Intervention de Victorin Lurel

Réunion du 26 septembre 2012 à 11h00
Régulation économique outre-mer — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Victorin Lurel, ministre des outre-mer :

Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, l'histoire des outre-mer dans la République est celle d'une longue marche vers l'égalité, vers l'égalité réelle.

Cette histoire est riche d'épisodes et d'étapes qui ont rapproché les territoires et les peuples des outre-mer de cette aspiration puissante. C'est aujourd'hui avec la conviction d'œuvrer utilement pour retrouver ce chemin vers le progrès que nous vous présentons le projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer.

C'est un honneur, monsieur le président, et une émotion particulière pour moi, vous le comprendrez, que d'être devant vous aujourd'hui, à l'occasion de la discussion générale sur ce texte. Vous me permettrez de féliciter particulièrement le rapporteur de la commission des affaires économiques et le rapporteur pour avis de la commission des lois du travail de qualité effectué en commission, qui a très significativement amélioré le projet de loi.

À l'origine de ce texte, il y a quelques constats simples, mais qui sont ressentis durement et douloureusement par nos compatriotes des outre-mer comme une injustice flagrante.

Sur ces territoires, les prix de la plupart des biens et des services demeurent bien supérieurs à ceux de l'Hexagone : un écart de 22 % à 38, 5 % a été mesuré en 2010 par l'INSEE, pour les seuls produits alimentaires. Or, dans le même temps, les revenus y sont notoirement plus faibles, avec, toujours en 2010 et selon l'INSEE, un revenu médian inférieur de 38 %.

Ces écarts ne datent pas d'hier et, pendant longtemps, une même réponse a été formulée, ou plutôt une litanie d'explications, révélant un sentiment qui ne dit pas son nom, celui d'une fatalité frappant pour toujours les outre-mer.

On entendait en substance : « Ces différences sont normales. Elles s'expliquent par le coût inévitable du fret aérien ou maritime, par la fiscalité locale, par ce que l'on appelle les « coûts d'approche » - joli terme fourre-tout -, par le coût du travail, également plus élevé dans les outre-mer, par les coûts de stockage, par la taille forcément petite des marchés et donc des volumes de produits à commercialiser. » Et j'en passe !

Pourtant, ces explications, dont la plupart peuvent être entendues, ne résistent plus aujourd'hui à l'analyse fine de la situation réelle dans les outre-mer. Elles ne suffisent pas, en tout cas, à justifier les différentiels considérables de prix constatés entre l'Hexagone et les outre-mer dans la grande distribution, ainsi que dans la distribution spécialisée, dans le commerce alimentaire, mais aussi pour ce qui est de nombreux tarifs, qu'il s'agisse des banques, des assurances, de la téléphonie mobile, de l'internet à haut débit, des billets d'avion ou des pièces détachées destinées à l'automobile.

La production locale aura aussi à faire un travail de vérité et d'élucidation : même si elle fait face à un coût du travail plus élevé et à la cherté des intrants, elle bénéficie également d'incitations et d'aides publiques qui devraient la rendre plus compétitive.

Car nous ne parlons pas d'écarts relativement soutenables, de 10 %, 15 % ou 20 %. Non ! Nous parlons, pour prendre l'exemple du chocolat en poudre que toutes les familles de l'Hexagone et des outre-mer ont sur la table du petit-déjeuner, de prix allant de 3, 10 euros ici, à Paris, à 4, 40 euros à La Réunion, à 5, 43 euros en Martinique, à 7, 08 euros en Guadeloupe et même à 7, 50 euros en Guyane !

Dans ce cas précis, l'écart, relevé en 2009 dans un rapport de la mission commune d'information sur la situation des départements d'outre-mer conduite par votre collègue Éric Doligé et présidée par Serge Larcher, votre rapporteur aujourd'hui, variait ainsi de 42 % à 142 %. Trois ans après, hélas, de tels différentiels demeurent.

Nous parlons, pour prendre cette fois l'exemple de quatre pots de yaourt « nature », d'un prix de 1, 15 euro dans l'Hexagone, mais de jamais moins de 2, 30 euros outre-mer. Là encore, l'écart est de 100 % pour deux produits identiques de consommation courante…

Je pourrais allonger la liste des exemples, qui peuvent vous paraître anodins ou anecdotiques. Mais, n'en doutez pas, mesdames, messieurs les sénateurs, ils sont le témoignage de l'injustice criante que ressentent nos compatriotes outre-mer et qui peut être le ferment d'un sentiment d'abandon.

