Intervention de Claude Jeannerot

Réunion du 24 septembre 2012 à 14h30
Création des emplois d'avenir — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Claude JeannerotClaude Jeannerot, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi portant création des emplois d’avenir vise à répondre à un fléau dont souffre notre pays depuis maintenant une trentaine d’années : un taux de chômage des jeunes inacceptable, notamment pour les moins qualifiés.

La situation est particulièrement grave, nous le savons, dans certains quartiers de nos villes ainsi que dans nos départements et collectivités d’outre-mer : des jeunes qui ne sont ni dans l’emploi ni en formation se retrouvent le plus souvent livrés à eux-mêmes, avec toutes les conséquences que cela peut entraîner sur le plan social et surtout pour notre « vivre ensemble ». Je n’oublie pas non plus les difficultés rencontrées dans certaines zones rurales, que les jeunes quittent parce qu’ils ne parviennent pas à trouver du travail.

Face à cette situation, les pouvoirs publics, je le rappelle, ont déjà mis en place plusieurs outils qu’il est possible de mobiliser en faveur de l’insertion professionnelle des jeunes. Je pense en particulier aux missions locales, spécialisées dans l’accompagnement des demandeurs d’emploi âgés de seize à vingt-cinq ans. Je pense aussi, bien sûr, aux formations en alternance, qui présentent de bons résultats pour l’accès à un emploi durable. Je pense également aux contrats aidés, qui peuvent être utiles pour permettre à un jeune d’acquérir une première expérience professionnelle.

Pourtant, force est de constater qu’il nous manque encore un dispositif adapté aux besoins des jeunes les moins qualifiés et les plus éloignés de l’emploi. Ces jeunes, dont le nombre peut être estimé autour de 500 000, sont en situation de « décrochage » scolaire, de sorte qu’il n’est pas toujours possible de les inscrire, à court terme, dans une formation en alternance. Ils sont, faut-il le rappeler, 120 000 à sortir chaque année du système scolaire sans formation ni qualification. Et les actuels contrats aidés, même s’ils sont utiles, sont d’une durée trop courte pour pouvoir jouer efficacement leur rôle de passerelle vers un emploi durable.

La création des emplois d’avenir a donc pour objectif de mettre à la disposition du service public de l’emploi un nouveau type de contrat destiné à ramener ses bénéficiaires vers l’emploi et la formation.

Par rapport aux actuels contrats aidés, l’emploi d’avenir présentera plusieurs atouts sur lesquels vous me permettrez d’insister : d’abord, les bénéficiaires seront recrutés en CDI ou en CDD d’une durée de trois ans. Le contrat pourra être d’une durée plus courte si cela est justifié au regard de la situation du jeune et de son parcours, mais sa durée ne sera jamais inférieure à un an. De cette manière, le travail d’insertion et de qualification auprès du jeune s’inscrira dans la durée, ce qui est évidemment une condition de son succès.

Ensuite, les jeunes travailleront, en principe, à temps plein, ce qui leur permettra d’acquérir plus rapidement de l’expérience et des compétences professionnelles. Le travail à temps partiel sera possible par exception, notamment si la situation du bénéficiaire le justifie.

Enfin – messieurs les ministres, vous avez beaucoup, et à juste raison, insisté sur cette dimension – la formation du bénéficiaire sera au cœur du dispositif : dès le stade du recrutement, l’employeur devra préciser quelles actions de formation seront réalisées et quelles qualifications ou compétences elles permettront d’acquérir. Chez son employeur, le jeune sera suivi par un tuteur qui pourra lui transmettre son savoir-faire. L’emploi d’avenir pourra être prolongé pour permettre à son titulaire d’achever une formation et le jeune pourra choisir la voie de l’alternance à l’issue de son contrat.

Le Gouvernement a déjà engagé des discussions avec les conseils régionaux, avec les organismes gestionnaires des fonds de la formation professionnelle et avec le Centre national de la fonction publique territoriale, le CNFPT, pour déterminer comment ils pourront participer à l’effort de formation en direction des jeunes en emploi d’avenir.

