Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, s’il fallait certes réformer la carte judiciaire, nous ne pouvons aujourd’hui que constater que cette réforme a été conduite dans de mauvaises conditions, à la hussarde, avec un simulacre de concertation dans les ressorts de cour d’appel. Je le dis d’autant plus simplement que je l’ai vécu. En réalité, nous avons assisté à une déclinaison de la RGPP dans le domaine de la justice.
La justice, nous le savons tous, s’adresse aux citoyens. Elle est faite pour eux, c’est un des socles de notre société républicaine. La justice est rendue au nom du peuple français, par des magistrats, avec le concours des greffiers.
Le peuple français a-t-il trouvé son compte dans la nouvelle carte judiciaire ? Non ! Les magistrats pas davantage, non plus que les greffiers. Quant aux avocats, on peut dire qu’ils ont été aux « abonnés absents » après la création des pôles d’instruction, qui a eu des conséquences graves dans un certain nombre de territoires ruraux en termes de proximité. En outre, certains barreaux ont purement et simplement disparu. L’accès à la justice pénale devient donc de plus en plus difficile pour nos concitoyens.
Les Français ont besoin d’une justice de proximité, de magistrats, d’auxiliaires de justice, de professionnels au fait de leurs problèmes et accessibles. La proximité permet, de manière privilégiée, de régler rapidement les conflits, souvent de les éteindre ou en tout cas d’en atténuer le feu.
Il est possible de fusionner des cours d’appel, comme l’a fait M. Migaud, premier président de la Cour des comptes, pour les chambres régionales des comptes. En effet, on plaide une ou deux fois dans sa vie devant une cour d’appel : il n’est pas insupportable de devoir faire 100 kilomètres de plus pour s’y rendre.
En revanche, supprimer des tribunaux d’instance –hormis le cas de ceux qui n’avaient presque plus d’activité – revient à priver le citoyen de l’accès naturel à la justice. Souvenons-nous que la procédure civile devant le tribunal d’instance constitue une tentative de conciliation : le premier des médiateurs, c’est le juge d’instance.
Par ailleurs, on a oublié que les dossiers de tutelle se multiplient, du fait que nos concitoyens vivent de plus en plus vieux. À cet égard, il est catastrophique d’éloigner le citoyen de la juridiction de base.
Ce fut une politique de Gribouille. Après la création des juridictions de proximité sous la présidence de M. Chirac, l’ère du Président Sarkozy a vu la suppression de 178 tribunaux d’instance, soit presque 40 % d’entre eux, donc de la proximité. Voilà quelques mois, nous avons assisté à la suppression de la juridiction de proximité, les juges de proximité étant transformés en supplétifs de la juridiction correctionnelle, dans laquelle on a ensuite tenté d’introduire des citoyens assesseurs. Tout cela n’est pas raisonnable, et je l’avais dit à l’époque. Ce n’est pas là une politique judiciaire, et les effets sont négatifs, notamment au travers de l’expansion de ce que l’on a appelé les déserts judiciaires.
En ce qui concerne les magistrats, 80 postes ont été supprimés, dont 76 dans la loi de finances pour 2011, alors qu’on en manque cruellement, nous le savons tous. Quant aux greffiers, 447 postes ont été supprimés en trois ans ; on sait la dégradation du fonctionnement de nombre de nos greffes.
Je conclurai ma courte intervention en soulignant que le vrai problème, aujourd’hui, c’est celui de l’accès à la justice, particulièrement prégnant dans nombre de départements ruraux. Madame la garde des sceaux, épargnez-nous les audiences foraines : nous ne sommes plus au Moyen Âge !
Quant au projet de tribunal de première instance, la mise en place d’une telle juridiction peut faciliter l’organisation, le travail des magistrats et des greffiers, mais il convient de veiller à ce qu’elle n’aggrave pas le problème d’éloignement de nos concitoyens de la justice que j’évoquais à l’instant.
Madame la garde des sceaux, la justice a besoin de davantage de moyens, et non pas d’une accumulation de nouveaux textes ! §