Intervention de Victorin Lurel

Réunion du 26 septembre 2012 à 11h00
Régulation économique outre-mer — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Victorin Lurel  :

Naturellement, je vous rejoins quand vous dites qu'aucune loi ne résoudra les problèmes géographiques des outre-mer qui font et feront encore l'objet de nos politiques publiques.

La question des territoires d'approvisionnement doit, à l'évidence, être au cœur de nos réflexions. Pour autant, ce n'est pas, il me semble, au présent projet de loi d'y répondre. Il constitue une première réponse ciblée sur les causes structurelles de la vie chère et le Gouvernement, croyez-le bien, ne s'arrêtera pas à ce texte.

Je tiens aussi à vous rassurer en vous confirmant que nous ne nous défaussons pas sur les collectivités et que l'État ne renoncera en aucune façon à son pouvoir de saisine de l'Autorité de la concurrence.

En ce qui concerne l'article 5 et l'injonction structurelle, j'ai bien noté que l'UMP aurait souhaité supprimer cet article et mettait en doute sa constitutionnalité. Nous aurons à en débattre plus précisément lorsqu'il viendra en discussion.

Enfin, je peux souscrire à votre remarque sur le recours trop fréquent du Gouvernement aux ordonnances. Cependant, je tiens à vous faire observer que, en l'espèce, il s'agit, pour Saint-Pierre-et-Miquelon, d'une demande expresse des parlementaires. Par ailleurs, si le chapitre II comprend un certain nombre de ratifications et de nouvelles demandes d'habilitation, c'est parce que des retards ont été pris, dont la responsabilité incombe au gouvernement précédent.

Monsieur Labbé, madame Archimbaud, je veux vous remercier pour votre soutien à l'action du Gouvernement, plus particulièrement dans les outre-mer.

Je sais que vous avez tenu à consulter vos élus locaux et j'ai apprécié les échanges que nous avons eus. Je serai donc d'autant plus sensible à vos propositions, qui me semblent aller dans le bon sens : pour que cette réforme d'envergure puisse produire ses effets, il convient que les acteurs locaux s'en emparent et que les intéressés, y compris les parlementaires, puissent assurer un suivi étroit des effets de la loi. Cet accompagnement pourra aider, j'en suis sûr, le Gouvernement à résister aux différentes pressions qui ne manqueront pas de s'exercer, car pour notre part, nous voulons changer les choses de manière volontariste, et ce n'est jamais chose aisée, je puis vous l'assurer !

Sur la question des taux de sucre dans les aliments et les boissons outre-mer, dont vous avez fort justement rappelé la prégnance et l'urgence, je veux vous dire que la proposition de loi que j'avais défendue en tant que député sera reprise très rapidement, afin que cesse cette injustice qui frappe les outre-mer.

Monsieur Pozzo di Borgo, nous sommes bien d' accord sur le fait que le précédent gouvernement n'a pas apporté les réponses structurelles qu'appelait la problématique de la vie chère outre-mer. Je tiens, néanmoins, à préciser que le présent projet de loi n'a pas pour seul objet de rehausser le pouvoir d'achat de nos concitoyens. Il a aussi pour vocation de rétablir de la justice dans le mécanisme de fixation des prix. Par ailleurs, vous vous dites réticent à l'égard de l'instauration du « bouclier qualité prix », au motif que des dispositifs similaires existaient déjà. En réalité, les dispositions de la LODEOM ne prévoyaient qu'un pouvoir de blocage des prix dans des circonstances extrêmement restrictives qui, de fait, l'ont rendu inapplicable.

Ce que prévoit le projet du Gouvernement est d'un autre ordre. Il s'agit d'abord d'en appeler à la responsabilité des acteurs, en donnant la priorité à la négociation, mais surtout de viser un objectif de résultat : c'est pourquoi le préfet aura la capacité, en cas d'échec des négociations, d'arrêter les prix sur le fondement de facteurs objectifs.

Madame Assassi, je sais combien Paul Vergès aurait souhaité participer à ce débat : à la Réunion, il a contribué à animer les discussions autour du projet de loi, avec des propositions et des contributions utiles.

Nous sommes parfaitement conscients de la nécessité d'ouvrir d'autres chantiers, qui ne pouvaient être abordés dans ce texte, comme ceux de la diversification des sources d'approvisionnement – dans le respect des équilibres à préserver pour le développement de la production locale –, de la politique des revenus et de toute la chaîne de formation des prix.

La question précise des sur-rémunérations, à laquelle vous avez consacré un long développement, n'est pas abordée dans le projet de loi et elle ne figure pas aujourd'hui à l'agenda du Gouvernement, ce qui n'empêche évidemment ni les propositions ni le débat.

Je voudrais faire savoir à Paul Vergès que, sur cette affaire précise, il n'y a pas consensus quant au caractère nocif de la sur-rémunération pour la situation économique. Certes, elle augmente le pouvoir d'achat de certains, mais ce pouvoir d'achat est largement dépensé sur place, ce qui soutient l'activité, l'emploi et donc les revenus des personnes qui occupent ces emplois. Une réduction brutale du revenu disponible des ménages en outre-mer aurait incontestablement un effet déflationniste.

