Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 26 septembre 2012 à 11h00
Régulation économique outre-mer — Article 9

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur, président de la commission des lois :

Je défends avec force cet amendement, la situation de l'immigration à Mayotte, comme l'a dit M. le rapporteur pour avis, étant devenue intolérable. Des passeurs envoient de nombreux bateaux très frêles, les kwassas-kwassas, où prennent place des centaines de personnes dans des conditions lamentables et tragiques. On recense presque chaque semaine des morts : un bébé a perdu la vie la semaine dernière au cours de l'une de ces traversées.

La France, monsieur le ministre, dépense 50 millions d'euros par an pour organiser des reconduites à la frontière.

Que se passe-t-il ? Ceux qui arrivent à Mayotte sont « accueillis », si l'on peut dire, dans un centre de rétention administrative dont je vous conseille la visite, car il ne fait pas honneur à la République française – il va être refait, mais il faudra attendre un certain temps. Ensuite, nombre de ceux qui sont « accueillis » dans ce centre de rétention sont reconduits à la frontière, mais ils reviennent…

Le résultat, c'est que Mayotte compte une population d'immigrés en situation irrégulière très importante, dont une part de mineurs isolés livrés à eux-mêmes, ce qui est particulièrement tragique. Cela pose de réelles difficultés à la fois pour ces derniers, mais aussi, M. Mohamed Soilihi a appelé notre attention sur ce point, pour les Mahorais. Cela ne peut pas durer.

Il existe certes un visa, le visa Balladur, que notre rapport préconise de remplacer. Je le cite : « Il faut lui substituer un dispositif d'attribution de visa plus réaliste et rigoureux afin de mieux maîtriser l'immigration. » La publication de ce rapport a donné lieu à une campagne de presse dénonçant le laxisme d'une telle réforme. Certes, ce visa pose des conditions très strictes, mais son degré d'application est nul ! En réalité, la frontière est une véritable « passoire », si vous me permettez l'expression. Nous disposons donc d'un visa magnifique mais qui n'a aucun effet et, lorsque nous disons qu'il faut le réformer, on nous accuse de laxisme ! Mes chers collègues, cela est insupportable.

Par conséquent, la mission que vous avez citée, monsieur le ministre, a été certainement très judicieuse et utile, car M. Christnacht a eu le mérite, je tiens à le dire ici publiquement, de préciser les choses dans la presse à Mayotte.

Toujours est-il qu'il faut revoir ce système : la République française ne saurait tolérer les conditions dans lesquelles des êtres humains se noient presque chaque semaine. Le bilan est très lourd, tragique. Nous dépensons beaucoup d'argent pour aboutir à une situation détestable, qui ne profite ni aux personnes intéressées, ni aux Mahorais, ni aux Comores. Ce système ne fonctionne pas.

Nous soutenons votre texte avec beaucoup de ferveur, monsieur le ministre, mais je prendrais très mal, je vous le dis franchement, que le Gouvernement s'oppose à un amendement de M. Mohamed Soilihi, adopté à l'unanimité par la commission des lois –même si, par principe, nous ne sommes pas excessivement favorables aux ordonnances –, afin qu'un nouveau visa plus adapté aux réalités soit mis en œuvre par cette voie. C'est absolument nécessaire ; nous ne pouvons pas faire comme si le problème n'existait pas !

Voilà pourquoi je soutiens cet amendement.

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