Ainsi donc, et depuis des années, les prix sont, dans les outre-mer, anormalement élevés par rapport à ceux qui sont pratiqués dans l'Hexagone. Cette situation, qui pèse sur les ménages les plus modestes, sur nos compatriotes les plus fragiles, quelques parlementaires des outre-mer, et j'en fus, l'ont dénoncée. Trop seuls, ils n'ont pas été écoutés.

Il aura fallu des crises sociales retentissantes, il aura fallu la remise en cause de l'autorité de la République, pour que ce sujet fasse enfin irruption dans le débat public national : crise des carburants en Guyane puis en Guadeloupe, à la fin de l'année 2008 ; quarante-quatre jours de grève et de blocage de l'économie en Guadeloupe et en Martinique, au début de 2009, avec des répercussions en Guyane, à La Réunion et à Mayotte ; crise à La Réunion en 2010 et en 2012 ; crise à Mayotte en 2011.

Depuis 2009, missions, rapports et études d'horizons divers se sont succédé, pour décrire en détail les mécanismes de formation des prix outre-mer.

La connaissance en la matière n'a jamais été aussi approfondie. Les nombreux travaux menés par les sénateurs Serge Larcher, Éric Doligé, Michel Vergoz ou Félix Desplan, qui se poursuivent également au sein de la délégation sénatoriale à l'outre-mer, ont permis d'explorer des pistes prometteuses.

Je crois pouvoir le dire, il y a aujourd'hui un large consensus pour admettre, d'une part, l'existence d'un problème de « vie chère » et, d'autre part, l'urgence politique et sociale d'y apporter une réponse et la nécessité d'une intervention non seulement attendue mais légitime des pouvoirs publics.

Car aucune solution durable n'a été trouvée jusqu'ici. Les grèves et les manifestations ont montré leur limite et, surtout, leur danger pour des économies fragiles comme celles des outre-mer.

Le blocage des prix, tel que le prévoit la LODEOM, la loi pour le développement économique des outre-mer, votée en juin 2009, n'a jamais été appliqué faute, précisément, d'être applicable. Les produits à prix « solidaires » à La Réunion, ou à prix « baissez bas » – c'est joliment dit ! – en Martinique ont été des expérimentations intéressantes, mais elles n'ont connu qu'un succès partiel, car limité géographiquement, malgré la volonté de leur promoteur. En outre, elles risquaient d'être sans lendemain.

C'est donc forts de toute cette expérience accumulée que nous avons adopté une autre stratégie, celle qui consiste à s'attaquer non plus aux conséquences, mais bien aux causes identifiées de cette situation particulière aux outre-mer, non plus aux prix de détail, qui sont la partie émergée de l'iceberg, mais aux prix de gros, en amont de la chaîne logistique, là où, à l'évidence, se situent les mécanismes de formation des prix excessifs.

Voilà pourquoi ce texte est ambitieux et, à certains égards – n'ayons pas peur des mots ! –, révolutionnaire. Il est la traduction de l'un des trente engagements du président de la République, François Hollande, envers les outre-mer : « Je lutterai sans concession contre les monopoles et les marges abusives, en renforçant les instances de contrôles et les observatoires des prix et des revenus. Je favoriserai la concurrence notamment en luttant contre les exclusivités accordées aux agences de marques et en créant, en accord avec les régions, des plateformes logistiques mutualisées pour la distribution alimentaire et artisanale. Je mettrai en place un “bouclier qualité-prix” grâce à des chartes entre la grande distribution et les producteurs locaux et, si nécessaire, en encadrant les prix des produits de première nécessité. J'encouragerai les circuits courts de distribution en favorisant la mise en marché des productions locales et je favoriserai l'organisation des consommateurs en introduisant la notion d'actions de groupe. »

Tels sont, mot pour mot, les engagements pris par le Président de la République.

Ce projet de loi est la première traduction de cette feuille de route volontariste et courageuse.

La réglementation actuelle nous enferme dans un choix qui n'en est pas un, car elle ne règle rien : ne rien faire et cultiver le fatalisme ou bien bloquer les prix et tomber dans l'économie administrée.

