Intervention de Laurence Rossignol

Réunion du 24 septembre 2012 à 14h30
Création des emplois d'avenir — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Laurence RossignolLaurence Rossignol :

Plusieurs questions ont été posées.

La première concerne le ciblage. Un de nos collègues a demandé s’il s’agit d’un dispositif en faveur des territoires ou en faveur des jeunes. Quel est le critère : les difficultés du territoire ou les difficultés des jeunes ? Malheureusement, c’est souvent la même chose et il est bien rare que des jeunes aillent bien dans un territoire qui va mal ou qu’un territoire aille bien quand les jeunes qui y résident vont mal. Donc, ne nous inquiétons pas, tout le territoire est concerné par le dispositif des emplois d’avenir. Simplement, des zones prioritaires seront corrigées, bénéficieront d’un volume d’emplois d’avenir supérieur.

Deuxième question : les emplois d’avenir devraient-ils être ouverts au secteur marchand ou privé ? Il y a d’ailleurs une ambiguïté entre « marchand » et « privé » puisque, je le rappelle, il y a des activités marchandes dans le secteur associatif et dans le secteur de l’économie sociale et solidaire.

La question de l’ouverture au secteur privé, qui a été défendue cet après-midi par plusieurs de nos collègues, singulièrement par Serge Dassault, est une proposition récurrente, traditionnelle : c’est celle de la réduction de la masse salariale, de la réduction du coût du travail et des exonérations des charges sociales, qui – pardonnez-nous ! – n’est pas non plus, si l’on doit faire l’évaluation de nos originalités et de nos innovations respectives, un registre de propositions extrêmement modernes. Il a été maintes fois tenté, maintes fois expérimenté, avec des résultats assez peu probants.

Troisième question : les emplois seront-ils pérennes ? La question est chaque fois posée. Honnêtement, il n’est pas possible, me semble-t-il, de répondre à cette question, nous n’en savons rien.

Je voudrais en cet instant faire partager à notre assemblée mon expérience d’élue d’une région, qui a mis en place en 2004 – il y a maintenant huit ans – un dispositif, si ce n’est identique, du moins similaire, voisin, de soutien à la création d’emplois dans le secteur associatif. Il a permis, dans une région de 2 millions d’habitants, de créer 1 500 emplois dans le secteur associatif, avec un taux d’aide à l’emploi qui se situait entre 60 % et 75 % d’un SMIC avec les charges ; 1 500 emplois en Picardie, si j’ai bien calculé, cela fera avec les emplois d’avenir au moins 5 000 emplois, je dis « au moins » parce que 5 000, c’est le ratio strict et comme la Picardie est une région en grande difficulté, nous pensons avoir un peu plus.

Dans ce dispositif, nous n’avions mis aucune condition d’employabilité. Qu’avons-nous constaté au bout de huit ans avec un peu de recul ? Premièrement, la très grande majorité des bénéficiaires étaient des jeunes diplômés bac+2 ou bac+3 ou des jeunes ayant des brevets d’État dans le secteur sportif. Deuxièmement, comme dans le dispositif des emplois d’avenir, les conventions portaient non pas sur le contrat de travail, mais sur la création de l’emploi. Donc, les conventions étaient signées pour trois ans et dans ces conventions sur une même durée de trois ans se succédaient plusieurs salariés soit en CDD, soit qui partaient parce qu’ils avaient trouvé un emploi ailleurs et avaient ce pied à l’étrier que l’on attendait.

J’en ai déduit plusieurs choses par rapport aux amendements que nous examinerons tout à l’heure, c’est qu’il faut de la souplesse dans un tel dispositif. §La rigidité, c’est très probablement la mort du dispositif.

De nombreux amendements de protection à l’égard des salariés ont été déposés, mais ces amendements peuvent être contre-productifs pour la réussite de notre dispositif.

En effet, il faut avoir en tête que nous allons demander au secteur associatif et aux collectivités locales d’embaucher des jeunes en grande difficulté, parfois déscolarisés depuis longtemps, exclus du monde du travail depuis toujours, qui ont décroché. La remise au travail de ces jeunes demandera aux employeurs beaucoup d’énergie et une grande capacité d’adaptation. Il faut avoir cela en tête car la réussite du dispositif ne repose pas simplement sur l’offre que fera le Gouvernement, elle reposera aussi sur la demande qui émanera des territoires et des employeurs potentiels.

Je prendrai un exemple s’agissant de la question de la souplesse. On parle beaucoup de contrat de travail à temps plein ou à temps partiel très élevé. Dans ma région, nous avons développé grâce aux emplois tremplins ou solidaires – appelons-les ainsi – beaucoup de périscolaire dans le milieu rural. Les petites communes n’ont pas les moyens de mettre en place elles-mêmes du périscolaire et ces emplois-là leur ont permis l’accueil des enfants le matin et le soir. Bien entendu, ces emplois n’étaient pas à temps plein et il a fallu corriger le dispositif pour que l’adaptation soit possible.

En conclusion, je dirai trois choses.

Le dispositif exige beaucoup d’adaptabilité des pouvoirs publics, il faut donc un cadre législatif le plus souple possible, qui puisse être régulièrement réajusté, éventuellement par voie réglementaire.

Il faut évaluer tout le temps les dispositifs de ce type, il faut être pragmatique.

Première question que l’on se posera dans quelques mois : ce dispositif a-t-il profité également aux filles et aux garçons ? Tous les dispositifs qui sont généralistes peuvent soit corriger les inégalités, soit les accroître

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