Intervention de Isabelle Pasquet

Réunion du 24 septembre 2012 à 14h30
Création des emplois d'avenir — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Isabelle PasquetIsabelle Pasquet :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, depuis plusieurs années, sans doute même depuis plusieurs décennies, nous dressons un constat amer, celui de la dégradation continue des conditions de vie des jeunes.

Précarité économique, précarité sociale, précarité sanitaire et médicale, impossibilité d’accéder à un logement autonome et de qualité : dans la tête de nombreux jeunes et de l’immense majorité de la population, jeunesse rime avec « galère ». Et le fatalisme gagne les esprits, comme si, après tout, il fallait en passer par là pour avoir droit plus tard à un avenir plus radieux.

En réalité, au-delà de cette jeunesse qui se qualifie elle-même de « génération précaire », l’ensemble de la société est victime de mutations socio-économiques qui entraînent partout en Europe et dans le monde les mêmes conséquences : casse de l’emploi, extension de la précarité à des populations et à des secteurs jusqu’alors épargnés, augmentation massive du nombre de pauvres. À tel point qu’un Français sur deux interrogés sur ce sujet craint de devenir SDF !

Notre système social, malgré les différentes attaques dont il a fait l’objet, notamment sous les deux précédents gouvernements, joue encore son rôle de « filet social », et ce dans un contexte marqué par la dégradation des conditions de travail, fruit d’une politique insensée de flexibilité du travail.

On assiste également à un accroissement sans précédent des inégalités sociales et des richesses. Selon une étude de l’INSEE rendue publique au début du mois et restée trop confidentielle, le taux de pauvreté est passé de 13, 5 % à 14, 1 %. Or force est de constater que si les pauvres sont plus pauvres, les riches, eux, réussissent l’exploit en période de crise d’être à la fois plus nombreux et surtout… plus riches.

Depuis 2002, le cinquième le plus pauvre de la population a connu une réduction de son niveau de vie de 0, 6 point, représentant au total 6 milliards d’euros. Mais, dans le même temps, le cinquième le plus riche a, quant à lui, profité d’une hausse de 1, 3 point, soit 12 milliards d’euros de gains supplémentaires à se partager. Et comme, aux yeux de certains, cela ne suffit pas, au moment même où le nouveau gouvernement envisage de rehausser l’impôt des plus fortunés pour réguler cette distorsion inégalitaire des richesses, l’un d’entre eux, parmi les plus riches et possédant une fortune personnelle estimée selon le magazine Forbes à 41 milliards de dollars, annonce vouloir obtenir la nationalité d’un État pratiquant une fiscalité plus clémente.

Si certains ont les moyens d’organiser dans la légalité leur évasion fiscale, d’autres sont contraints à la survie. Disant cela, je pense notamment à celles et ceux qui sont licenciés pour motifs économiques alors que leur entreprise réalise des bénéfices redistribués sous forme de dividendes.

Je pense aussi, en venant au contenu de ce projet de loi, aux jeunes peu ou pas qualifiés qui, résidant dans les « mauvais » quartiers, n’ont pas la chance d’accéder à l’emploi. Alors que les jeunes devraient être considérés comme l’atout majeur de notre pays, qui profite d’ailleurs d’une natalité supérieure à la moyenne européenne, 22 % d’entre eux sont au chômage, le plus souvent non indemnisé. Ce taux atteint même 45 % pour les jeunes non diplômés.

Malgré cette situation dramatique tant pour les jeunes eux-mêmes que pour l’ensemble de la société, d’aucuns voudraient que les pouvoirs publics demeurent les « bras ballants », n’hésitant pas à dire, comme l’a fait le député UMP Jean-Frédéric Poisson à l’occasion de la défense de sa motion de rejet préalable, que les jeunes étaient victimes « d’une absence d’éducation au travail ». Voilà comment, en une phrase, sont évacuées à la fois la responsabilité des employeurs qui préfèrent licencier pour accroître les dividendes distribués aux actionnaires, la responsabilité des chefs d’entreprises qui, transformés en capitaines d’industrie financière, préfèrent délocaliser là où les salariés sont payés moins de 100 euros par mois, mais aussi la responsabilité des politiques menées par les gouvernements précédents, qui n’ont eu de cesse de réduire le pouvoir d’achat des salariés, en dépit du slogan affiché durant le précédent quinquennat.

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