Intervention de Thierry Repentin

Réunion du 24 septembre 2012 à 14h30
Création des emplois d'avenir — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargé de la formation professionnelle et de l’apprentissage :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la jeunesse est la priorité du Président de la République. Il en a fait l’axe majeur de son quinquennat, un engagement primordial devant les Français, et cela nous oblige.

Au-delà de l’exercice démocratique élémentaire qu’est la tenue des promesses de campagne, je veux vous dire ici combien la bataille pour l’emploi et la priorité accordée à la jeunesse sont étroitement liées.

Nous avons cette responsabilité, immense, de donner une place à nos enfants et de permettre à la société française de réussir là où elle échoue depuis de trop nombreuses années.

Force est de constater qu’avoir moins de trente ans dans notre pays est très souvent, trop souvent un handicap. Pour trouver un emploi, pour créer son activité, pour accéder à un logement, c’est bien souvent la double peine : pas assez de garanties, pas assez d’expérience. Les jeunes actifs se retrouvent ainsi ballotés d’une précarité à l’autre : de revenus irréguliers en retours chez leurs parents, de contrats précaires en hébergements divers.

Ce qui est le lot commun de toute une génération vire au cauchemar pour les plus de 120 000 jeunes sortant chaque année du système scolaire sans diplôme ni qualification : dans un marché du travail très attaché à la reconnaissance académique des compétences, ils sont véritablement la variable d’ajustement des effectifs et les premières victimes de la précarité. Quand l’économie va bien, ils sont intérimaires ou en CDD ; quand elle va mal, ils sont les premiers à subir les fins de contrat et le chômage. Pour eux, l’emploi est durablement émietté.

Avec les contrats de génération, dont la préparation est en cours, les emplois d’avenir doivent nous permettre de rompre avec ce mal français. Représentant bien plus que de simples contrats aidés, ils sont la clef qui ouvrira la porte de l’emploi durable pour ceux devant qui elle reste insupportablement fermée, ceux qui n’ont ni le sésame du diplôme, ni le mot de passe du réseau familial, ni l’atout de l’origine sociale, culturelle ou géographique attendue.

En s’adressant prioritairement aux jeunes peu qualifiés, les emplois d’avenir leur donnent ce dont ils manquent : d’une part, une expérience professionnelle réussie, inscrite dans la durée ; d’autre part, un parcours d’accès vers une qualification reconnue.

Cet objectif de qualification pour chaque jeune est au cœur même des emplois d’avenir. Sans être une garantie, le diplôme reste néanmoins un précieux atout pour entrer sur le marché du travail, puisque le taux de chômage des non-diplômés ou diplômés du seul brevet des collèges est 4, 5 fois plus élevé que celui des diplômés du supérieur.

Au cours des dix dernières années, la situation s’est encore aggravée. Ainsi, 40 % des jeunes sans diplôme sortis du système scolaire en 2007 étaient au chômage trois ans plus tard : c’est sept points de plus que pour leurs congénères sortis sans diplôme du système scolaire en 2004.

L’inscription du projet de loi portant création des emplois d’avenir à l’ordre du jour du Parlement en tout début de législature vient démontrer l’engagement du Gouvernement à mener la bataille de l’emploi sur tous les fronts, avec des solutions de court terme, à l’instar de celles qui sont proposées dans ce texte, et des solutions plus structurelles d’amélioration à moyen terme de la situation, comme le montre le dialogue en cours avec les partenaires sociaux.

En ce qui concerne la bataille de court terme, je vois dans les emplois d’avenir une première opportunité de construire un droit d’accès pour chaque jeune, je pourrais presque dire un droit « opposable », à un premier niveau de qualification. J’en avais pris l’engagement le 10 juillet dernier, en conclusion de la table ronde que je présidais dans le cadre de la grande conférence sociale.

Premièrement, les emplois d’avenir ciblent les jeunes peu ou pas qualifiés, ceux qui ont le plus besoin d’être accompagnés à la fois vers l’emploi et vers la qualification. Je veux dire ici un mot sur la situation des jeunes des territoires ruraux et urbains prioritaires : les emplois d’avenir seront accessibles à tous ceux qui rencontrent des difficultés d’accès à l’emploi dès lors qu’ils ont un diplôme de premier niveau.

Je ne prétends pas que cette disposition sera la réponse au chômage des jeunes des ZUS ou des ZRR. Mais c’est un sacré coup de pouce à ceux qui ont précisément le plus besoin d’expérience et de qualification. Ce sera pour eux un véritable marchepied vers le monde du travail et un déclencheur de qualification.

À cet effet, deuxièmement, les emplois d’avenir posent une exigence à l’égard des employeurs potentiels : pour obtenir l’aide envisagée, ces derniers doivent décrire la manière dont ils comptent accompagner et développer les compétences de chaque jeune durant l’emploi et, surtout, les actions qu’ils vont mettre en œuvre.

Sur ce point, le Gouvernement a souhaité – c’est là aussi un choix volontariste – que les emplois d’avenir ouvrent aux jeunes l’accès aux dispositifs de droit commun en matière de formation. Ils pourront ainsi bénéficier, comme n’importe quel salarié, du plan de formation, de la période de professionnalisation et du droit individuel à la formation. Cette inclusion des jeunes en emplois d’avenir aux dispositifs de droit commun est une manière d’éviter toute stigmatisation à leur endroit. Ce sont des salariés à part entière et méritant de développer leurs compétences comme les autres.