Je me réjouis, par ailleurs, du choix qui a été fait de cibler le dispositif sur les jeunes les moins qualifiés, c’est-à-dire ceux dont le niveau de diplôme est au plus égal au baccalauréat. Les emplois d’avenir tirent la leçon des emplois jeunes que nous avions lancés il y a une quinzaine d’années et qui avaient concerné majoritairement, il faut s’en souvenir, des bacheliers et des diplômés de l’enseignement supérieur. Cette fois-ci, l’objectif est clairement de s’adresser aux jeunes faiblement qualifiés, qui sont les plus exposés au risque du chômage de longue durée.

Concernant les employeurs, le choix a été fait de privilégier le secteur non marchand. Il ne faut évidemment pas y voir un signe de défiance à l’égard des entreprises. Celles-ci ont un rôle essentiel et majeur à jouer pour l’insertion professionnelle des jeunes, notamment par le biais des formations en alternance. Cette mesure s’inscrit dans un ensemble. Et le succès du futur contrat de génération, qui fait actuellement l’objet d’une concertation entre les partenaires sociaux, reposera précisément en grande partie sur l’engagement des entreprises dans le dispositif.

Toutefois, compte tenu du public auquel s’adressent les emplois d’avenir, il me semble que les employeurs du secteur non marchand sont probablement les mieux placés pour les accueillir et leur apporter l’accompagnement et la formation dont ils ont besoin. Il est également important de confier aux jeunes des tâches valorisantes, ce qui sera le cas avec les métiers d’utilité sociale ou environnementale visés par le texte.

Vous l’avez compris, l’objectif des emplois d’avenir est, bien sûr, d’amener le plus grand nombre possible de jeunes dans l’emploi durable.

Une partie des postes initialement créés grâce à l’aide de l’État pourront être pérennisés, ce qui permettra alors au jeune de rester dans la structure qui l’a embauché. Le versement d’une aide pendant trois ans peut, en effet, soutenir la croissance de secteurs tels que l’aide à la personne, le tourisme ou encore le développement durable, et favoriser ainsi la création d’emplois stables.

Certains employeurs pourront utiliser les emplois d’avenir pour mettre en place une politique intelligente de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences : une association pourra, par exemple, recruter un jeune sans qualification pour le former et le préparer à occuper un poste qui sera libéré par le départ en retraite d’un salarié. L’emploi d’avenir aura alors joué un rôle de remise à niveau et de « sas » vers un emploi durable.

Certains jeunes seront, en revanche, contraints, à l’issue de leur contrat, de chercher du travail chez un autre employeur. Dans le cadre de ce système qui se veut souple, ils se verront alors remettre une attestation de compétences ou une attestation de formation et pourront s’engager, le cas échéant, dans une démarche de validation des acquis de l’expérience. Il appartiendra au référent chargé du suivi social et professionnel du jeune de travailler avec lui sur son projet professionnel et de l’accompagner dans ses démarches de recherche d’emploi. L’emploi d’avenir pourra alors fonctionner comme un véritable « tremplin » vers un autre poste de travail. Toutes les possibilités seront mobilisées : l’ensemble des secteurs marchands et non marchands seront, bien sûr, impliqués.

J’aimerais maintenant vous dire un mot des modifications qui ont été introduites à l’Assemblée nationale.

Le texte a été considérablement enrichi par nos collègues députés, qui ont d’abord veillé à mieux encadrer les possibilités de recours à un CDD de moins de trois ans ou au travail à temps partiel. Ils ont également, et à juste raison, renforcé le volet formation du texte tout en réaffirmant l’obligation d’un suivi personnalisé du jeune. Ils ont, en outre, ajouté des dispositions relatives aux personnes handicapées et souligné l’importance d’une répartition équilibrée des emplois d’avenir entre les hommes et les femmes. La commission des affaires sociales a approuvé sans réserve ces modifications.

Elle a souhaité, en revanche, revenir sur deux dispositions insérées par l’Assemblée nationale : en premier lieu, il ne nous a pas paru opportun d’autoriser l’embauche d’un jeune en ayant recours au CDD saisonnier. Le caractère discontinu du travail saisonnier ne permet pas de réaliser auprès du jeune un travail d’insertion et de qualification inscrit dans la durée. Le CDD saisonnier n’est donc pas, selon nous, un bon support juridique pour un emploi d’avenir. De plus, dans cette hypothèse, les effets d’aubaine seraient, à coup sûr, garantis ; en second lieu, nous avons décidé de réserver aux seuls départements et collectivités d’outre-mer la possibilité de recruter en emploi d’avenir des jeunes diplômés du supérieur.

