Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur la reconnaissance de la nationalité française par filiation dès lors que les ascendants des intéressés sont nés sur le territoire algérien et se sont mariés devant le cadi.
En effet, à partir de 2003, de nombreuses décisions de refus de délivrance de certificat de nationalité française ont été uniquement motivées par le fait que le mariage des ascendants français – parents, grands-parents, bisaïeuls, voire trisaïeuls – a été célébré, entre 1880 et 1960, devant le cadi et non devant un officier d’état civil.
Le cadi était un dignitaire religieux nommé par l’administration et investi du pouvoir de célébrer les mariages entre des personnes de confession musulmane. La loi de 1882 lui imposait de veiller à l’inscription de ces unions sur les registres de l’état civil. Cette ambiguïté a sans doute induit en erreur un certain nombre de personnes qui pensaient, en toute bonne foi, être en conformité avec les lois. De tels mariages continuent à produire leurs effets à l’égard des époux et de leurs enfants en matière de filiation, de succession, etc.
Pourtant, à partir de 2003, les services du bureau de la nationalité ont estimé que ces personnes avaient ainsi choisi de se soumettre au droit coranique et non au statut de droit commun. Dès lors, les filiations successives découlant de ce mariage n’existeraient plus, ce qui entraîne, par voie de conséquence, l’absence de reconnaissance de la nationalité française pour les descendants.
Ce brutal refus de reconnaissance de tels mariages conduit à des situations ubuesques : au sein d’une même famille, une personne a pu se voir établir un certificat de nationalité française en raison de sa filiation avec un ascendant Français de statut de droit commun, tandis que la demande formée ultérieurement par son frère ou sa sœur est rejetée alors qu’il est immatriculé au consulat de France en Algérie et détient une carte nationale d’identité et un passeport français.
Cette interprétation du droit faite par le bureau de la nationalité en 2003 a été infirmée par un arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 4 décembre 2008 selon lequel il n’y avait pas d’incidence sur l’établissement du lien de filiation si le mariage avait été célébré devant le cadi, et non devant le maire.
Trois décisions en date du 6 juillet 2011 de la première chambre civile de la Cour de cassation ont confirmé cette jurisprudence. Aux termes de la première de ces décisions, la célébration des mariages respectifs d’un père et d’un fils devant un cadi, et non devant un officier d’état civil, ceux-ci fussent-ils nuls, est sans incidence sur la transmission du statut de droit commun et donc de la nationalité française aux enfants. Aux termes des deux autres décisions, en l’absence de dispositions expresses, le mariage traditionnel d’une personne de statut civil de droit commun ne lui fait pas perdre le bénéfice de ce statut, qu’elle transmet à ses enfants. Ces décisions font suite à une autre de cette même chambre, en date du 8 juillet 2010, selon laquelle la filiation est établie dès lors que la désignation de la mère en cette qualité dans l’acte de naissance est suffisante pour établir la filiation maternelle.
En outre, c’est seulement depuis la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration que les mariages à Mayotte doivent être célébrés par un officier d’état civil et non plus devant le cadi. Toutefois, subsiste la reconnaissance de la filiation et de ses effets en matière de nationalité pour les personnes issues de mariages célébrés devant le cadi.
J’aimerais savoir, madame la ministre, si, conformément à notre jurisprudence et comme l’avait laissé entendre le précédent gouvernement sans jamais nous en donner confirmation, cette instruction de 2003 a bien été abrogée afin de revenir à une interprétation plus juste et adaptée quant à la reconnaissance des mariages célébrés sur le territoire algérien avant l’indépendance du pays, dans ses effets sur la filiation et la nationalité.