Or, nous le savons tous, administrer les prix peut être nécessaire pour faire face à une situation exceptionnelle, mais cela ne saurait être une solution durable pour les économies d'outre-mer.

Il faut donc s'attaquer au système de formation des prix, c'est-à-dire aux causes de la vie chère, car les prix de détail ne sont que le résultat d'une accumulation de marges et de prix en amont.

Pour cela, il nous faut des outils nouveaux : intervention sur les marchés de gros, contrôle de la chaîne logistique, lutte contre les exclusivités abusives, régulation de la grande distribution, bref, une nouvelle « boîte à outils » avec de nouveaux moyens d'investigation et de sanction de comportements qui conduisent à des prix trop élevés, à des marges et à des profits injustifiés.

Je tiens à souligner, avant d'en passer à la présentation des principales dispositions du projet de loi, que le Gouvernement n'oublie pas nos concitoyens de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française. La plupart des dispositions présentées aujourd'hui relèvent de la compétence de ces territoires et n'ont donc pas vocation à s'y appliquer. Il appartiendra aux autorités de ces deux territoires, si elles l'estiment opportun, de transposer celles des dispositions qu'elles jugent adaptées à leur situation locale. Pour sa part, le Gouvernement les accompagnera dans cette démarche et veillera à ce que, dans les matières qui relèvent de sa compétence, comme les tarifs bancaires, les excès observés ne puissent perdurer.

L'article 1er du texte a pour objet de réguler par décret les marchés de gros et, j'y insiste, uniquement les marchés de gros, c'est-à-dire les marchés entre entreprises qui ne concernent pas directement le consommateur, mais qui le pénalisent, au final.

L'article 2 interdit les accords exclusifs d'importation lorsque ceux-ci vont à l'encontre de l'intérêt des consommateurs. Je précise, mais nous y reviendrons dans la discussion, qu'il ne s'agit pas d'interdire l'activité des grossistes importateurs ; simplement, ceux-ci auront désormais à démontrer, afin de continuer leur activité, qu'ils sont un circuit d'approvisionnement efficace et compétitif.

L'article 3 étend le pouvoir de saisine de l'Autorité de la concurrence par les régions d'outre-mer qui, par leur compétence de coordination économique, auront sur leur territoire les mêmes pouvoirs de saisine que le ministre de l'économie, c'est-à-dire un pouvoir général de saisine, quel que soit le secteur, ce qui leur permettra d'être les porte-parole naturels de toutes les entreprises qui, pour des raisons bien connues, n'osent pas porter plainte elles-mêmes.

L'article 4 abaisse de 7, 5 millions d'euros à 5 millions d'euros le seuil de contrôle des concentrations dans le commerce de détail en outre-mer. Il s'agit de capter les opérations portant sur des surfaces moyennes supérieures à 600 mètres carrés, ce qui est significatif outre-mer.

L'article 5 rend davantage opérationnelle une disposition existante du code de commerce appelée « injonction structurelle », qui vise à sanctionner d'éventuelles rentes de monopole si celles-ci venaient à être constatées dans la grande distribution. Cet article a fait couler beaucoup d'encre, car il est l'échelon ultime d'une grille de sanctions. Or cette disposition est entourée de solides garanties juridiques qui en font ce qu'elle est, à savoir une mesure dissuasive qui n'a vocation à s'appliquer que pour combattre des comportements conduisant à des prix abusifs dans la grande distribution.

Enfin, en introduisant par amendement ce qui est devenu l'article 6 bis du texte adopté par la commission des affaires économiques, le Gouvernement a choisi d'intégrer une dernière disposition, la mise en œuvre d'un « bouclier qualité-prix », qui était l'une des promesses du chef de l'État. Cet article vient parachever l'édifice de ce projet de loi en prévoyant une mesure qui sera efficace à très court terme, dès la promulgation de la loi, à savoir l'organisation chaque année, dans chaque territoire, d'une négociation pour mettre en place des prix plafonds modérés visant un panier de produits de consommation courante.

La disposition qu'a fait adopter le Gouvernement définit le cadre dans lequel se tiendront ces négociations, mais, surtout, elle impose en quelque sorte une obligation de résultat, car, faute pour ces négociations d'aboutir, ce sont les préfets qui fixeront par arrêté le prix plafond d'un chariot type représentatif.