D'ailleurs, un de mes prédécesseurs, Mme Girardin, avait eu le courage de dire à ses propres amis politiques que l'on ne met l'accent que sur des aspects apparemment négatifs de la sur-rémunération, alors que celle-ci alimente la consommation, qui est le premier moteur de la croissance, avant l'investissement et le solde de la balance commerciale. Ne considérer que l'aspect inflationniste dans cette affaire, c'est analyser le problème par le petit bout de la lorgnette. Il nous faudra analyser précisément les choses, établir des simulations, ce qui n'a pas été fait jusqu'à présent. La seule simulation dont on dispose aujourd'hui a été réalisée à la Réunion par le fils de Pierre Mendès-France, mais personne ne lit plus cette étude où il nuançait et tempérait les choses.

J'aurai plaisir à débattre de ce sujet avec M. Vergès. Que conviendrait-il éventuellement de faire ? Instaurer une épargne forcée, comme il le propose, supprimer la sur-rémunération pour les nouveaux entrants dans la fonction publique ou augmenter les revenus dans tous les autres secteurs de la société, comme cela se fait déjà par le biais des conventions collectives, des accords de branche et des accords d'entreprise ?

Ce n'est pas forcément sur ce point qu'il faut agir. C'est la raison pour laquelle nous nous attaquons aux structures et aux mécanismes fondamentaux du fonctionnement de nos économies.

Madame Claireaux, je suis évidemment conscient que la situation très particulière de Saint-Pierre-et-Miquelon, au regard notamment du faible volume d'importations et du monopole du fret maritime, ne permettra pas à la plupart des dispositions de ce projet de loi d'y être efficaces dans la lutte contre la vie chère.

C'est la raison pour laquelle, à votre demande et à celle de votre collègue députée Annick Girardin, le Gouvernement a décidé d'agir sur les revenus à Saint-Pierre-et-Miquelon, en étendant l'application des aides au logement et de l'action sociale et familiale.

Enfin, je tiens à rectifier solennellement ici, devant le Sénat, l'étude d'impact de ce projet de loi en ce qui concerne la notion de PIB à Saint-Pierre-et-Miquelon. Celle-ci n'a, à mon sens, pas toute la pertinence souhaitable. Nous allons diligenter des études pour tenter d'y voir clair.

Monsieur Patient, je vous remercie de votre soutien actif, dans cette assemblée comme sur le terrain. Oui, les engagements de campagne du Président de la République – les soixante concernant la France hexagonale et les trente, voire trente-cinq, qui ont été pris envers les outre-mer – constituent la feuille de route du Gouvernement. Ils seront tenus, à l'instar de cet engagement n° 5 sur la vie chère que vous avez bien voulu rappeler.

Monsieur Laufoaulu, je veux vous dire que je suis sensible à votre soutien sur ce texte, dont vous convenez qu'il s'attaque à un problème majeur.

Vous avez appelé mon attention et celle du Gouvernement sur la situation spécifique de Wallis-et-Futuna. Vous avez raison, le coût d'accès à certains biens essentiels est « délirant », pour reprendre le terme que vous avez employé. Vous avez certainement l'électricité la plus chère de France, voire du monde. Manifestement, il faut faire quelque chose. Ce projet de loi, cette boîte à outils, nous donnera les moyens de discuter avec le monopoleur. Nous allons voir comment nous attaquer de manière plus résolue encore à cette question.

J'en ai bien conscience, ce projet de loi ne pourra répondre à tous les problèmes nés de l'éloignement et de l'insularité de nos territoires. Dès lors que la concurrence et le jeu des forces économiques peuvent faire baisser les prix et que l'on peut lutter contre la captation indue de marges par les opérateurs, nous œuvrerons pour aller dans ce sens. Mais encore faut-il qu'il y ait un marché !

Reste que – ce sujet n'a pas été évoqué – se pose la difficulté de s'attaquer à tous les maillons de la chaîne de formation des prix. Dès lors que nous aurons obtenu une réduction en amont, comment faire en sorte que la répercussion se fasse en aval ? Je pense, par exemple, au fret. Nous pourrions certes utiliser les armes que nous offre le code civil – je le dis sous le regard de Portalis –, notamment la répétition de l'indu, mais il s'agit d'un processus lourd.

Vous le voyez, la tâche est ardue. Il nous faudra avoir une volonté forte et une grande patience pour s'attaquer résolument et durablement à ce problème.

Concernant l'habilitation du Gouvernement à adapter par ordonnance les dispositions du projet de loi, je ne puis que m'engager à votre endroit, mesdames, messieurs les sénateurs, à faire preuve de la diligence nécessaire.

Par ailleurs, je rechercherai tous les moyens pour résoudre les problèmes auxquels Wallis-et-Futuna doit, plus largement, faire face, et je m'attacherai à apporter les réponses qu'il nous sera possible de formaliser dès le 2 octobre, date à laquelle je recevrai une délégation de tous les élus wallisiens et futuniens.

Monsieur Cointat, je tiens tout d'abord à vous remercier sincèrement pour vos conseils avisés et votre analyse lucide – vous êtes un homme d'expérience et vous connaissez bien nos territoires – des freins qui empêchent, voire entravent les changements que nous voulons opérer dans les économies des outre-mer. Venant de vous, ces remarques n'en ont que plus de poids !

Considérant l'ancienneté des pratiques et la puissance des intérêts, vous dites douter de notre réussite. Je peux entendre de tels propos, mais j'espère que l'avenir vous donnera tort !

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