Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, les mouvements de grève à répétition et les manifestations des mois d'octobre et de novembre derniers contre la cherté de la vie à Mayotte ont sévèrement menacé l'équilibre économique du territoire et affecté l'économie locale à bien des égards.
Une foule en colère a usé d'une liberté d'expression constitutionnellement garantie et la population de l'île attend impatiemment des solutions d'urgence qui la mettraient à l'abri des dysfonctionnements d'un marché trop étroit, où les prix pratiqués sont en total décalage avec le pouvoir d'achat des Mahorais.
Certes, monsieur le ministre, ce projet de loi de deux chapitres tant attendu ne répond pas à toutes les préoccupations des ultramarins, plus particulièrement à celles des Mahorais, qui vivent désormais dans un département où s'applique d'emblée le droit commun.
Dès après votre nomination en tant que ministre des outre-mer, j'ai eu l'occasion de vous accueillir à Mayotte pour évoquer avec vous les difficultés auxquelles ce jeune département est confronté et rechercher des solutions pérennes. Ensuite est venu le temps de présenter à l'ensemble de nos compatriotes ultramarins un projet de loi visant à régler la question de la vie chère dans les outre-mer.
Avant sa présentation en conseil des ministres, ce projet de loi était considéré par la population de Mayotte comme un outil porteur d'espoir. Or, malgré les constats et les propositions faits par les membres de la commission des lois du Sénat qui se sont rendus à Mayotte au mois de mars dernier, sous l'égide de nos collègues Jean-Pierre Sueur, Christian Cointat et Félix Desplan, dont le rapport d'information sur Mayotte a été publié le 18 juillet dernier, les Mahorais ne s'y retrouvent pas. Ils attendent pourtant avec impatience des solutions pour dynamiser leur pouvoir d'achat.
Les auteurs de ce rapport, monsieur le ministre, insistent sur les défis que le jeune département doit relever. Surtout, ils formulent cinq propositions. Leurs éloquentes conclusions sont plus que jamais d'actualité, mais force est de constater qu'aucune de ces propositions n'a été prise en compte ni dans ce texte ni par le Gouvernement, qui s'est pourtant déclaré prêt à mettre en œuvre le changement.
La première de ces propositions est d'ouvrir le marché mahorais aux pays voisins pour une liste de produits de première nécessité.
La deuxième est de diminuer les taxes d'importation sur les produits de première nécessité, tout en augmentant celles sur les produits dits « de luxe ».
La troisième est d'assurer pour les consommateurs la transparence dans la formation des prix, de faire connaître les prix des mêmes produits en métropole et de sanctionner, le cas échéant, les entreprises qui pratiquent des marges trop élevées.
La quatrième est d'engager rapidement une réflexion sur les solutions qui permettraient de limiter le poids des monopoles à Mayotte et, plus généralement, dans les outre-mer.
Enfin, la cinquième est de favoriser la consommation des produits locaux.
Dans ces conditions, comment déposer des amendements sur un texte qui méconnaît de façon générale les problématiques réelles auxquelles est confronté l'ensemble du tissu économique mahorais et qui ne comporte aucun dispositif ou article sur la régulation du coût de la vie à Mayotte ?
C'est une déception, monsieur le ministre, pour la population de l'île, qui attend toujours avec ferveur le début de la mise en œuvre des promesses faites par le candidat François Hollande lors de sa visite à Mayotte, le 31 mars dernier.
En effet, ce texte constitue à mes yeux un projet inadapté à mon territoire. Sachez, monsieur le ministre, que les Mahorais comptent beaucoup sur la nouvelle majorité pour continuer le chantier ouvert par le précédent gouvernement.
À l'instar des mesures d'urgence présentées dans le rapport d'information sénatorial, les vraies solutions résident dans la mise en œuvre d'une action politique, d'une forte interconnexion entre le secteur public et le secteur privé, qui doivent conjointement garantir l'essor du développement économique et social de ce territoire, ce qui permettra, à terme, d'endiguer les effets dévastateurs de la cherté de la vie à Mayotte.
Pour appuyer les précédentes observations, je vous ferai remarquer au passage, monsieur le ministre, que le problème de la vie chère à Mayotte résulte simplement d'une absence d'interaction entre le secteur public, qui, à ce jour, demeure le seul support de l'économie locale, et le secteur privé, qui dépend entièrement des marchés publics à l'échelon local.
La vie est trop chère pour les Mahorais parce qu'elle est d'abord chère pour toutes nos collectivités locales, qui souffrent d'un manque criant de moyens pour garantir au mieux la conduite d'une politique de proximité à destination des usagers.
Le caractère d'urgence, souligné par la commission des lois, du traitement de la problématique de la vie chère à Mayotte ne doit nullement être occulté. Il existe malheureusement une forte inadéquation entre le niveau du pouvoir d'achat des Mahorais et les prix pratiqués dans la grande distribution. L'écart est considérable !
Plutôt que d'octroyer aux collectivités ultramarines la faculté inédite de saisir l'Autorité de la concurrence, comme le prévoit le projet de loi, il aurait été plus judicieux de résoudre le problème du marché monopolistique avec les acteurs en présence, qui pratiquent des marges tarifaires abusives.
À cet égard, je préconise, à l'instar de nos collègues de la commission d'information sénatoriale, la mise en place immédiate d'un fonds spécifique de rattrapage afin d'établir un équilibre entre le département de Mayotte et les autres DOM en matière de niveau de vie. Cela permettra, d'une part, de relever les défis de la départementalisation, et, d'autre part, de relancer les négociations avec l'ensemble des acteurs locaux pour aboutir à des compromis face à ce fléau, qui ne doit pas être une fatalité pour nos territoires ultramarins.
Qu'il me soit permis de dire que vie chère et départementalisation s'effacent devant une exigence singulière, celle de la réussite de la décentralisation dans le département de Mayotte.
Pour conclure, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais préciser que, d'une façon générale, pour l'opinion la vie chère s'explique uniquement par les relations commerciales existant entre les sources de distribution et les consommateurs, alors que cette question est beaucoup plus complexe et transcende largement cette frontière.
La vie chère, c'est aussi le coût excessif des transports maritime et aérien, les frais trop élevés de téléphonie en outre-mer, les différentes taxes douanières appliquées, une politique d'éducation très insuffisante et une jeunesse livrée à elle-même, un réseau associatif, acteur incontournable de la vie locale, confronté à des difficultés grandissantes, le manque de structures d'encadrement socioéducatif, une politique de logement presque inexistante, l'absence d'une véritable politique de coopération régionale, et j'en passe.