Mais, pour avoir mené une large concertation depuis la fin du mois de juin autour de ce projet de loi avec l'ensemble des acteurs de la vie économique et sociale des outre-mer ainsi que les élus, je sais que cette disposition, attendue, est impérative.

Chacun doit comprendre en effet que la « vie chère » est un authentique frein au développement des outre-mer. C'est une hypothèque lourde qui pèse sur la croissance de nos territoires, et cela depuis les crises sociales de 2009.

La crise financière que connaissent les économies développées y a sa part, bien entendu, mais la vie chère mine plus qu'on ne le pense la confiance entre les consommateurs et les entreprises.

Elle alimente une méfiance qui conduit les ménages à moins consommer, à se réfugier, pour certains, dans l'épargne de précaution, pour d'autres dans la spirale de l'endettement, voire du surendettement.

Elle alimente aussi des mécanismes d'alourdissement des coûts salariaux. Ainsi, les risques de boucles prix-salaires sont réels dans les outre-mer et la vie chère en est la cause principale.

Et ce sont les entreprises, leurs investisseurs, leurs salariés, leurs clients qui en pâtissent. Et c'est la croissance qui est en panne depuis des mois presque partout dans les outre-mer, en particulier en Guyane. Je n'ignore pas que, à population égale, le pouvoir d'achat d'un ménage guyanais est deux fois inférieur à celui d'un ménage antillais !

Oui, la question des prix et des coûts se pose à l'ensemble des agents économiques, et cela dans n'importe quel système, aussi bien aux entreprises qu'aux ménages. Les prix élevés des carburants sont par exemple une charge pour tous, surtout en l'absence de système collectif de transports ! Et lorsque l'on sait que les marges des uns sont aussi, en réalité, les coûts des autres, il me paraît clair qu'il est dans l'intérêt de tous que nous puissions aboutir à des résultats concrets.

Je veux donc faire œuvre de pédagogie en vous expliquant ce qu'est notre démarche et en vous précisant ce que permettra ce texte s'il est voté.

En revanche, je ne peux pas laisser dire, comme j'ai pu l'entendre, qu'avec cette loi, l'État et le Gouvernement renonceraient à assumer leurs responsabilités. C'est même tout le contraire !

Voilà donc un texte équilibré dont le but n'est pas de laisser croire que les coûts d'importation vont disparaître ni que tous les prix s'aligneront un jour, comme par magie, sur ceux de l'Hexagone. Notre objectif est de faire baisser les prix chaque fois que cela sera possible afin de rétablir la confiance de la population dans la loyauté des marges.

Mais, si ce projet de loi est une réponse au problème de la vie chère dans les outre-mer, elle n'est pas la seule que propose le Gouvernement. C'est en effet un plan structuré de lutte contre la vie chère que nous avons initié.

La loi aura son rôle pour transformer à terme les structures, pour agir durablement. Mais, à plus court terme, nous ouvrirons très rapidement des discussions, marché par marché, territoire par territoire, pour obtenir des baisses de prix négociées.

Nous l'avons déjà fait ces dernières semaines, et avec succès, non seulement sur les tarifs de la téléphonie mobile, mais aussi sur le prix de la bouteille de gaz de 12, 5 kilogrammes, qui est passé, à Mayotte, de 36 euros à 26 euros, soit 10 euros de baisse, mesdames, messieurs les sénateurs. Il faut savoir qu'une telle bouteille à La Réunion, dont le prix est il est vrai subventionné, coûte entre 15 euros et 22 euros, 23 euros en Martinique, en Guadeloupe et en Guyane. Trente-six euros pour une bouteille de gaz à La Réunion ? C'est que nous sommes en présence d'un duopole. Et que ne m'a-t-on dit lorsque cette mesure a été prise ! On allait, c'est sûr, aux dépôts de bilan… Eh bien, alors que nous avons imposé ce prix de 26 euros, les entreprises concernées continuent de fonctionner, et sont même apparemment très satisfaites !

S'agissant des carburants, pas plus tard qu'avant-hier, nous avons obtenu des pétroliers un effort de 3 centimes, alors même que tout le monde jugeait cela impossible !

