Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de saluer le travail de notre collègue rapporteur Richard Yung.
De ces trois directives que l’on peut qualifier de techniques, il vient, avec le talent pédagogique que nous lui connaissons, de dégager les enjeux principaux.
Je m’arrêterai surtout sur la première d’entre elles car, au sujet de la directive « Omnibus I », je pense que tout a été dit.
S’agissant de monnaie électronique, je crois que le point de vue de votre collègue qui siège à l’Observatoire de la sécurité des cartes de paiement sera de quelque intérêt dans cette discussion.
Cet organisme, placé sous l’autorité de la Banque de France, se préoccupe de la sécurité des modes de paiement, à l’heure où les difficultés sont de plus en plus grandes pour maîtriser les évasions diverses sur les cartes de crédit et les paiements par l’Internet.
Force est de constater qu’en l’espace d’une décennie le nombre d’acteurs sur le marché de la monnaie électronique est resté limité. Les opérations de paiement réalisées à l’aide de cette monnaie demeurent marginales.
Chacun s’accorde à reconnaître que la première directive « monnaie électronique », trop rigide sans doute, n’a pas rempli son objectif de dynamiser le marché et qu’elle devait être révisée.
Pour cela, il fallait commencer par bien identifier les raisons pour lesquelles elle n’a produit que des résultats timides. Pour ma part, j’en retiens trois.
D’abord, cette directive donnait de la monnaie électronique une définition trop rigide, excluant la monnaie stockée à distance sur des serveurs ; ce choix s’est révélé peu adapté aux innovations du secteur.
Ensuite, elle fixait le champ d’activité des établissements de monnaie électronique de manière trop étroite, ce qui a contraint ces établissements à réaliser, pour leurs activités extérieures au champ prévu, des montages financiers à la fois complexes et coûteux.
Enfin, elle instaurait un régime prudentiel trop exigeant pour un secteur composé majoritairement d’entreprises jeunes de type start-up.
La directive du 16 septembre 2009 relative à la monnaie électronique vise à lever ces contraintes, considérées comme autant de barrières au développement du marché.
Pour cela, elle adopte d’abord une définition plus extensive de la monnaie électronique. C’est ainsi que l’article 5 du projet de loi la définit de manière délibérément neutre d’un point de vue technologique, afin d’élargir le champ d’application de la loi à l’ensemble de ses modalités de stockage.
Ainsi, outre les instruments de paiement qui sont en la possession du détenteur, comme les porte-monnaie électroniques, parfois appelés wallets ou autrement encore, la monnaie électronique dématérialisée est désormais prise en compte, ce qui permet d’intégrer les comptes en ligne et le stockage à distance sur serveurs.
Cette extension de la définition de la monnaie électronique permettra d’anticiper les évolutions technologiques à venir.
C’est du moins ce que nous espérons car le législateur ne peut pas se trouver constamment obligé de modifier la loi pour rattraper la technique et mettre en conformité le droit avec les innovations d’un secteur qui connaît des évolutions importantes et rapides.
Comme Richard Yung l’a souligné, le développement constant de l’économie dématérialisée est une sorte de défi, qui nous contraint à adapter le cadre réglementaire à un secteur en perpétuelle innovation.
La directive du 16 septembre 2009 opère également la refonte des établissements de monnaie électronique.
Ceux-ci formeront désormais une catégorie d’acteurs à part entière, distincte à la fois des établissements de paiement, qui ne peuvent fournir que des services de paiement, et des établissements de crédit, dont ils constituaient jusqu’à présent un sous-ensemble.
Par ailleurs, les établissements de monnaie électronique voient leur périmètre d’activité élargi : outre l’émission, la gestion et la mise à disposition de monnaie, ils pourront désormais fournir des services de paiement, sans être contraints de créer des entités juridiques distinctes pour leurs activités annexes.
L’élargissement de leur périmètre d’activité devrait lever ces contraintes coûteuses et dissuasives, permettant ainsi l’entrée de nouveaux acteurs sur le marché.
La troisième amélioration apportée par le projet de loi réside dans l’assouplissement du régime prudentiel.
Il s’agit, en abaissant le seuil minimal de capital nécessaire à l’exercice de cette activité, de diminuer le coût d’entrée sur le marché et d’en faciliter l’accès à de nouvelles entreprises.
Pour favoriser la réalisation de cet objectif, le Gouvernement a indiqué qu’il entendait utiliser la possibilité offerte par la directive de prévoir un régime allégé pour les établissements de monnaie électronique de petite taille.
Ces derniers seront exemptés de la réglementation prudentielle, ce qui nous paraît une réponse adaptée aux spécificités de ces petites entreprises, souvent innovantes, qu’il convient de soutenir.
La transposition en droit interne de ces nouvelles dispositions du droit de l’Union est attendue par les acteurs économiques du secteur, qui réclament un cadre législatif adapté à leur activité.
Comme eux, les orateurs qui se sont exprimés, à commencer par vous, monsieur le ministre, ont regretté que le précédent gouvernement n’ait pas perçu, ou ait perçu tardivement, l’intérêt de ces nouvelles règles.
Nos collègues l’ont rappelé, lorsqu’un pays n’adapte pas ses règles, ses voisins s’en occupent pour lui… Avec cette conséquence que la France se trouve aujourd’hui exposée à une procédure en manquement, avec astreintes financières à la clef, puisque le délai de transposition a été largement dépassé.
Au-delà de ces arguments, nous sommes convaincus que, dans un contexte économique dégradé, tous les outils juridiques ou réglementaires qui peuvent favoriser le développement des entreprises innovantes doivent être mis en œuvre.
En simplifiant les transactions, en réduisant leur coût et en touchant de nouvelles populations, donc de nouveaux clients, le secteur de la monnaie électronique ouvre des perspectives de croissance pour notre économie, notamment pour notre économie numérique.
Sans surévaluer l’effet de cette législation sur le développement du secteur, nous avons la conviction que ce cadre juridique rénové permettra de soutenir la croissance et l’innovation et qu’il n’est plus temps de retarder sa mise en œuvre. C’est pourquoi le groupe socialiste votera le présent projet de loi de transposition.