Il n'est guère utile que je vous présente à nouveau le dispositif. Je m'en tiendrai donc à quelques observations plus politiques concernant les emplois d'avenir, puis vous dirai un mot des mesures relatives au service public de l'emploi.
Le taux de chômage des jeunes de seize à vingt-cinq ans, notamment des moins qualifiés, atteint un niveau inacceptable : plus du double de la moyenne nationale. Environ 45 % des 120 000 jeunes qui sortent sans formation du système éducatif sont au chômage. La situation est particulièrement difficile dans certains quartiers, ou dans les départements et collectivités d'outre-mer : ceci doit nous inciter au pragmatisme et au volontarisme. Nous devons donner à ces jeunes en recherche d'emploi une première expérience professionnelle et les remettre sur le chemin de la formation. Evitons qu'ils ne s'enferment dans le chômage de longue durée, qui les rendrait encore plus difficilement employables.
Les emplois d'avenir complètent les outils existants, mal adaptés aux jeunes très peu qualifiés. La formation en alternance, qui débouche généralement sur une bonne insertion professionnelle, n'est pas forcément envisageable pour des jeunes en total décrochage scolaire et très éloignés de l'emploi. De plus, les actuels contrats aidés - contrats d'accompagnement vers l'emploi (CAE) dans le secteur non marchand et contrat initiative emploi (CIE) dans le secteur marchand - sont souvent d'une trop courte durée pour susciter un véritable parcours d'insertion et de qualification. Au premier semestre de 2012, la durée moyenne d'un CAE était inférieure à sept mois.
Le projet de loi tire les leçons des insuffisances des actuels contrats aidés. Les emplois d'avenir présentent toutes les conditions d'un tremplin efficace vers l'emploi durable : les jeunes bénéficiaires seront recrutés en CDI ou en CDD pour trois ans, par exception pour une durée plus courte si elle est justifiée, mais jamais inférieure à un an. L'Assemblée nationale a autorisé le recrutement de jeunes en contrats saisonniers, ce qui me paraît peu compatible avec un objectif dans la durée.
Les jeunes travailleront à temps plein, le travail à temps partiel étant par exception possible pour mieux concilier emploi et formation. Cette dernière sera une préoccupation permanente : dès le stade du recrutement, l'employeur précisera les actions de formation et leur finalité. Chez son employeur, le jeune sera suivi par un tuteur qui lui transmettra son savoir-faire. A l'issue du contrat, le jeune recevra une attestation de formation ou de compétences et il pourra s'engager dans une procédure de validation des acquis de l'expérience (VAE) s'il en remplit les conditions. Si l'emploi est pérennisé après la fin de l'aide de l'Etat, le jeune restera dans la structure. Sinon, le référent chargé du suivi social et professionnel travaillera avec lui sur son projet professionnel, formation en alternance ou recherche d'emploi.
Concernant les employeurs, le texte privilégie le secteur non marchand. N'y voyez pas un signe de défiance à l'égard des entreprises, elles ont tout leur rôle à jouer pour l'insertion professionnelle des jeunes, notamment grâce aux formations en alternance. En outre, le succès du futur contrat de génération reposera en grande partie sur leur engagement. Toutefois, il a été tenu compte du public visé. Les employeurs du secteur non marchand sont les mieux placés pour accueillir ces jeunes. Nous devrons bien sûr veiller à ce que les compétences acquises soient transposables chez des employeurs privés et que les emplois d'avenir soient proposés dans des secteurs d'activité créateurs d'emplois, afin que le plus grand nombre de postes soit finalement pérennisé.
Le projet tire aussi les enseignements du programme « Nouveaux services - emplois-jeunes » lancé en 1997 par Martine Aubry. Ce dernier a facilité l'accès à l'emploi des intéressés mais ceux-ci étaient à 85 % titulaires du baccalauréat ou d'un diplôme d'un niveau supérieur. Il est important que les emplois d'avenir soient réservés à des jeunes pas ou peu qualifiés car ce sont eux qui en ont le plus besoin. L'Assemblée nationale a autorisé, à titre exceptionnel, le recrutement de jeunes diplômés de l'enseignement supérieur dans les zones urbaines sensibles, les zones de revitalisation rurale et dans les départements et collectivités d'outre-mer. Je suis réservé sur cet élargissement. Nous en reparlerons lors de l'examen des amendements. Je vous proposerai toutefois de conserver cette exception pour l'outre-mer, où le secteur marchand ne sera pas à même de proposer des contrats de génération en nombre suffisant. De plus, un bilan devra être établi dans un an pour vérifier que les emplois d'avenir ont bien été réservés aux jeunes en difficulté.