Nous mettrons donc très vite en œuvre ce « bouclier qualité-prix » qui, je le répète, était l'un des engagements du chef de l'État.

Très rapidement, également, le projet de loi qui vous est soumis permettra une régulation plus complète en matière de fixation des prix du carburant outre-mer. Dans ce nouveau cadre législatif, nous revisiterons le décret de 2010. Ce n'est pas mon décret, c'est celui de la République, mais je l'ai suffisamment combattu pour dire aujourd'hui qu'il sera modifié dans le sens d'une plus grande transparence et d'une discussion approfondie sur les marges consenties aux professionnels.

Que l'on ne me dise pas que les prix sont à peu près identiques dans les outre-mer et en métropole. Ici, le marché est concurrentiel et la marge au détail est de 1 centime par litre pour le supercarburant, et même de 0, 4 centime dans les grandes et moyennes surfaces. Or la marge peut parfois s'élever à 12, 5 centimes en Guadeloupe, à 10 centimes en Martinique ou à La Réunion. De telles marges au détail ne sont pas acceptables, d'autant moins que nous sommes en présence d'un secteur monopolistique réglementé où c'est l'État qui décide de la marge. Comment peut-on autoriser ces écarts ?

Avant de conclure, je voudrais évoquer les dispositions du chapitre II, qui concernent la mise à jour du cadre législatif des outre-mer par différentes voies, la ratification d'ordonnances déjà prises ou l'habilitation pour des ordonnances nouvelles, ou encore la validation législative de lois de pays. Ces dispositions montrent que l'ensemble des outre-mer est concerné par le texte, même si les collectivités qui relèvent de l'article 74 de la Constitution restent compétentes pour les questions économiques. Ces collectivités pourront s'inspirer de ce texte pour adapter leur propre législation si elles le souhaitent.

Je voudrais commenter plus particulièrement l'article 8, qui permet à un maître d'ouvrage en outre-mer d'échapper à l'obligation d'assurer 20 % du financement de ses projets. Je ferai à ce sujet deux remarques.

D'une part, un dispositif dérogatoire existe déjà pour la Corse. Le législateur a donc déjà pris en compte des situations d'insuffisance de ressources de certaines collectivités.

D'autre part, il s'agit d'une possibilité, d'une faculté, et non d'une obligation. L'État pourra donc choisir les dossiers prioritaires et n'utiliser cette disposition que dans des cas précis : investissement d'intérêt public majeur et faibles ressources de la collectivité concernée. C'est le cas, par exemple, de l'ouest guyanais et des communes du fleuve, où l'État a été condamné pour des décharges sauvages et paie à ce titre de fortes amendes. L'État a donc objectivement intérêt, compte tenu des capacités contributives des collectivités intéressées, à se substituer et à investir pour ne plus avoir à payer d'amendes.

Voilà, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, les points essentiels du texte qui vous est soumis.

Avant de laisser toute leur place à nos échanges, je tiens à redire qu'il ne s'agit pas d'imposer une législation et une réglementation tatillonnes et figées. Il ne s'agit pas davantage de stigmatiser les entreprises d'outre-mer qui sont, avec leurs salariés, les créateurs de valeur dans nos territoires. Nous ne voulons pas réglementer, nous voulons réguler ; nous ne voulons pas d'économie administrée, nous voulons davantage de concurrence.

Ce projet de loi vise simplement à créer des instruments nouveaux de régulation qui n'ont vocation à être utilisés qu'en cas de besoin et au cas par cas, secteur par secteur, territoire par territoire.

Il faut aussi, par exemple, faire émerger un véritable contre-pouvoir des consommateurs, avec des associations de défense qui auront à prolonger les avancées réelles du texte.

Je n'ignore pas que certaines dispositions suscitent des inquiétudes. Je peux le comprendre, car la nouveauté est toujours inquiétante, surtout quand elle concerne des situations qui, résultat de sédimentations successives liées à l'histoire, restent figées depuis des décennies.

J'entends bien que certains auraient préféré que nous ne fassions rien, que nous attendions encore avant d'agir. Je crois au contraire que les enjeux nécessitent aujourd'hui d'agir, et d'agir vite !

C'est tout le sens de la mission que m'ont confiée le Président de la République et le Premier ministre.

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