Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis a pour objet de rendre effective la libre concurrence dans une économie insulaire qui souffre de la petite taille de ses marchés et de leur éloignement des principales sources d'approvisionnement.
Ce texte est l'occasion pour nous, représentants de nos populations, de prendre nos responsabilités en mettant fin à la situation actuelle d'inégalité économique entre les territoires d'outre-mer et l'Hexagone.
Il n'est plus possible de laisser des facteurs structurels et géographiques favoriser indirectement la constitution de monopoles ou d'oligopoles et de rester sourds au désarroi grandissant d'une population ultramarine au bord de l'explosion sociale.
En effet, la cherté de la vie, accentuée ces dernières années par la crise économique mondiale, a déclenché depuis 2008-2009 des crises sociales récurrentes.
Les consommateurs domiens ont protesté contre les écarts de prix entre l'outre-mer et la métropole pour les produits alimentaires de première nécessité, qui atteignent souvent de 30 % à 50 %.
Cependant, l'exiguïté des marchés en question et leur éloignement ne suffisent pas à expliquer le niveau élevé des prix.
En effet, l'organisation des marchés de gros et de détail a aussi sa part de responsabilité dans le manque de concurrence sur les marchés domiens.
Selon l'Autorité de la concurrence, le secteur de la grande distribution à dominante alimentaire est trop peu concurrentiel dans les DOM en raison de la longueur des circuits logistiques vers les territoires ultramarins et de la rareté du foncier commercial, qui favorise un niveau de concentration élevé. Par exemple, certains groupes détiennent des parts de marché supérieures à 40 % en termes de surfaces commerciales, soit sur la totalité du département concerné, soit sur une ou plusieurs zones de chalandise.
S'agissant du marché de détail, la faible concurrence est d'autant plus préjudiciable au consommateur domien que, en amont, les importateurs grossistes sont relativement préservés des pressions concurrentielles et que, dans le même temps, les pratiques d'exclusivité territoriale atténuent la capacité des distributeurs à arbitrer entre différents importateurs-grossistes.
Ainsi, ces diverses entorses à la liberté de la concurrence sont les causes profondes de la vie chère dans les territoires ultramarins, sachant que les tarifs maritimes, entre autres taxes, accentuent encore l'envolée des prix.
Pour conclure, je souhaite préciser que le présent projet de loi a pour mérite de comporter des mesures immédiates. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que le meilleur remède contre la vie chère consiste à jouer sur les mécanismes de composition des prix. On sait que plus il y a d'intermédiaires, plus le prix final est élevé. Il s'agira donc, monsieur le ministre, de réduire au maximum leur nombre et de tenter de produire, idéalement, sur place.
Ainsi s'ouvre devant nous une nouvelle voie d'exploration : comment produire au maximum localement, malgré les contraintes et les dimensions du territoire, tout en privilégiant l'éclosion d'initiatives nouvelles, la condition étant bien sûr de mettre à la disposition des volontaires des lieux de production, tant pour l'agriculture et l'artisanat que pour l'industrie ?
Mener cette réflexion n'est possible que si l'État et les décideurs locaux apportent un soutien à travers – pourquoi pas ? – la mise à disposition d'espaces de production ou de transformation, voire de zones franches, comme je l'avais déjà préconisé lors de la discussion sur la réforme portuaire.
Un texte nécessaire, donc, et audacieux nous est soumis aujourd'hui, qui recueille tout notre soutien, d'autant que vous l'annoncez, monsieur le ministre, comme étant le premier d'une heureuse série à venir. §