Sur les emplois d'avenir professeur, je serai bref, car la commission de la culture et de l'éducation s'est saisie pour avis et a désigné notre collègue Françoise Cartron comme rapporteure pour avis.
L'objectif est de pallier le manque de candidats à certains concours de recrutement de l'éducation nationale en organisant une forme de « prérecrutement ». Depuis quelques années, en effet, tous les postes offerts au Capes ne sont pas pourvus, en particulier en lettres, en mathématiques et en anglais. Il s'agit aussi d'inciter des étudiants boursiers issus de milieux modestes à se présenter aux concours de recrutement des enseignants, en dépit de l'allongement de la durée des études, qui les décourage.
Le public visé est bien sûr différent de celui concerné par les emplois d'avenir : étudiants boursiers, inscrits en première ou en deuxième année de licence ou en première année de master. Ils seront recrutés par un établissement d'enseignement pour travailler aux côtés des professeurs. Cet emploi, à temps partiel, sera rémunéré - environ 400 euros par mois. Ils y gagneront aussi une expérience professionnelle précieuse. De plus, le Gouvernement prévoit d'allouer à chaque titulaire d'un emploi d'avenir professeur une bourse de service public, venant compléter celle attribuée sur critères sociaux. Au total, l'étudiant disposerait d'environ 900 euros par mois.
Ce projet de loi comporte également trois mesures relatives au service public de l'emploi. La première facilite la dématérialisation de la procédure de prescription des contrats aidés : aujourd'hui, la signature d'un contrat aidé suppose une convention tripartite entre l'organisme prescripteur du contrat aidé (Pôle emploi, mission locale, conseil général...), l'employeur et le bénéficiaire, ce qui limite les possibilités de dématérialisation, sauf à ce que tous se dotent d'un logiciel intégrant la signature électronique. La convention tripartite est remplacée par une décision administrative : lorsque le prescripteur acceptera la demande d'aide de l'employeur, ce dernier pourra conclure un contrat aidé avec le bénéficiaire.
La deuxième mesure concerne le recouvrement des contributions versées par les employeurs au titre du contrat de sécurisation professionnelle (CSP) créé, l'an dernier, par la loi « Cherpion ». Ce recouvrement est actuellement effectué par Pôle emploi et il était prévu qu'il soit réalisé l'année prochaine par les Urssaf. Ce transfert semble cependant peu opportun, car l'assiette de ces contributions est très différente de celle des cotisations sociales. Les Urssaf auraient besoin d'un nouveau système d'information et seraient contraintes d'échanger en permanence des informations avec Pôle emploi. Mieux vaut que celui-ci continue à recouvrir les contributions.
La dernière mesure concerne le régime de retraite complémentaire des agents de Pôle emploi issus des Assedic et de l'association pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) : salariés de droit privé, ces agents sont affiliés à l'Agirc-Arrco. Or, la loi de 2008 qui a créé Pôle emploi a prévu que tous ses agents seraient, à terme, affiliés à l'Ircantec, le régime de retraite complémentaire des agents non contractuels de l'Etat et des collectivités publiques. Les anciens salariés des Assedic et de l'Afpa redoutent que leurs droits à retraite complémentaire ne soient affectés par ce transfert. Le texte prévoit donc qu'ils resteront affiliés à l'Agirc-Arrco, ce qui nécessite un transfert financier de l'Ircantec vers ces régimes.
Le Président de la République a décidé de placer son quinquennat sous le signe de la jeunesse. Il estime que les difficultés d'insertion professionnelle des jeunes obèrent la capacité de notre pays à se projeter avec confiance dans l'avenir. Les emplois d'avenir ne suffiront sans doute pas à dissiper toutes les inquiétudes, mais ils peuvent, comme les emplois-jeunes autrefois, redonner espérance et perspectives à des jeunes et à leurs familles, qui n'en peuvent plus des mauvaises nouvelles, après quatre années de crise.
S'inscrivant dans une stratégie globale, les emplois d'avenir font partie des mesures à adopter d'urgence pour atteindre l'objectif ambitieux que nous nous sommes fixés, inverser la courbe du chômage d'ici un an. C'est pourquoi je vous propose d'approuver le projet de loi, afin que les premiers contrats soient signés dès novembre 2012.