Madame la garde des sceaux, en 2002, l’un de vos prédécesseurs, M. Perben, avait souhaité renforcer la gestion mixte instituée par Albin Chalandon, en engageant ce qu’il faut bien appeler une forme de privatisation du parc pénitentiaire français, par le biais d’un « programme 13 200 » qui consistait à financer la construction de 13 200 places de prison avec seulement 1, 4 milliard d’euros.
Pour atteindre cet objectif, des mécanismes sont venus compléter la gestion déléguée. Je pense à la délégation de la conception et de la construction des établissements pénitentiaires, par le biais de la location avec option d’achat pour l’État, conclue grâce à la mise en place d’un partenariat public-privé. Ce contrat unique permet de déléguer non seulement la conception, le financement et la construction, mais également, et c’est beaucoup plus grave, la maintenance et les services.
Qu’il s’agisse du partenariat public-privé ou de la gestion déléguée, qui consiste en un contrat global de services allant de la restauration jusqu’à l’accueil des familles, l’État conserve ses missions fondamentales de direction, de surveillance et de greffe, laissant la gestion du fonctionnement courant aux entreprises partenaires. Mais, bien que l’administration et les entreprises ne fassent pratiquement qu’un pour l’exécution des services, elles sont bien distinctes en ce qui concerne la répartition des bénéfices. Je n’apprendrai rien à personne en soulignant qu’un certain nombre de filiales d’entreprises importantes intervenant dans le milieu carcéral ne sont motivées que par la perspective d’énormes profits.
En pratique, le budget global alloué à la gestion déléguée et au partenariat public-privé augmente d’année en année, aux dépens, malheureusement, des frais de fonctionnement publics réservés à l’administration pénitentiaire. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne le budget alloué à la direction interrégionale des services pénitentiaires Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon.
Ce triste constat n’est que la conséquence logique de l’« oubli » de sa fonction régalienne par l’État, qui a cédé dans le passé aux sirènes de la rentabilité. Or, on le sait, la sécurité n’a jamais fait et ne fera jamais bon ménage avec la rentabilité : l’ancien gouvernement en a fait l’expérience à plusieurs reprises.
La tentative de privatisation des prisons est un échec. Il ne faut pas attendre que la prison devienne à 100 % privée, comme aux États-Unis, pour mettre un frein à cette politique.
Face à ce constat alarmant, j’aimerais connaître, madame la ministre, votre évaluation de l’ampleur de l’emprise du partenariat public-privé dans le parc pénitentiaire français et la part que celle-ci représente dans le budget global alloué aux établissements pénitentiaires. Surtout, je voudrais savoir quelles sont vos intentions et ce que vous comptez faire pour enrayer une dérive qui peut déboucher sur un échec profond, comme on peut le voir outre-Atlantique.