L’Assemblée nationale avait souhaité étendre cette possibilité aux jeunes résidant dans les zones urbaines sensibles et dans les zones de revitalisation rurale, ce qui nous a semblé contraire à l’esprit du texte et porteur de risques de dérive. Monsieur le ministre, vous avez bien voulu rappeler notre position. Ce qui nous a guidés, c’est, en effet, le souci de pouvoir faire bénéficier de ce dispositif en toute priorité les jeunes concernés et d’éviter les dérives observées dans le cadre des emplois jeunes. En effet, nous ne voulons pas que des diplômés prennent la place de jeunes sans qualification. Et nous pensons que les jeunes diplômés trouveront, avec le contrat de génération, entre autres, un dispositif plus adapté à leur profil.

Nous avons toutefois maintenu une exception pour les territoires ultra-marins afin de tenir compte de leur situation économique particulière et des difficultés qu’y rencontrent les jeunes diplômés pour trouver un emploi dans le secteur marchand.

J’en viens aux emplois d’avenir professeur, sur lesquels je ne m’attarderai pas dans la mesure où notre collègue Françoise Cartron va nous en parler dans un instant, au nom de la commission de la culture. J’indiquerai simplement que la commission des affaires sociales a approuvé cette déclinaison des emplois d’avenir au sein de l’éducation nationale, déclinaison qui vise à inciter un plus grand nombre d’étudiants boursiers à se présenter aux concours de recrutement des enseignants. Cette mesure constitue, par ailleurs, un véritable dispositif de promotion sociale destiné à la jeunesse la moins favorisée.

Pour terminer, je signalerai que le projet de loi comporte également trois mesures relatives au service public de l’emploi et une qui concerne l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Toutes ont reçu l’assentiment de notre commission.

Les deux premières sont de simplification administrative : il s’agit, d’une part, de faciliter la dématérialisation de la procédure de prescription des contrats aidés, d’autre part, de revoir les modalités de recouvrement des contributions versées par les employeurs au titre du contrat de sécurisation professionnelle.

La troisième mesure vise à préserver les droits à retraite complémentaire de certains salariés de Pôle emploi.

La dernière vise, enfin, à renforcer les obligations des entreprises en matière d’égalité salariale, en ouvrant la voie à de futures mesures réglementaires.

En conclusion, je voudrais rappeler, mes chers collègues, que le Président de la République, François Hollande, a décidé de placer son quinquennat sous le signe de la jeunesse. Il estime, à juste titre, que les difficultés d’insertion professionnelle des jeunes ne permettent pas d’asseoir les conditions de la confiance et nuisent au dynamisme de notre pays. Sans doute les emplois d’avenir ne suffiront-ils pas à dissiper toutes les inquiétudes, mais ils peuvent contribuer à redonner une espérance et une perspective à des jeunes et à leurs familles, qui n’en peuvent plus d’entendre s’accumuler les mauvaises nouvelles, après quatre années de crise !

Le succès des emplois d’avenir dépendra naturellement, c’est une évidence que de le rappeler, de la mobilisation de tous les acteurs concernés : l’État, qui sera le principal financeur, mais aussi le service public de l’emploi, les collectivités territoriales, le monde associatif, les structures d’insertion par l’activité économique, l’économie sociale et solidaire, les partenaires sociaux, sans oublier les organismes de formation.

En tant que parlementaires, il nous appartient, mes chers collègues, de donner le coup d’envoi à ce programme ambitieux. Il y a urgence à agir, ce qui explique que le projet de loi soit examiné par notre assemblée dès la session extraordinaire de septembre. Convaincu que la création des emplois d’avenir, et des emplois d’avenir professeur, améliorera les conditions de vie de milliers de nos concitoyens, je vous invite, mes chers collègues, au nom de la commission des affaires sociales, à approuver le texte qui nous est soumis. §

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