J'accueille avec plaisir Michel Sapin, ministre du travail, et Thierry Repentin, ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Le projet de loi portant création des emplois d'avenir a été adopté par l'Assemblée nationale la semaine dernière ; nous l'examinerons en séance publique à partir du lundi 24 septembre. Les précisions que nous apporterons les ministres, sur un texte largement modifié par l'Assemblée nationale, seront précieuses. Notre collègue Claude Jeannerot nous présentera ensuite son rapport.
M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. - Un constat, d'abord : jamais il n'y a eu en France autant de jeunes sans emploi et sans formation, sortis du système éducatif sans le moindre bagage. Quelques-uns arrivent à se débrouiller, à entreprendre sur le tard une formation, mais il en reste 500 000 qui n'ont ni emploi, ni formation.
Si le taux de chômage des jeunes de moins de vingt-cinq ans est d'environ 22 % en moyenne, il peut atteindre, dans certaines zones, jusqu'à 50 %, voire 60 %, comme en outre-mer. Dois-je décrire les conséquences d'une telle situation sur les jeunes eux-mêmes, sur leur famille, sur la vie dans leurs quartiers ? Les actes condamnables qui se sont déroulés à Amiens cet été ont eu lieu dans un quartier où 57 % des jeunes sont au chômage. Une telle situation est dangereuse pour la cohésion sociale et la tranquillité publique. Des zones rurales, où l'emploi est rare et les obstacles à la mobilité importants, sont également touchées. Le nouveau dispositif ne règlera pas le problème du chômage dans son intégralité, mais une partie, dont les conséquences pour notre société sont graves.
Je souhaiterais insister devant vous sur les principaux points qui ont fait débat : quels jeunes doivent bénéficier des emplois d'avenir ? Quels employeurs choisir ?
Les jeunes que je viens de décrire sont bien la cible prioritaire des emplois d'avenir. Nous avons entrouvert la porte à ceux qui ont un petit bagage, soit un diplôme du niveau du baccalauréat, qui ont fait un effort de formation. L'Assemblée nationale a voulu ouvrir la porte plus grand encore... au risque de nous faire manquer notre cible. Je vous fais confiance pour trouver le bon équilibre.
Le dispositif n'est pas réservé aux zones en grande difficulté : il est ouvert à tous les jeunes sans emploi ni formation, sur tout le territoire. Il y a certes des priorités : les zones urbaines sensibles, les zones rurales ayant un fort taux de chômage des jeunes, l'outre-mer. L'une des tâches prioritaires des préfets, de Pôle emploi et de toutes les parties prenantes sera de repérer, quel que soit le territoire, les jeunes qui gagneraient à entrer dans le dispositif.
Autre débat, l'ouverture ou non aux employeurs du secteur privé. Si nous avons donné la priorité au secteur public, à l'économie sociale et solidaire et aux associations, c'est que les nouveaux contrats s'adressent à des jeunes difficilement employables par le secteur privé. Nous devons donc faire appel à des employeurs qui savent comment les accueillir. En outre, ces jeunes ont perdu la fierté d'eux-mêmes ; travailler dans des structures qui sont au service des autres, de leurs concitoyens, contribuera à leur redonner confiance. Le taux de l'aide sera d'environ 75 % du Smic. Faut-il cependant exclure totalement le secteur privé ? Non, car certaines entreprises sont en fait très proches des structures associatives. Et dans certaines zones, on ne trouve pas d'employeurs à but non lucratif.
Bientôt les contrats de génération, qui s'adressent au secteur privé, seront créés. Ils prévoiront l'accompagnement d'un jeune par un salarié plus âgé, maintenu dans l'emploi, pour assurer un transfert de compétences. Les partenaires sociaux, à ma demande, travaillent activement à la déclinaison de ce dispositif par secteur et par taille d'entreprise. D'ici fin octobre, ces négociations devraient aboutir et les contours du contrat de génération seront ainsi définis. Le projet de loi sera présenté au Parlement avant la fin de l'année, pour une entrée en vigueur début 2013.
J'en viens au coût des emplois d'avenir. Le projet de loi de finances doit être adopté le 28 septembre en conseil des ministres. Sans révéler de secrets, je peux vous annoncer 2,3 milliards d'euros en autorisations d'engagement pour trois ans ; les crédits de paiement pour l'année 2013 se monteront à 500 millions d'euros, en comptant sur une montée en puissance régulière en 2013, jusqu'à 100 000 contrats. Si les choses allaient plus vite, le Gouvernement ne manquerait pas d'abonder les lignes budgétaires correspondantes. A l'horizon 2014, 150 000 emplois d'avenir auront été créés, mobilisant 1,5 milliard d'euros de crédits de paiement.
Le Gouvernement avait prévu une mise en oeuvre au 1er janvier 2013, si le texte était adopté au mois d'octobre. Grâce à la session extraordinaire, les premiers contrats pourront, juridiquement, être signés dès le 2 novembre 2012. Le but n'est pas de « faire du chiffre » mais de repérer les jeunes éligibles et de leur proposer des postes et formations adaptés.
Si des contrats sont signés dès le 2 novembre, les crédits de paiement seront-ils disponibles ?