Intervention de Jean-Claude Requier

Réunion du 26 septembre 2012 à 11h00
Régulation économique outre-mer — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean-Claude RequierJean-Claude Requier :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, en préambule, je tiens à préciser que, bien que ne faisant pas partie des sénateurs ultramarins, je suis particulièrement sensible aux questions relatives à l'outre-mer et suis très honoré de faire partie de la délégation sénatoriale à l'outre-mer, qui me fait ainsi apprécier cette lointaine France des grands horizons.

Je me réjouis que le projet de loi que nous examinons aujourd'hui soit l'un des premiers textes présentés par le nouveau gouvernement. C'est un signal fort qui est adressé à nos concitoyens ultramarins. Mais c'était aussi une nécessité, comme vous le savez, monsieur le ministre, puisque ce projet de loi vise à répondre à un problème aussi grave qu'urgent qui touche les territoires ultramarins et que l'on désigne, par euphémisme, sous le vocable de « vie chère ».

En effet, le niveau des prix de la plupart des produits de grande consommation y est très largement supérieur à celui de l'Hexagone. C'est un constat. Pour les produits alimentaires, les prix sont 30 % à 50 % plus élevés ! Dans l'excellent rapport de notre collègue Serge Larcher figure un relevé de quelques prix : ainsi, un pack de six bouteilles d'eau de source, vendu 1, 08 euro en métropole, est au prix de 3, 60 euros en Guyane, 2, 64 euros en Guadeloupe et 3, 85 euros à La Réunion, et je passe sur l'eau de javel et la lessive ou encore le chocolat, déjà cité.

Cette réalité est d'autant plus préoccupante qu'elle frappe de plein fouet les ménages modestes, qui sont nombreux outre-mer.

Les effets de la crise économique et financière mondiale ont donc été pour un grand nombre de nos concitoyens ultramarins beaucoup plus prégnants que pour nous, les métropolitains. Ces situations de « détresse économique » des ménages ont conduit à des crises sociales très graves dans diverses collectivités ultramarines ces dernières années.

Mais que faire face à ce fléau que constitue le coût élevé de la vie outre-mer ? Ne rien faire, comme c'était souvent le cas précédemment ? Bloquer les prix ? Les dispositifs actuels d'encadrement des prix, loin d'être efficaces, sont plutôt une entrave à la baisse durable des prix. En effet, ce système contribue paradoxalement à la formation de rentes. De plus, il ne s'attaque pas à l'origine du problème, qui réside dans la structure de formation des prix, dans laquelle interviennent de nombreux intermédiaires.

C'est pourquoi ce projet de loi intervient à point nommé. Il représente une innovation très intéressante qui permettra de lutter efficacement contre la « vie chère » outre-mer, puisqu'il prévoit un véritable changement de stratégie en matière de régulation économique. Il vise en effet à s'attaquer à la « source » du problème, c'est-à-dire au processus de formation des prix.

Ainsi, l'article 1er, qui rend possibles la régulation des marchés de gros et la levée des obstacles à la concurrence en amont, constitue une véritable avancée. Deux amendements adoptés en commission des affaires économiques ont modifié cet article et en ont précisé et élargi le champ. Il couvrira ainsi l'ensemble des étapes : le fret, le stockage et la distribution.

En permettant au Gouvernement de prendre par décret des mesures destinées à corriger des situations de monopole ou d'oligopole, cet article devrait enfin permettre de réduire efficacement et durablement les prix en outre-mer.

L'article 2, qui ouvre la possibilité d'interdire des accords octroyant des droits exclusifs d'importation à un opérateur lorsque cette exclusivité n'a pas de justification économique, va dans le même sens. Un amendement de notre collègue Georges Patient, adopté en commission, a renforcé ce dispositif en inversant la charge de la preuve, qui reposera désormais sur l'entreprise et non sur l'autorité répressive, comme le prévoyait le projet de loi dans sa version initiale.

L'article 3, qui permettait, dans sa rédaction initiale, aux régions d'outre-mer ainsi qu'aux autres collectivités ultramarines détenant une compétence économique de saisir l'Autorité de la concurrence pour toutes les affaires de leur territoire dont elles auraient eu connaissance, sera également un outil très important dans les mains de ces collectivités. Un amendement adopté en commission a modifié la rédaction de cet article, qui prévoit désormais que les collectivités ultramarines peuvent saisir l'Autorité de la concurrence pour toute pratique contraire aux mesures de réglementation des marchés de gros.

De même, l'article 5, qui donne à l'Autorité de la concurrence un pouvoir « d'injonction structurelle » lorsqu'elle constate une situation de position dominante dans le secteur de la grande distribution, est une arme supplémentaire pour lutter contre la « vie chère ».

Cet article a, lui aussi, fait l'objet d'ajustements lors de l'examen en commission. La nouvelle rédaction précise notamment le critère de déclenchement de l'action de l'Autorité de la concurrence.

La nouvelle approche qui consiste, dans ce projet de loi, à s'attaquer directement au processus de formation des prix est très intéressante. Cependant, elle ne suffira probablement pas à régler le problème des prix élevés outre-mer, car ce phénomène est aussi lié à des facteurs structurels sur lesquels nous ne pouvons malheureusement pas agir.

C'est pourquoi ce projet de loi méritait d'être complété. L'article 6 bis, introduit en commission, qui traduit l'engagement du Président de la République de mettre en place un « bouclier qualité-prix » en outre-mer, va dans ce sens. Cet article prévoit une négociation annuelle en vue de la conclusion d'un accord de modération des prix d'une liste de produits de consommation courante.

Le second chapitre de ce projet de loi comporte diverses dispositions relatives à l'outre-mer. Il prévoit notamment l'extension et l'adaptation d'un certain nombre de normes aux collectivités d'outre-mer, en particulier à Mayotte, dernière venue dans la collectivité nationale. Il me semble que ces dispositions prennent en compte les spécificités des collectivités ultramarines et répondent à leurs besoins.

L'article 8, par exemple, dont il a été beaucoup question, vise à supprimer l'obligation de cofinancement d'au moins 20 % pour les collectivités d'outre-mer dans les projets dont elles assurent la maîtrise d'ouvrage.

La démarche intéressante et innovante qui caractérise ce projet de loi est aussi le signe d'une prise en compte nouvelle des outre-mer et de leurs spécificités. C'est une démarche très positive, qui donne aux collectivités ultramarines les clés de la maîtrise de leur avenir.

C'est pourquoi aucun des membres du RDSE ne s'opposera à l'adoption de ce texte, et c'est pourquoi aussi la très grande majorité d'entre nous approuveront le projet de loi, contribuant ainsi modestement à cette longue marche vers l'égalité réelle que vous avez évoquée en préambule de votre intervention, monsieur le ministre.

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