Troisièmement, selon le dispositif prévu, tout jeune qui ne restera pas chez son employeur au terme de l’emploi d’avenir pourra immédiatement accéder à une formation qualifiante ou à un contrat en alternance en rapport avec les compétences qu’il aura acquises.

Sur ces différents points, l’Assemblée nationale a déjà largement étoffé le texte.

Ainsi, elle a inclus dans les publics visés les jeunes de moins de trente ans en situation de handicap. Elle a ajouté aux structures éligibles à ces nouveaux contrats les structures d’insertion par l’activité économique. Elle a ouvert la possibilité d’aller au-delà de la durée maximale du contrat, fixée à trente-six mois, pour permettre au jeune de finaliser une formation. Elle a introduit la faculté de moduler le temps de travail hebdomadaire si l’action de formation le nécessite.

La commission des affaires sociales du Sénat, comme à son habitude et je n’en suis pas surpris, a largement contribué à améliorer la rédaction de certaines dispositions. À l’issue de ses travaux, c’est toujours la formation qui est au cœur du dispositif, et je l’en remercie. Cette formation permettra au jeune de rebondir si, toutefois, il n’était pas maintenu dans l’emploi au terme du contrat.

Pour ma part, j’ai également porté, au nom du Gouvernement, l’adossement de la concertation et de la contractualisation sur la formation des jeunes en emplois d’avenir au comité de coordination régional de l’emploi et de la formation professionnelle, outil aux mains de chaque région. En effet, notre objectif est de faire en sorte que les acteurs territoriaux de la formation professionnelle et de l’emploi, au premier rang desquels figurent l’État, les régions et les partenaires sociaux, prennent chacun toute leur place dans le cadre d’une concertation annuelle pour l’identification des filières et secteurs porteurs dans leurs bassins de vie.

Je dois ajouter que nous entendons adapter le contenu formation des emplois d’avenir à la situation spécifique des jeunes qui seront recrutés en collectivités territoriales.

Bien entendu, il ne suffit pas de dire que la formation est essentielle pour qu’elle le soit. Contrairement à nos prédécesseurs, nous n’assimilons pas parole et mise en œuvre.

Nous déploierons donc une stratégie spécifique d’accompagnement des jeunes, des employeurs et des offreurs de formation.

En ce qui concerne l’accompagnement des premiers, nous devrons mobiliser l’ensemble des partenaires locaux, au premier rang desquels se trouvent les missions locales et Pôle emploi, susceptibles d’amener les jeunes à envisager sereinement l’action de qualification. Ce ne sera pas facile car nombre d’entre eux n’ont pas toujours une image très positive de la formation et sont souvent, avant tout, à la recherche de solutions de court terme.

L’accompagnement des employeurs est également un enjeu important, car nous visons essentiellement des structures du secteur non marchand, parfois de taille petite ou moyenne, n’ayant pas forcément l’habitude de mobiliser les dispositifs de formation de droit commun. Nous devrons les aider, en liaison avec les têtes de réseau et les partenaires institutionnels, à se familiariser avec ce pan de la gestion des ressources humaines.

Enfin, nous devrons aider les offreurs de formation à rendre l’offre plus lisible et toujours mieux adaptée. Ce sujet dépasse le cadre de la rédaction de la loi et demande un engagement sans faille des pouvoirs publics aux côtés des opérateurs et des financeurs.

C’est pourquoi nous avons d’ores et déjà entamé, fidèles à une méthode de dialogue social et territorial portée par Michel Sapin et sans cesse mise en œuvre depuis l’élection présidentielle, une concertation avec les partenaires sociaux. L’objectif est que les branches principalement concernées par les emplois d’avenir fassent des jeunes ainsi concernés une cible prioritaire de la feuille de route de leurs organismes paritaires collecteurs agréés, les OPCA, que ce soit durant l’emploi, via la période de professionnalisation, ou à l’issue de celui-ci, via le contrat de professionnalisation. Nous allons également discuter du sujet au niveau interprofessionnel avec le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels.

Les régions sont d’ores et déjà nos interlocuteurs privilégiés. En effet, nous entendons capitaliser sur leurs expériences réussies en matière d’emplois tremplins, en particulier sur l’élaboration d’une offre de formation préqualifiante ou qualifiante. Celle-ci doit être organisée de manière suffisamment souple pour pouvoir être suivie par le jeune pendant son emploi, notamment s’il ne travaille pas à temps plein. Michel Sapin et moi-même avons déjà eu plusieurs réunions avec les présidents de région sur ce sujet.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le voyez, grâce aux exigeantes conditions de pilotage que nous mettons en place, au dialogue engagé dès la grande conférence sociale de juillet dernier, l’accès à la qualification des jeunes constitue un volet consubstantiel aux emplois d’avenir. Soyez assurés de ma détermination à faire en sorte que cette obligation de formation liée à chaque emploi d’avenir soit effective et que tous ceux qui peuvent aider à sa mise en œuvre soient mobilisés.

Ce sera là une première traduction concrète du droit d’accès à la qualification pour tous, qui est une priorité de ma feuille de route, dans le cadre d’une politique de formation professionnelle attentive aux besoins de chacun, à ceux, dans ce cas précis, de la jeunesse de France. §

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion