Intervention de Jean Desessard

Réunion du 24 septembre 2012 à 14h30
Création des emplois d'avenir — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean DesessardJean Desessard :

Nous accueillons favorablement – je dirais même « très favorablement », madame Cartron – la proposition relative aux emplois d’avenir professeur.

Nous souhaitons que soit engagée une refonte globale du projet éducatif de notre société, dont la formation des professeurs est un élément essentiel.

On ne peut que rappeler ici les effets négatifs de la mastérisation, démarche qui s’est traduite, entre autres, par l’éviction des étudiants issus des milieux les plus modestes. Nous le savons, ces étudiants sont moins nombreux dans les cursus longs, notamment pour des raisons financières. La mastérisation a aggravé la crise de recrutement que connaît l’éducation nationale, et plus particulièrement dans certaines filières et académies.

Il nous faut revoir en profondeur la formation pour inclure toutes les catégories de la population et redynamiser le recrutement.

À l’avenir, il convient de laisser plus de temps à la formation en alternance réellement professionnelle et d’éviter qu’elle ne soit qu’une logique de pur bachotage pour préparer aux concours.

Pour la future loi, le groupe écologiste insiste sur le nécessaire suivi, dans chaque établissement, des acquis pratiques de ces jeunes étudiants professeurs. Afin que ces emplois débouchent sur de réelles vocations d’enseignants, et non sur de simples objectifs chiffrés, ils devront faire l’objet d’un suivi précis tout au long de leur mise en œuvre, pour un retour d’expérience critique et utile.

Nous devons faire de ces emplois une expérience positive d’entrée dans le métier. Ce sera une manière pour ces étudiants de concilier un emploi rémunéré avec leurs études, au lieu d’exercer un emploi sans rapport avec leur formation et inadapté à leurs contraintes universitaires. Mais cela ne remplacera ni une réforme de la formation au métier d’enseignant ni l’assurance de conditions d’étude décentes.

La mastérisation a, certes, aggravé les difficultés que connaît l’éducation nationale pour recruter ses futurs enseignants. Mais ce n’est pas la seule explication. Le moral des candidats au professorat est au plus bas. Faire de longues études et ne pas être préparé à l’enseignement, aux méthodes pédagogiques, au travail avec l’ensemble des partenaires de l’école, parents d’élèves, élus, associations éducatives, faire de longues études et se confronter à des classes surchargées sans pouvoir passer du temps auprès de chaque élève, faire de longues études et se voir sans cesse dévalorisé, que ce soit par le gel salarial ou par les récentes accusations – les enseignants seraient des « privilégiés » ne « sachant pas » faire leur métier –, ce n’est pas motivant, c’est sûr !

Quand, en plus, l’école est incitée à se transformer en usine à faire de bons employés et la mise en concurrence des personnels et des établissements devient la norme, il n’est guère étonnant que la profession, pourtant tournée vers la jeunesse et vers le citoyen de demain, ne fasse plus rêver !

Nous ne pouvons pas nous satisfaire d’une telle situation. Gageons que le dispositif des emplois d’avenir professeur, avec les enseignements que nous en tirerons, enclenchera une dynamique de refonte positive.

Monsieur le ministre, le groupe écologiste approuve donc la démarche. Ce texte offrira aux jeunes concernés l’accès à la fois à une expérience professionnelle et à une formation qualifiante nécessaires pour reprendre confiance et sortir d’un parcours jusqu’alors chaotique. Il permettra de redynamiser le secteur associatif, le secteur de l’économie sociale et solidaire et le secteur de l’insertion, à qui nous faisons confiance pour accompagner au mieux ces nouveaux emplois. Enfin, il donnera à des étudiants de toutes origines sociales la chance d’accéder au métier de professeur.

Je terminerai en formulant deux observations.

Premièrement, lorsque je travaillais avec des chômeurs, organisais des marches contre le chômage et participais aux mouvements de chômeurs, on me disait que l’augmentation du nombre de chômeurs allait mener à une explosion sociale. Ce à quoi je répondais que, dans notre pays, il y aurait non pas une explosion, mais une implosion sociale ! Car la société retourne contre elle-même la violence qui ne peut pas s’exprimer vers l’extérieur ! Je pense aux violences conjugales, aux violences de quartier, à l’usage de médicaments, à tous les actes d’incivilité et à tous les gestes et les comportements qu’on ne comprend pas. C’est cela, l’implosion sociale !

Par conséquent, développer l’activité pour les jeunes sans emploi et sans qualification, c’est bon non seulement pour l’emploi, mais aussi pour la formation de ces jeunes, pour le bien-être social et pour le « mieux vivre ensemble ».

Deuxièmement, lorsque j’ai pris connaissance du projet de loi, je me suis interrogé. Peut-on vraiment qualifier d’emplois d’avenir des emplois de trois ans dont on ne sait pas s’ils seront reconduits au-delà ? Après avoir essayé de comprendre votre idée, je l’ai quelque peu transformée et j’en ai tiré une conclusion : c’est une première mesure qui permet de donner à ceux qui n’ont pas eu de chance une vision optimiste de l’avenir, car, loin de se contenter de subir les choses, on veut les changer. Cet objectif, nous le partageons ! §

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