Intervention de Robert Laufoaulu

Réunion du 26 septembre 2012 à 11h00
Régulation économique outre-mer — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Robert LaufoauluRobert Laufoaulu :

Non que je le trouve sans défauts : j'ai des doutes sur l'efficacité dans la pratique, à Wallis-et-Futuna, du dispositif : comment, par exemple, pourra-t-on mettre en œuvre ce qui est prévu concernant les droits exclusifs d'importation avec des pays comme l'Australie ou la Nouvelle-Zélande ?

Par ailleurs, ce texte demeure essentiellement axé sur le commerce et la grande distribution, et se trouve donc assez lacunaire sur des points essentiels au regard de la vie chère, par exemple le coût des transports aériens et maritimes ou celui de l'électricité. Mais le Parlement est là pour améliorer le texte, avec l'appui du Gouvernement.

Néanmoins, ce projet de loi a le mérite de s'attaquer en urgence à l'un des problèmes majeurs auxquels nos compatriotes d'outre-mer sont confrontés, celui de la cherté de la vie, et je ne peux que soutenir cette démarche, d'autant que, chaque année, dans cette enceinte, j'insiste sur ce point.

À Wallis-et-Futuna, je crois pouvoir affirmer sans être contredit que, comme l'a souligné récemment le conseiller du Premier ministre pour l'outre-mer, nous sommes les plus touchés par le problème des monopoles, qui nous imposent des prix que l'on peut qualifier sans emphase de « délirants ».

Oui, hélas, Wallis-et-Futuna est le territoire « plus » : plus de chômage – 30 % de la population bénéficie de revenus financiers –, les prix les plus élevés, plus d'inflation, plus d'enclavement, nos petites îles étant perdues au milieu du Pacifique, à 2000 kilomètres de la Nouvelle-Calédonie et à 3000 kilomètres de Tahiti ! La carte postale des eaux turquoise du lagon masque une réalité sociale devenue insupportable à une population qui souffre et n'en peut plus. Les prix sont bien plus élevés que dans les DOM, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.

À la suite des mouvements sociaux de l'an dernier, un comité consultatif économique et social a été créé, venant compléter l'observatoire des prix mis en place il y a trois ans. Mais ce travers bien français de la « commissionnite » traduit une incapacité à agir concrètement.

Je vous le dis, monsieur le ministre, à Wallis-et-Futuna, seules des mesures autoritaires prises par l'État pourront faire baisser les prix et les marges, car notre problème, c'est non pas les oligopoles, mais les monopoles.

Les monopoles, lorsqu'ils correspondaient à une notion de service public à la française, ont permis pendant longtemps à la France d'avoir des prix bas pour le timbre et les communications, par exemple, jusqu'à ce que Bruxelles impose à notre pays d'y mettre fin.

Dans quelques rares cas, des monopoles privés peuvent tourner à l'avantage du consommateur, mais, presque toujours, ce dernier devient la victime des entreprises en situation de monopole. Ainsi, le coût de l'électricité est six fois plus élevé à Wallis-et-Futuna qu'en métropole et presque trois fois plus qu'en Polynésie française. Pourquoi ? Entre autres raisons, parce que Total Pacifique est la seule compagnie disposant d'un bateau pouvant entrer dans la passe de Wallis afin de livrer le fioul utilisé pour la production d'électricité. Elle en profite pour prendre une marge de 30 %. Monsieur le ministre, le Gouvernement ne pourrait-il faire pression sur Total pour que cette société fasse un geste ?

De même, nous sommes soumis aux décisions unilatérales de la seule compagnie aérienne desservant actuellement Wallis-et-Futuna, Aircalin, qui nous impose non seulement des horaires parfois pénibles, mais aussi et surtout des tarifs élevés.

Les dispositions du chapitre Ier du projet de loi nécessitent d'être transposées à Wallis-et-Futuna, du fait que les articles du code de commerce ne s'y appliquent pas actuellement. C'est pourquoi l'article 7 prévoit une habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures d'adaptation nécessaires.

Monsieur le ministre, je salue l'insertion de cette disposition, mais un délai de dix-huit mois après la publication de la présente loi est prévu, auquel il faut ajouter le délai nécessaire à la ratification : cela risque de nous mener à fin 2014, début 2015. Les immenses difficultés auxquelles sont confrontées aujourd'hui nos populations excluent une telle attente, aussi le Gouvernement doit-il faire un effort pour la transposition des dispositions de ce projet de loi à Wallis-et-Futuna. J'ai d'ailleurs déposé un amendement en ce sens.

J'insiste aussi sur la spécificité de la situation de Wallis-et-Futuna, qui imposera la prise de mesures particulières et vigoureuses dans le cadre de l'ordonnance prévue à l'article 7, comme je le demande par voie d'amendement. De telles mesures seront, je l'espère, préparées en concertation avec les élus du territoire ; notre marge de manœuvre sera plus importante que pour les départements d'outre-mer, le droit européen de la concurrence ne s'appliquant pas à Wallis-et-Futuna.

Enfin, j'évoquerai brièvement les ordonnances qui sont soumises à ratification au travers de l'article 11 de ce projet de loi, certaines concernant Wallis-et-Futuna. Je me réjouis notamment que soient rendues applicables sur notre territoire des mesures relatives à des domaines aussi divers que la protection des consommateurs dans le secteur des services financiers à distance, le don du sang ou la stratégie nationale pour la mer et le littoral.

Voilà, monsieur le ministre, mes chers collègues, les quelques points que je voulais aborder au cours de cette discussion générale ; j'aurai l'occasion de les développer un peu plus au moment de l'examen des articles et des amendements. §

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