Intervention de Robert Tropeano

Réunion du 24 septembre 2012 à 14h30
Création des emplois d'avenir — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Robert TropeanoRobert Tropeano :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’emploi est au cœur de notre contrat social et tout ce qui contribue à l’améliorer doit être particulièrement encouragé. Aussi, je me félicite de l’examen de ce projet de loi, qui vise à créer 150 000 emplois à l’horizon 2014.

Nous entendons, depuis quelques semaines, des détracteurs de ce texte prétendre que le dispositif ne s’attaquerait pas aux causes du mal. C’est très regrettable, car le problème auquel il tente de remédier mérite mieux que ces éternelles querelles partisanes.

Le Gouvernement et sa majorité se mobilisent pour relancer l’activité économique, si indispensable à la création d’emplois ; ils tentent d’arrêter l’hémorragie de la destruction d’emplois en permettant aux plus jeunes de ne pas perdre espoir et de s’insérer dans la vie active de notre pays.

Mes chers collègues, le chômage de nos jeunes atteint des sommets : 22, 7 % chez les moins de vingt-cinq ans et même plus de 40 % pour les moins qualifiés ; des chiffres alarmants qui ne cessent de grossir. L’OCDE a d’ailleurs, à plusieurs reprises ces dernières années, alerté la France sur sa gestion de l’emploi des jeunes.

Dans ce contexte, il est important de trouver des mesures d’urgence pour ne pas laisser de côté tous ces jeunes en extrême difficulté et leur permettre d’accéder à l’emploi dans de bonnes conditions.

Dans son rapport sur la jeunesse publié le 10 septembre dernier, l’Union européenne en appelle à une orientation prioritaire des politiques en faveur des jeunes, notamment au regard de leur accès à l’emploi. C’est d’ailleurs parce qu’il avait une parfaite connaissance de la situation de notre jeunesse que François Hollande, candidat victorieux à l’élection présidentielle, avait fait d’une telle orientation sa priorité.

Aujourd’hui, aucune piste ne doit être écartée. Les emplois d’avenir sont, en ce sens, une excellente chose.

Le dispositif proposé présente plusieurs avantages. Je tiens à en rappeler quelques-uns.

Le premier de ces avantages résulte du fait que le dispositif offre une possibilité d’avenir à des dizaines de milliers de jeunes qui, confrontés à une réalité économique incertaine, ne peuvent compter sur les seuls effets de la croissance.

La crise a frappé les jeunes de plein fouet, en France comme partout dans le monde. On assiste à une forte augmentation du chômage de longue durée et, surtout, de l’inactivité : de plus en plus de jeunes ne sont ni à l’école, ni en formation, ni en emploi. Cette situation est d’autant plus grave que des études ont montré l’impact à long terme d’une période de crise sur les générations qui arrivent sur le marché de l’emploi lors d’un creux économique.

Le deuxième avantage des emplois d’avenir est qu’ils s’adressent aux jeunes les moins qualifiés On le sait, le risque de ne pas trouver un emploi est d’autant plus élevé que la qualification est faible. Vous l’avez rappelé, messieurs les ministres, environ 120 000 jeunes sortent du système scolaire sans diplôme, et moins d’un tiers d’entre eux trouvent rapidement un emploi durable. Les autres alternent stages, missions d’intérim et périodes sans emploi ; ce sont les premières victimes du chômage. Il est évident que les emplois d’avenir doivent s’adresser avant tout à ces « laissés-pour-compte ». Ils leur offriront ainsi une première expérience professionnelle, sésame pour accéder au marché du travail.

Le troisième avantage des emplois d’avenir est qu’ils inciteront les employeurs à recourir en priorité à des contrats à durée indéterminée à plein temps, permettant ainsi une insertion durable des jeunes sur le marché du travail.

La précarisation des jeunes est une triste réalité : en 2011, les trois quarts des embauches étaient des CDD. Il s'agit d’un taux très élevé, d’autant que ces contrats durent en moyenne moins de six mois et qu’ils ne sont pas souvent renouvelés. Il est important de rappeler que, dans le cas des emplois d’avenir, même si l’employeur choisit de recourir à un CDD, la durée du contrat sera en principe de trois ans, délai qui offre au jeune une certaine stabilité dans son emploi et un passeport pour son insertion sur le marché du travail. Chacun le sait, les employeurs sont de plus en plus réticents à recruter une personne qui n’a pas travaillé depuis très longtemps ou qui n’a aucune expérience professionnelle.

Certes, les contrats d’avenir ne régleront pas tout ; telle n’est d’ailleurs pas leur ambition. Ils constituent néanmoins, en ce début de législature, un premier texte tendant à répondre à la situation de l’emploi. D’autres lui succéderont, qui accompagneront le redressement économique du pays. En attendant, les emplois d’avenir sont un espoir pour tous ces jeunes exclus du marché de l’emploi, et je ne doute pas que nos travaux dans cet hémicycle contribueront à améliorer encore le texte adopté par l’Assemblée nationale.

