas litigieux, les règles exigeantes de déport maintenant définies à l’article 10-1 de la loi organique par un amendement de la commission auront vocation à jouer.
C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur les amendements n° 3 et 10.
L’amendement du Gouvernement tend à supprimer l’impossibilité pour l’avocat d’exercer intégralement ses fonctions d’avocat et de plaider. Cet amendement ne recueille pas non plus l’avis favorable de la commission, et ce pour deux raisons.
Premièrement, la commission n’est pas convaincue que cette disposition encoure le grief d’inconstitutionnalité. Elle n’empêche pas l’avocat de continuer à exercer sa profession, elle fixe simplement des limites : nous ne souhaitons pas que l’avocat soit amené à plaider ou à exercer un rôle de conseil juridique dans une procédure en cours. En revanche, l’avocat d’affaires aura toute possibilité de continuer à travailler sur les dossiers qu’il suit, s’il ne plaide pas lui-même. Il n’a pas à se faire omettre du barreau : il peut parfaitement demeurer avocat.
Deuxièmement, tous les magistrats que la commission des lois a auditionnés ou avec lesquels je me suis entretenu, qu’il s’agisse des plus hauts d’entre eux ou des représentants des organisations syndicales – l’Union syndicale des magistrats, le Syndicat de la magistrature ou Force ouvrière magistrats –, ont unanimement attiré notre attention sur une situation qui pourrait poser problème : un plaideur constate que le conseil de son adversaire est membre du CSM et que la solution du litige qui l’oppose audit adversaire passera par un juge dont la carrière est susceptible d’être influencée de façon décisive par l’avocat de son adversaire.
Cela remet en cause ma conception de la justice ! J’ai déjà eu l’occasion de le dire en commission, la justice ne doit pas seulement être juste - sur ce point, je fais totalement confiance à la déontologie de l’avocat – ; elle doit également donner toutes les apparences de la justice. Ici, tel n’est pas le cas. La solution proposée par la commission n’est peut-être pas extraordinaire, mais elle est, me semble-t-il, la plus respectueuse des parties en présence et de l’idée que l’on se fait de la justice et de la volonté du constituant. Cher Patrice Gélard, si le constituant avait prévu la désignation d’un professeur de droit, cela aurait effectivement évité quelques problèmes…