Je tiens cependant à souligner l’importance du volet formation dans ce nouveau dispositif. Les jeunes concernés par les emplois d’avenir sont peu qualifiés, voire ne le sont pas. Il faut donc qu’ils bénéficient d’une formation de qualité et surtout qualifiante : c’est l’une des clefs de leur insertion professionnelle à l’expiration du contrat d’avenir. C’est la raison pour laquelle nous devons être extrêmement vigilants et exigeants sur le volet formation.

Enfin, je dirai un mot du dispositif d’emploi d’avenir professeur. Réservé aux étudiants boursiers, il vise en priorité les jeunes issus des zones urbaines sensibles ou ayant effectué leurs études dans des établissements implantés dans ces zones ou relevant de l’enseignement prioritaire. Favoriser la vocation d’enseignant chez les jeunes post-bacheliers à travers des co-enseignements et des co-interventions avec un enseignant titulaire me semble très positif. Ce dispositif répond à l’exigence de formation professionnelle et se rapproche de ce que l’on appelait, avant la suppression des IUFM, le tutorat pédagogique.

Ne pourrait-on s’interroger sur la pertinence de l’instauration d’un dispositif similaire pour les jeunes vivant dans les zones rurales ? Comment seront-ils intégrés dans la prochaine loi d’orientation sur l’école ? C’est une question que nous ne devons pas éluder.

Cela nous a amenés, plusieurs de mes collègues du RDSE et moi-même, à déposer des amendements. Nous proposerons notamment d’étendre le dispositif aux zones d’éducation prioritaire, qui cumulent, comme chacun sait, de nombreuses difficultés et dont beaucoup se trouvent hors des zones urbaines sensibles et des zones de revitalisation rurale.

Nous avons également déposé un amendement visant à rendre le contrat à durée déterminée d’insertion, le CDDI, éligible aux emplois d’avenir. Les travaux de l’Assemblée nationale ont permis d’ajouter les structures d’insertion par l’activité économique à la liste des employeurs visés par le dispositif, mais il n’est pas prévu que l’emploi d’avenir puisse prendre la forme d’un CDDI. Une telle mesure nous semblerait pourtant cohérente et efficace puisqu’elle permettrait d’employer des personnes en grande difficulté sociale dans des structures qui ont pour vocation de favoriser l’insertion. Ces entreprises, qui emploient près de 38 000 salariés et dont le chiffre d’affaires atteint environ 500 millions d’euros, constituent un magnifique outil de réinsertion professionnelle des personnes éloignées de l’emploi, et il ne faut jamais oublier que 30 % d’entre elles sont des jeunes. Élargir le dispositif des emplois d’avenir aux CDDI constituerait donc une véritable bouffée d’oxygène pour toutes ces entreprises asphyxiées par un financement public qui n’a pas évolué depuis 1999.

S’agissant des CDD saisonniers, la commission des affaires sociales a souhaité supprimer la disposition introduite à l’Assemblée nationale sur l’initiative conjointe de notre collègue radical de gauche Joël Giraud et du Gouvernement. Mes chers collègues, laissez-nous vous convaincre de l’intérêt de cette disposition, afin que vous apportiez votre soutien à notre amendement visant à revenir au texte voté par les députés. Il était prévu que les contrats saisonniers reconductibles trois années consécutives seraient éligibles au dispositif des emplois d’avenir. Cela permettrait de créer de nouveaux emplois sur des territoires où l’économie est totalement dépendante de la saisonnalité ; je pense notamment aux territoires de montagne. Or, nous le savons tous, la saisonnalité de l’économie engendre très souvent de la précarité. La possibilité de créer des emplois d’avenir sous la forme d’emplois saisonniers serait donc un moyen de rendre ces CDD saisonniers moins précaires et de les assortir de garanties, notamment par la mise en place de dispositifs de formation.

Messieurs les ministres, mes chers collègues, vous l’aurez compris : nous sommes nombreux, au sein du RDSE, à considérer que les emplois d’avenir sont une excellente initiative, qui viendra compléter utilement et rapidement le dispositif de lutte contre le chômage des jeunes. Nous pensons même que ce dispositif pourrait voir son champ d’application étendu ; tel est l’objet de la plupart de nos amendements.

Le chômage des jeunes constitue un drame humain auquel nous avons, mes chers collègues, l’impérieux devoir de répondre, au-delà des verrous idéologiques et des préjugés. En la matière, seuls le pragmatisme et l’efficacité doivent guider nos choix et donc nos votes : c’est pourquoi, à l’issue de nos travaux, les sénateurs du RDSE apporteront leur soutien aux contrats d’avenir, première mesure forte en faveur de l’emploi des jeunes. §

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